Chapitre 4

182 31 1
                                    

Je me décidai après plusieurs jours à retourner au petit Luxembourg

Oops! Questa immagine non segue le nostre linee guida sui contenuti. Per continuare la pubblicazione, provare a rimuoverlo o caricare un altro.

Je me décidai après plusieurs jours à retourner au petit Luxembourg. Les miliciens n'exigèrent que la nouvelle carte d'identité et me firent passer par un petit escalier, plus exigu, sur les murs duquel étaient pendues trois grandes tapisseries Louis XIII. Je n'eus pas le temps d'examiner les compositions, pressée par les miliciens.

On me fit attendre dans un bureau équipé d'ordinateurs fonctionnels. Je mourrais d'envie de les utiliser, de retrouver le bleu des écrans qui m'avait été si familier autrefois. L'heure tournait, je la voyais sur l'écran de veille, et je commençais à avoir faim. Peu importe, j'avais appris à avaler mon air et ma salive de manière à alléger ma faim. Le ventre se rebellait un temps mais à force de le faire taire, il se taisait.

L'après-midi fila, sans qu'on acceptât de me dire si oui ou non Montmarcy serait de retour. Finalement, l'homme du salon blanc parut avec son équipe.

« Des masses d'air chaud et humide, venues de l'équateur ! Si cette information était sortie de la bouche de la Commission européenne, je ne l'aurais pas cru », s'emporta-t-il sans me voir.

Des feuilles volèrent après son passage et je me retins de manifester ma présence, trop intimidée. Ses collègues froncèrent les sourcils en me voyant mais passèrent eux aussi la porte du bureau voisin. L'homme s'appelait Adam Olsen, et il porterait la moustache après la Commune, comme pour effacer la cicatrice qu'il avait au-dessus de la lèvre et qu'il tenait de ses luttes parisiennes de 2024.

Puis Montmarcy apparut, les manches de sa chemise retroussées, criant :

« La République veut un accord ! Et moi je voudrais une connexion haut débit ! Ils n'ont que ce mot à la bouche mais aucun plan d'action, aucune preuve. »

Il passa la porte lui aussi et je m'affaissai sur ma chaise. J'entendis le claquement des semelles en bois de ses Richelieu sur le parquet. Il revenait sur ses pas.

« Vos joues sont roses, vous devriez partir d'ici avant de vous évanouir dans mes bras », piqua-t-il, le sourire en coin.

Je restai stupéfaite. Il soutint mon regard et regagna la salle voisine.

« Adam, fais-la sortir d'ici je t'en prie ! Qui l'a laissé entrer ? Demande à Collet de la garder éloignée du parc » prononça-t-il distinctement.

Adam Olsen surgit et m'invita à partir. Je tentai de me justifier, de rappeler la proposition qui m'avait été faite dans ce salon il y a quelques jours seulement. Mon visage, en grand, sur la place de la Concorde et d'autres slogans.

« Nous n'avons plus le temps pour la communication, Mlle Morozova. Veuillez quitter ce bâtiment sur le champ. »

J'insistai, des miliciens m'escortèrent jusqu'à la sortie. Je rentrai à notre appartement du neuvième. Margaux s'était débrouillée pour nous trouver du poisson et des haricots verts, cuits je ne sais où. Même refroidie, la nourriture cuisinée avait une saveur exceptionnelle. Elle tenait à ce que je m'alimente bien, maintenant qu'elle avait appris la nouvelle.

« C'est fini, je n'y arriverai jamais.

— Ne fais pas l'idiote, Judith ! Bien sûr que tu as encore tes chances. Tu croyais que ce serait aussi simple ? »

À partir de ce soir-là, je me décidai à retourner au Luxembourg tous les jours. Jusqu'à ce qu'on décide de m'accorder un entretien. Cela dura un mois. Il faisait encore nuit lorsque je passais l'entrée du parc, rue de Vaugirard. Je crois qu'il devait être quatre heures du matin lorsque je sortais de notre immeuble pour m'enfoncer dans les couloirs vides et résonnants du métro.

C'était à cinq heures que les portes de Paris étaient ouvertes pour permettre l'approvisionnement en biens de premières nécessités. Les sabots des chevaux résonnaient sur les grilles d'aérations. Il me semblait entendre quelques fois des hurlements, je recroquevillais les épaules, je réajustais mon bonnet, et je continuais ma marche. Les troupes européennes avaient la gâchette facile quand le moindre parisien décidait de franchir les frontières de la ville.

Avant d'atteindre ma destination, il m'arrivait de grimper les grilles de l'Église des Carmes pour y deviner les fresques de la coupole, dans l'obscurité. Quelques fois, je poursuivais ma promenade dans le jardin jusqu'à ce que des frissons se mettent à vibrer dans ma colonne vertébrale.

Je me plaçais ensuite devant le Sénat, dans les jardins, là où la neige n'existait déjà plus. Je regardais le drapeau parisien être hissé sur son mat, le Soleil se refléter dans les panneaux photovoltaïques fixés sur les toits. Certains jours, je voyais des effrontés courir comme des fous jusqu'au bâtiment, passer une fenêtre ou tenter de grimper les colonnes baguées du château. Ils étaient parfois jugés trop dangereux et tués sur le coup. La plupart du temps, ils étaient raccompagnés par un milicien en direction d'un poste.

Mon regard ne déviait jamais des fenêtres de la bibliothèque où, je l'avais deviné, Milan Montmarcy se rendait tous les matins. Les voilages remuaient sans que je n'aperçoive autre chose qu'une silhouette.

Ce n'était qu'après le déjeuner que je le voyais, lui et ses collaborateurs, entamer une marche dans les jardins. Son manteau en daim lui offrait l'air plus robuste, sa peau était éclatante mais ses joues creuses. Quand il semblait concerné, je percevais nettement l'angle de sa mâchoire et je me demandais ce qui pouvait tant le préoccuper.

Il ne regardait jamais dans ma direction.

Les jours s'assombrirent vite et je fus souvent couverte de pluie. Le soir, à l'appartement, je n'avais pas le temps de me réchauffer entièrement avant de retourner à mon poste d'attente. Je ne savais jamais quoi attendre d'une journée et un matin, malgré les branches d'arbres torturées par le vent, ce ciel de sinistre présage, je pris les couloirs du métro pour retourner à mon point d'attente.

La neige ne tarda pas à tomber. Non pas douce et voletante mais épaisse, fouettant le visage et heurtant le sommet de mon crâne. Les flocons s'étaient transformés en grêle. Je n'avais pas le droit de me faire du mal, je n'étais plus seule dans ce corps. Pourtant, je me sentais obligée de rester.

Adam Olsen eut pitié de moi, ou décida que j'étais suffisamment opiniâtre pour avoir le droit de lui adresser la parole.

« Vous m'ennuyez, Mlle Morozova. Et on aura peut-être besoin de vous. Suivez-moi. »


Oops! Questa immagine non segue le nostre linee guida sui contenuti. Per continuare la pubblicazione, provare a rimuoverlo o caricare un altro.
JUDITH ⎢Gagnante concours Mythes Modernes sur FyctiaDove le storie prendono vita. Scoprilo ora