Chapitre 1 : L'événement

34 2 2
                                    

          J'étais au bord de la scène, ma mère brillait, oui, elle brillait de mille feux remplissant mes yeux d'étoiles. C'était l'effet qu'elle me faisait à chaque fois, sur scène mon père arrivait à la rendre merveilleuse, puissante, belle mais surtout heureuse. C'était la dernière représentation, nous avions fait presque tous les théâtres de France en trois mois, la critique avait été plutôt réceptive ce jour-là. Je m'en rappel encore, nous étions en train de sortir dans la rue, ma mère s'était changée, devenant une tout autre personne - quand je la voyais sur scène, elle était celle que j'aurais aimé avoir comme mère, mais une fois un pied hors de scène, son personnage se dissipait dans le bruit des applaudissements, puis elle me regardait avec des yeux vides, malheureux. Elle ne s'occupait pas vraiment de moi, du moins de moins en moins, quand j'étais petit, elle me faisait rire, je répétais avec elle ses textes, notre complicité était encore un bourgeon, mais lorsque qu'elle fut éclose, en quelques jours elle se fanât, comme une fleur qu'on n'arrosait pas. Et depuis deux ans, elle ne me parlait plus, ne me regardait plus, elle s'isolait chaque jour de ma présence, mais aussi de celle de mon père.  

Ce soir-là, en sortant de la salle, nous nous dirigions vers un restaurant avec toute l'équipe pour fêter la réussite de la pièce, quand un journaliste s'approcha de nous. C'était un homme plus grand que mon père, il avait un charisme surprenant, derrière ses petites lunettes brillaient deux yeux bleus, qui s'illuminèrent encore plus quand ma mère se retourna. Il devait avoir une trentaine d'année, mais dans la manière qu'il avait de tenir son carnet, et de nous approchait me fit comprendre qu'il n'exerçait que depuis peu son métier de journaliste, et qu'il n'était pas encore à l'aise avec l'idée de parler à des stars du théâtre français. C'est avec une parole hésitante et fragile qu'il demanda à mon père s'il pouvait poser quelques questions à lui et à ma mère : le grand Gustave Merle et sa chère et tendre épouse Mélanie Merle (qui jouait le plus souvent les premiers rôles de ses pièces). Le journaliste au bout de deux questions avait perdu sa timidité, en revanche, son regard ne quittait pas les yeux de ma mère, plus il parlait, plus il gagnait en confiance, et au bout de quelques minutes, mon père revint vers moi, laissant ma mère avec le journaliste. Nous étions à la table d'à côté, je pouvais observer comment agissait ma mère, mais je n'arrivais pas à entendre ce qu'elle disait, ni ce qui disait le journaliste. J'ai demandé à mon père pourquoi il n'interviewait que ma mère dorénavant, il ne me répondit pas, allant au bar chercher une bouteille de champagne. 

Mon père n'était pas patient, à part quand il écrivait, c'étaient les seuls moments où il ne râlait pas. Il avait comme on dit le sang chaud, il s'énervait souvent, jamais contre moi mais en revanche contre ma mère les reproches fusaient à toute allure. Je savais qu'eux deux ça n'allait pas marcher, je savais au fond que de nos jours les parents ne restent plus ensemble, l'amour parfait n'existe plus - faut-il qu'il est déjà existé. Mon père n'avait jamais frappé ma mère, mais à plusieurs reprises, ses mains s'étaient levées au dessus d'elle, mais il avait toujours su résister, car c'était sa vedette, et s'il la perdait, il perdrait sa muse et donc avec son talent. Je n'avais ni frère ni sœur, ni cousin ni cousine, mes deux parents étaient enfant unique, et je l'étais aussi. Non pas que le manque d'un frère ou d'une sœur pour eux est crée un manque chez moi aussi, mais j'aurais aimé avoir quelqu'un sur qui comptait - car c'est dans les pires moments qu'on se rend compte que peu de personnes sont là pour vous. Mes parents m'avaient toujours dit qu'ils s'étaient mariés trop jeunes, qu'ils avaient fait l'erreur ensuite de m'avoir eu tôt après leur rencontre, ils étaient encore trop peu matures et n'avaient pas selon eux assez profité de leur vie, même s'ils avaient connus un succès fou très jeunes, ils ne voyaient que les mauvais côté. Ma mère n'avait fait que le conservatoire de Nantes, elle avait ensuite intégré un compagnie à l'âge de 21ans, ce qui est jeune pour une comédienne, il se trouvait que le metteur en scène de la compagnie était mon père, il avait 7ans de plus qu'elle, et était tombé sous son charme au premier regard, elle quitta son appartement pour se mettre avec lui, et commença leur magnifique apogée dans le théâtre français. On reprocha souvent à mon père de ne faire briller que ma mère, de n'accepter aucune autre actrice pour les premiers rôles, et de mettre en avant sa femme et faire de l'ombre aux autres sans leur laisser leur chance. La carrière de ma mère fut très compliquée de ce fait, et pourtant dans ces rudes épreuves, mes parents étaient restés amoureux, et avaient décidé de se marier 1 et demi après s'être rencontré, 9mois après j'étais né. Ma naissance n'avait pas apporté que bonheur au début, mettant fin à la carrière de ma mère pendant quelques temps pour qu'elle s'occupe de moi et obligeant mon père à trouver une autre actrice pour son rôle féminin dans sa nouvelle pièce. Je fût vite donner à la nourrice. Quand j'étais petit, je ne voyais pas souvent mes parents, car jusqu'à l'âge de 6ans il ne m'amenait pas en tournée, il me laissait avec ma nourrice, c'est peut-être ce qui a permis de les maintenir autant d'année ensemble, car quand ils revenaient ils étaient encore plus amoureux, mais une fois à la maison, ils ne savaient plus quoi faire et s'engueuler régulièrement. Mais j'avais toujours espérer que ça ne durerait pas, mais au fur et à mesure des jours, des mois et des années, leurs amours s'estompaient par un manque de liberté. Un manque de liberté à cause de moi je me disais, je ressentais une culpabilité, de m'être mis en travers de leur chemin, en travers de leur carrière, et pourtant je n'y était pour rien. 

Le repas était servi, et ma mère n'avait pas quitté la table avec le journaliste, je la regardais, elle souriait, je voyais que dans ses yeux quelque chose renaissait, une joie. Elle me jeta un regard noir, qui voulait dire "arrête de me regarder et mange!" alors je m'exécuta. Je venais de finir mon assiette quand elle s'approcha de moi, posa sa main sur mon épaule, et quand je leva ma tête pour la regarder, je compris dans son regard que c'étaient des adieux, elle m'embrassa sur le front, ne dit rien, salua de sa main ganté la troupe qui mangeait à mes côtés, et ne regardant même pas mon père, se retourna et s'en alla, tenant le bras du journaliste, loin de nous. Je fixa mon père, voulant une explication à tout cela, mais il se contenta de se lever, de me prendre par le bras et une fois dans la voiture, conduire toute la nuit jusqu'à chez nous. Il ne m'adressa pas la parole pendant plusieurs jours, sa barbe commençait à poussé, il ne prenait plus soin de lui. Et moi, je me contentais de pleurer dans un coin, attendant le retour de ma mère, que je ne revus plus. 

Les seuls mots qu'il m'adressa après une semaine de silence fût ceux-ci - même 8 ans après je m'en rappel encore à merveille - "Je savais que ça allait arriver, je savais qu'un jour elle allait partir, j'en ai fait une star et elle ne me remercie même pas, j'aurais mieux fait de la garder pour moi au lieu de la montrer au monde, tu es la seule chose qui me reste Ellis, surtout ne me déçois pas, ne sois pas comme ta mère."

SubiWhere stories live. Discover now