Chapitre 2 : présent

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Je l'ai vu pour la première fois un mardi, à la récrée de 16h. 

Comme à chaque pause, je me suis assis sur un banc au milieu de la cours, j'aime pouvoir observer les personnes et les choses qui m'entourent. J'ai pris l'habitude de m'asseoir et de lire un livre, je venais de finir celui que j'étais en train de lire, et mon sac n'étant rempli que de cahiers, je me retrouve à rien faire, alors j'observe. Et c'est là que je l'ai vu, il devait être nouveau car je ne le connaissais pas, et étant dans un petit lycée de province, tout le monde connaît tout le monde. 

Il est grand, il a les cheveux mi-long, d'un noir si sombre que la lumière ne s'y reflète pas. Son regard se pose sur moi, je me rend compte que je le fixe, je détourne mon regard, regarde mes pieds pour éviter tout malaise. Je n'ose pas relever mes yeux, je crains qu'il soit encore là. Mais au bout d'un moment, je relève la tête. C'est avec déception que je vois qu'il n'est pas là. J'aurais bien aimé connaître son nom. Il sera et restera un inconnu pour moi. Je me remet à rêvasser. Une main se pose sur mes épaules. "Salut" dit-il derrière moi. Pris d'un sursaut je me retourne tout rouge; il est là, derrière moi, il me regarde avec ses yeux verts. "C'est quoi ton nom ?", ma gorge est sèche, je n'arrive plus à déglutiner, je n'arrive même pas à prononcer mon nom. "Moi c'est Tom", il ne semble pas perturbé du fait que je ne parle pas, que je reste là à le regarder. Il s'assoit à côté de moi. J'arrive à reprendre mon souffle, "Ellis." La situation me fait rire, Tom me regarde avec des yeux perplexes, "désolé" dis-je, gêné. Il ne dit plus mot, il reste là, assis, je n'ose ouvrir ma bouche de peur de dire quelque chose de bête. Mais j'aime bien, d'un côté le silence qui se pose entre nous en dit plus que de simples mots, une amitié forte s'est déjà nouée. 

La sonnerie retentit, il se lève, me salut de la main et rejoint un groupe de filles, je les entends rigoler, je ne sais pas s'il parle de moi, en tout cas Tom me lance un dernier regard avant de rentrer dans le bâtiment. 

Je n'ai rien suivi du cours de physique, je n'ai fait que regarder par la fenêtre, Tom, c'est son nom, celui qui occupe toutes mes pensées. A la fin du cours, en sortant de la salle, M. David m'interpelle,  

"- Ellis, tu n'a pas été très attentif aujourd'hui. 

- Veuillez m'excuser monsieur, j'avais la tête ailleurs.  

- Très bien, mais que cela ne se produise plus, je n'aime pas faire cours sans mon meilleur élément, dit-il en me faisant un clin d'œil.

- Ne vous inquiétez pas, ça n'arrivera plus." 

Je me dirige vers la porte, la tête encore sur un nuage. 

"Tiens au fait, tu as fini le livre que je t'ai prêté ?" D'où vient cette voix. "Ellis?", je me retourne et je fais face à M. David, 

"- Ellis, le livre de Philip K. Dick tu l'as finis ? 

- Ah oui, désolé, tenez, dis-je en sortant le livre de mon sac. Très intéressant, vous pensez qu'un jour notre monde deviendra ce qu'il décrit dans le livre, une dystopie où l'humanité se perd dans le progrès?

 - Je n'espère pas, mais si tu veux réfléchir à cette question, j'ai encore tout un tas de livres sur le sujet qui peuvent t'intéresser, n'hésite pas à me demander.  

- Merci monsieur."

J'aime beaucoup M. David, derrière son apparence d'ours, il est très intéressant et surtout très intelligent, c'est un grand fan de science-fiction et depuis qu'en seconde je lui ai dit que j'aimais beaucoup lire, il me prête des livres, grâce à lui j'ai lu des classiques de science-fiction, 1984 de George Orwell, Ubik de Philip K. Dick, Fondation de Isaac Asimov et un tas d'autre. Même après deux ans, il trouve toujours quelque chose à me prêter. En plus de ça, c'est mon professeur de physique, et son doctorat était sur la robotique. Etant passionné de robotique, nous avons des discussions extraordinaire sur le sujet, et il m'aide beaucoup pour mon avenir. Pour tout dire, M. David est quelqu'un d'extrêmement gentil, le weekend il nous arrive de jouer aux échecs, je n'arrive toujours pas à le battre même si j'ai développé de superbes techniques. Je ne crois pas qu'il ai beaucoup d'ami, je ne suis pas sur non plus qu'il ai une famille, il m'a raconté une fois qu'il était parti faire ses études à Manchester, quittant ses parents à l'âge de 16ans, il n'est jamais retourné auprès d'eux. Ensuite, il a travaillé dans plusieurs université de grande ville, il n'aime pas s'en vanter alors je ne vais pas dire lesquels. Cela peut paraître donc étonnant qu'il finisse ses jours dans un petit lycée, mais je crois que sa vie lui plaît, il a acquis ce qu'il voulait et maintenant il vit tranquille. Depuis la seconde, c'est mon seul ami, il sait pour moi et ma mère, il ne m'a jamais jugé sur ma vie et m'a beaucoup aidé après l'incident. M. David est la meilleure chose qui me soit arrivé, et même s'il n'ose pas me le dire, je sais qu'il est fan du travail de mon père et il m'est très reconnaissant de lui avoir offert à deux reprises des billets pour son nouveau spectacle. 

Il m'a enlevé de la solitude qui me rongé. 

J'étais dans le bus en direction de chez moi, j'aime prendre le bus, j'observe les gens de haut qui sont dans leur voiture, j'essaie de leur crée une vie, de savoir où ils vont, de savoir s'ils s'aiment encore ou s'ils ne font que semblant pour l'enfant qui se trouve derrière eux. Les gestes et les expressions en disent beaucoup sur une personne, et si on observe bien, on perçoit tout un tas de chose, des signales que la parole ne serait capable d'exprimer au monde. Mais aujourd'hui, c'est différent, mon attention n'est pas portée sur une voiture que je surplombe, non, elle est porté sur un garçon que j'ai rencontré, un garçon que j'ai envie de connaître, un garçon que j'aime déjà beaucoup alors qu'il ne m'a dit que son nom, Tom. 




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