Chapitre 3 : L'évènement 2

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Michael, le meilleur ami de mon père - qui était comédien et jouait souvent dans ses pièces - nous rendait visite au moins trois fois par jour. Il avait été très proche de ma mère, et savait comment elle pouvait être, il savait donc comment remonter le moral de mon père. Mais plus je le voyais, plus je comprenais qu'il venait aussi parce qu'il n'avait nul par où aller. Au bout de quelques mois, il emménagea avec nous, sa femme l'ayant quitté parce qu'il ne faisait plus attention à elle, à vrai dire il ne s'occupait plus que de nous. 

Michael passait ses soirées avec nous, il ne me parlait que très peu, si ce n'était pour me demander comment j'allais, mais il connaissait déjà la réponse avant de la poser. Je n'allais pas bien, je ne pouvais aller bien alors que ma mère n'était plus là, elle nous avait abandonné. Même si mon père m'avait dit qu'il savait que cela allait arriver, je sais qu'au fond il avait prié pour que ça n'arrive pas. Personne ne veut voir sa moitié partir du jour au lendemain, personne ne veut voir celle qui vous rend heureux disparaître, et cela valait pour moi aussi, car certes les dernières années n'avaient pas été très joyeuses entre moi et ma mère. Mais je l'admirais tellement que je ne pouvais détacher mes yeux d'elle quand elle était sur scène, à croire que j'en était amoureux. C'était ma mère et j'en était fière, je m'en ventais beaucoup à l'école, ce pourquoi peu de personne m'aimait. Mais ce n'était pas grave, parce que je n'en avais que pour elle, tant que je l'avais près de moi, je n'avais besoin de personne d'autre. Elle était très gentille avec moi (au début), et je voyais mon père comme le méchant, car il me poussait à faire autre chose que répéter avec elle, je pensais qu'il était jaloux, mais en réalité il avait raison, ma mère ne me faisait pas grandir, elle me gardait enfant. Je suis devenu reconnaissant envers mon père lorsque ma mère nous quitta. Malheureusement, c'était déjà trop tard, il ne s'intéressait plus à mon cas, je n'avais montré aucune affection envers lui, pensant qu'il ne m'aimait pas, pensant qu'il me rejetait mais c'était l'inverse, en me remémorant quelques souvenirs, je me rendais compte que mon père m'avait toujours aidé à trouver qui j'étais, à trouver ce que j'aimais. Petit il m'emmenait souvent au musée des sciences, parce qu'il savait que j'en étais passionné, pourtant je ne le disais pas, car devant ma mère, je ne devais qu'aimer le théâtre. Elle m'avait d'ailleurs inscrit très jeune dans des cours de théâtre, selon elle j'avais un don inné, et je devais le partager au monde. Don ou pas don, je n'étais pas passionné par le théâtre, j'aimais bien aller en voir mais à vrai dire, quand ce n'était pas ma mère qui jouait je m'ennuyait à regarder des gens réciter leurs textes. Selon moi, si elle ne m'avait pas tant forcé à en faire et à apprécier l'art dramatique, peut-être que j'aurais développé un autre amour pour celui-ci, mais elle m'en avait dégouté.

Elle n'était plus là maintenant pour me dire quoi faire et quoi aimer, j'étais libre dans un sens, mais si être libre c'était être malheureux, j'aurais aimé être enfermé. Cela dit, j'avais réussi à développer de vraies connaissances sur la science, j'avais fait quelques expériences avec Michael, il m'avait emmené plusieurs fois au musée des sciences pour rencontrer des personnes qui s'y connaissaient. Mon père n'étant plus disponible, passant ses journées à se morfondre en pyjama dans le canapé avec une bouteille de whisky à la main. Je ne proposais même plus de faire une quelconque activité car il ne prenait même plus la peine de répondre, il était trop occupé à regarder la vidéo de leur mariage. C'était bizarre de voir son visage jeune à la télé, j'avais compris quelque chose en la regardant rigoler, c'est qu'elle n'avait - quand je la connaissais - jamais paru être heureuse, jusqu'à ce jour, quand elle avait parlé avec le journaliste. C'était donc ça, elle avait retrouvé l'amour, elle avait retrouvé une forme de bonheur et même si je lui en voulais, en me rappelant comment elle était avec moi, je la comprenais et la pardonnais. Peut-être, qui sait, qu'un jour elle reviendra parce qu'un autre l'aura fait pleurer et l'étincelle dans ses yeux se rallumera en voyant mon père. C'était un espoir en vain, mais j'aimais bien me dire qu'elle ne nous avait pas oublié. Michael était de mon avis, il était persuadé qu'après un an loin de nous elle reviendrait en rampant. En revanche, mon père n'y croyait plus trop, il avait surtout peur je crois qu'elle ne revienne que pour trouver des rôles auprès de lui. Et je le craignais aussi, la popularité pourrait surpassé l'amour et la famille. 

Mon père commençait à me faire peur, je le voyais jour après jour se perdre. Il ne faisait que boire, il n'écrivait plus, il ne prenait même plus la peine de se laver. Je ne pensais pas qu'il allait être tant touché par le départ de ma mère, à croire qu'il l'aimait vraiment. Si j'avais dû parier qui partirait en premier j'aurais dit mon père, mais au final c'est celui qui serait rester le plus longtemps, et c'est ce qu'il se passa. Ma mère partit, lui resta. Il était venu un soir, en pleure, soûl dans ma chambre, il n'était plus lui et pourtant c'était la première fois depuis des semaines que je sentais enfin sa présence. Allongé sur mon lit à mes côtés, son haleine empesté d'alcool, il s'adressa enfin à moi. J'avais presque oublié sa voix depuis le temps, mais son timbre grave me ramena en enfance, et les yeux fermaient, paisibles, nous étions là : un père et un fils, une famille. 

"- Ellis ? 

- Oui papa ? 

- Regarde-moi. 

- Je te regarde. 

- Non regarde, regarde-moi. Regarde ce que je suis devenu, regarde ce que j'ai fait.

- Tu n'as rien fait papa. 

- Si, je ... je l'ai laissé partir.

- Papa tu n'y es pour rien, c'était sa décision. 

- ... je peux dormir avec toi ? 

- C'est moi qui devrais te demander ça." Il s'était déjà endormi. Michael au seuil de la porte atteignit la lumière, des larmes coulèrent le long de mon visage, mais pour un fois ce n'étaient pas des larmes de tristesse, non c'étaient des larmes de soulagement.

Il a dormi dans ma chambre pendant près d'un mois, je ne m'était jamais senti aussi proche de mon père, je le regardais dormir, il était toujours aussi dévasté - mais la nuit son corps était apaisé, je savais qu'il rêvait d'elle, je voyais les larmes coulaient sur ses joues, la beauté de ma mère lui avait toujours fait cet effet, rythmé par sa respiration il l'imaginait à ses côtés et il était enfin heureux - son cas empirait, même si avec moi, son comportement s'améliorer. Il ne sortait plus, les journaux publiaient des articles sur le fait que Gustave Merle avait perdu sa muse, "sans elle il n'est rien", voilà les titres. Je lui arrachais des mains, je ne voulais pas qu'il voit ça, il s'apitoyais déjà assez sur son sort. Je m'étais rendu compte, que sans ma mère, j'étais la seule chose qui lui restait, il n'avait que moi, et je n'avais que lui, alors je devais être la pour lui. Je devais lui prouver que je ne l'abandonnerais pas, pour qu'il remonte à la surface. Je comptais tenir ma promesse. 

SubiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant