Chapitre 2

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Je me retrouve en face d'une énorme porte sur laquelle se trouve une plaque dorée avec les initiales du directeur. Selon Lola, il est très gentil et facile à convaincre donc j'ai peut-être mes chances de faire un bon début. 

Je marche jusqu'au seuil de la porte et avant que j'aie pu toquer, elle s'ouvre laissant entrevoir une énorme pièce avec une vue à couper le souffle. Je suis complètement saisie et à deux doigts de tomber par terre. Je comptais avec quelques minutes additionnelles pour me préparer mentalement à ce qui allait suivre. 

- Madame Ames, c'est un plaisir de vous recevoir, navré de vous avoir fait attendre, je vous ai vue depuis la caméra située sur la porte.

Est-ce sarcastique ? Sûrement puisque je suis là depuis moins de trente secondes. Il veut certainement me faire comprendre qu'il a un oeil sur l'entièreté du bâtiment.

- Bonjour M. Smith, dis-je en le regardant dans les yeux pour la première fois. 

Il est tel que je l'imaginais. Un homme dans la quarantaine, cheveux courts méchés de différentes nuances de gris. Costume trois pièces, très élégant et un sourire très joli bien que très peu naturel. Ses yeux me scrutent un instant et se retournent sitôt vers un dossier ouvert sur son bureau. Je reconnais la couverture imprimée de mon brouillon et mon coeur ne fait qu'un bond. 

- Comment allez-vous ? Puis-je vous tutoyer ?, toutes ces formalités me donnent mal au crâne, dit-il en riant. 

- Bien sûr Monsieur, je suis ravie de faire votre connaissance, je vous remercie d'avoir accepté de m'accueillir.

Ma voix est trop basse et je ne sais pas quoi dire de plus. J'ai tellement de questions à lui poser mais je n'arrive pas. Le temps se fige quand il me fait signe de prendre place dans un siège placé en face de son bureau. Le mur à côté de l'entrée est composé d'une multitude d'étagères remplies de livres très bien classés. Derrière le bureau, une baie vitrée permet d'avoir une vue sur l'ensemble de la ville. Perdue dans le décor, quelques minutes s'écoulent pendant lesquelles nous ne disons rien. M. Smith feuillète les pages de mes écrits et entoure des mots par-ci par là.

- Alors, il est temps d'avoir votre réponse... 

Les nerfs à vif, ma tête commence à tourner, je joue avec la chaîne de mon sac pour garder mes mains tremblotantes occupées et m'apprête à écouter silencieusement ce qu'il a à dire. 

- Je dois admettre que je suis épaté par la qualité de ton travail. Tu as un talent remarquable. J'ai tout de suite été submergé par la quantité d'émotions que contient ton brouillon. Tu as également énormément de référencement et c'est très distingué. En tant que lecteur, j'apprécie vraiment ton travail, je tenais à te le dire. Mais, malheureusement je dois être honnête envers toi et aussi penser à l'avenir de mon entreprise. Ce que tu avances ne fonctionnera pas. J'en suis navré. 

J'écoute attentivement son discours sans l'interrompre une seule fois. Je déteste les mots de consolation, "votre travail est bon mais je n'en veux pas". Ça se résume à ça. Ma fierté prend un coup et je n'ai qu'une chose en tête : rentrer chez moi. J'ai vécu cette situation bien de fois. Pourquoi espérer une fin différente ? Avec l'expérience, j'ai fini par comprendre que dans des cas comme ça, ça ne sert à rien d'insister. 

- Je comprends, désolée de vous avoir fait perdre votre temps. 

Sur ce, je me relève doucement espérant un miracle se produire, mais rien. Il me regarde enfiler ma veste et ne dit rien. Un air sincèrement apitoyé se lit dans son visage, me faisant sentir encore pire. Je déteste qu'on ait pitié de moi, je préfère qu'on se moque, ça me donne une raison d'abdiquer et de vider mon sac. Bien que, en réalité, je ne remettrais jamais les pieds ici donc rien ne m'en empêche. 

Un pas plus près...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant