Chapitre 24

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- Salut Sheila !

La voix du Vince me réveille du transe dans lequel je me trouve depuis que mes yeux ont croisé le regard perçant de Lyle.

Je me retourne, complètement abasourdie, tout en gardant un contact visuel perpétuel avec celui qui a fait chavirer mon cœur.

- Alors ton entretien ?

Il me parle avec une désinvolture qui me semble forcée. Il se rapproche de moi, son souffle est trop près.

Ses grands yeux bleus me regardent interrogatifs, mais à vrai dire, je ne me souviens même pas de ce qu'il m'a demandé. Mon esprit est ailleurs et le poids de la note qui se trouve dans ma poche s'alourdit. J'ai impérativement besoin de savoir ce qu'il y est écrit. 

- Sheila... tout va bien ?

Il se penche vers moi, essayant de se mettre à ma hauteur en posant ses mains sur mes épaules. Son contact me fait tressaillir et quand ses doigts se déplacent lentement vers mon menton pour que je lui fasse face, un bras me tire doucement en arrière. Ma main est enveloppée d'une autre. Plus grande, plus chaude et plus douce.

Son ombre s'empare de la mienne sans un mot et pas avant d'avoir lancé un regard méprisant à l'égard de mon collègue, il m'emporte avec lui.

Une fois à l'abri de tout regard, il me reluque d'un regard interrogateur, comme pour s'assurer que je le suis de mon plein gré.

Il communique avec ses yeux et bizarrement j'arrive à comprendre ce qu'il dit. Son sourire gêné traduit une désolation et lorsque ses sourcils se lèvent, je sais qu'il veut s'assurer que je vais bien.

Je ne sais pas si mon expression non-verbale sera capable de lui faire parvenir la cascade de sentiments qui m'envahissent, mais je suis certaine que l'irrégularité des battements de mon cœur saura lui prouver que ce que je ressens pour lui est réel.

Au-delà de nos étranges pratiques communicatives, il y a tellement de choses que je voudrais lui dire. Tant de mots qui se précipitent, parcourant ma gorge à toute allure mais incapables de franchir le seuil de mes lèvres.

Mais par où commencer ? La liste est sans doute longue. Qui es-tu ? Comment m'as-tu trouvée ? Quelles sont tes intentions ? Quel est ton lien avec les éditions Smith ? Pourquoi ne parles-tu pas ou plus... ?

Tous ces questionnements torturent mon esprit, mais les poser serait-il légitime ? Ai-je vraiment le droit de l'interroger ? Ne suis-je pas celle qui a accepté de jouer à son jeu ?

J'ignore la réponse.

Je pense avoir lu quelque part que les gens peuvent arrêter de parler à la suite d'un traumatisme ou d'un événement tragique. Est-ce son cas ?

Pourtant quand j'ai regardé ses films, c'est de suite sa confiance en soi et son talent mêlés à une interprétation excellente qui m'ont fait l'admirer. Mais s'il y a une chose que j'ai apprise depuis que j'écris c'est que la fine ligne qui se trace entre le réel et l'imaginaire est infranchissable.

Qu'en serait-il de moi si chacune de mes fantaisies se réalisait ?

Si l'ensemble des scènes que j'ai décrites venaient à se produire. Toutes les caresses que j'ai imaginées, chaque baiser, chaque scénario. Je rêvasse en repensant à l'un des derniers extraits que j'ai écrits, mais que je n'ai pas osé publier.

Je l'ai gardé pour moi, cette fois, consciente du nom que j'avais volontairement omis, celui de l'homme qui me tient par la main et dont les yeux trahissent une infinité de secrets.

Lyle me conduit vers une voiture blanche que je reconnais de suite. C'est celle qui m'avait conduite au club de Lola le soir où innocemment, j'ai voulu demander un Uber.

Un pas plus près...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant