Tranches de pain de vie

"Fuck la vie" (1/2)

"Beaucoup de gens vont directement du déni au désespoir sans s'arrêter au milieu et faire quelque chose à ce sujet." Al Gore

"Il ne faudrait pas exaspérer, il faudrait espérer. L'exaspération est un déni de l'espoir. Elle est compréhensible, je dirais presque qu'elle est naturelle, mais pour autant elle n'est pas acceptable. Parce qu'elle ne permet pas d'obtenir les résultats que peut éventuellement produire l'espérance." Stéphane Hessel

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Je n'y arrivais plus. Je ne pouvais plus. J'étais à bout.

J'avais tout donné pendant huit années. Je m'étais jeté corps et âme dans cette lutte.

Au début, ma famille était fière de moi. Fière de mes choix, de mes actions. Et puis, petit à petit, tout est parti en morceaux. Ma copine m'a largué quand j'ai osé dévorer un hamburger avec un steak plus que saignant.

- Tu crois qu'on peut sauver tous ces putains d'animaux qui vont à l'abattoir ? Dis-moi Rachel ? Tu crois qu'en arrêtant de bouffer de la viande, on va sauver ces millions d'animaux qui meurent chaque jour ?

Mon cœur et mon âme saignaient autant que la viande. C'est la petite goutte de sang qui a fait déborder mon vase trop plein de colère, de haine, de frustration, d'énormes privations, de lutte acharnée pour quoi ? Oui pour quoi ? Rien. Le vide, le néant.

Je hais le monde dans lequel je vis. Putain oui, je le hais et je hais cette putain de race supérieure que nous sommes devenues ! Je hais les humains ! Je me hais, je nous hais tous !

J'ai commencé avec la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. J'ai suivi un ami à moi. Lui, un vrai anarchiste, moi, jeune lycéen paumé qui voulait « faire bouger les choses ». Je n'ai jamais été écologiste. C'est venu progressivement. Mes parents ne le sont pas. Je viens d'une famille moyenne, père ouvrier dans le bâtiment, mère, secrétaire dans une entreprise d'import/export. Une grande sœur qui a toujours rêvé d'être institutrice. Elle a réussi. Moi, je me cherchais. J'avais du mal à trouver ma place, peut-être que je rêvais trop. Mais je me suis engagé. Et quand j'ai fait les marches pour le climat, quand j'ai écouté les discours de Greta Thunberg, j'y ai cru. Oh oui putain, j'y croyais. Je me suis dit : » « enfin, ça bouge ! ». Oui, enfin, les jeunes, les familles, les vieux se réveillent ! Putain, j'y ai cru !

J'étais fier de marcher dans les rues, fier de crier des slogans, fier de prendre enfin ma vie et l'avenir de la planète en main. Je suis devenu rapidement végétarien, une révélation, une évidence. J'ai accompagné mes parents vers plus de sobriété. Je me suis porté bénévole pour de nombreuses associations. J'ai milité, scandé des slogans qui me faisaient rêver. J'ai rencontré de nombreuses personnes, des jeunes de mon âge, et aussi Rachel. Je suis tombé amoureux de sa force de caractère, de sa joie de vivre, de ses pensées positives, mais aussi de sa détermination. Elle était comme les autres, motivée à changer les mentalités. Je l'aurais suivi au bout du monde, elle, son sourire radieux et ses mots réconfortants. « Ne jamais baisser les bras ». Elle me le répétait tout le temps quand j'avais des coups de mous, surtout vers la fin de notre relation. Elle n'a pas compris, elle ne m'a pas compris. Elle m'a pris pour un fou et elle avait raison. Je suis devenu fou. J'ai pété un câble, un plomb, une durite. Mon cerveau a explosé au sens propre comme au figuré.

Je n'y arrivais plus. Je ne pouvais plus. J'étais à bout.

Avez-vous déjà vu les dauphins jouer en accompagnant un bateau ? Avez-vous vu la magie quand la baleine, monstre des océans, s'élance hors de l'eau, la tête pointée vers le ciel, tourne un peu sur elle et puis retombe avec grâce, oui grâce. Avez-vous déjà vu la fragilité, mais la beauté d'une minuscule chouette que l'on peut tenir dans sa main ? J'en avais eu une lors d'un stage dans un centre de soins et réhabilitation pour animaux sauvages. Ses gros yeux braqués sur moi, j'étais impressionné par ce petit animal. Prenez-vous le temps de regarder et d'écouter les oiseaux dans les parcs ou les jardins ? Le couple de mésanges, le beau rouge-gorge, le merle chantant.