Chapitre 18

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Il restait immobile devant cette porte en bois d'une qualité indiscutable. Il méditait en humant l'odeur du thé que le couple de propriétaires buvait au rez-de-chaussée. Une discussion si joyeuse et dynamique se déroulait en bas, une ambiance qui lui rappelait presque le lien entre Togo et Dahomey.

Se décidant enfin à réagir, il toqua timidement sur la porte.
Aucune réaction.

Il toqua encore plus fort, une fois, deux fois, trois fois, sans arrêt en faisant toujours plus de bruit. La panique s'empara de lui très vite. Ce scénario ne devait pas se répéter.

Il ne voulait pas le répéter.

Les propriétaires lui avaient assuré qu'elle était revenue. Ils n'étaient plus très jeunes, et les accidents arrivaient si fréquemment...

C'est seulement quand il étendit un grognement venant de l'intérieur qu'il s'arrêta dans sa lancée. Il cogna sa tête contre le mur, les jambes en coton et se détendit. Puis en entendant la clé tourner dans la serrure, il murmura, soulagé :

« Idiote. »

La Soudanaise avait les yeux rougis, le corps soutenu par l'encadrement de la porte, et l'habit de travers dévoilant son épaule nue. Elle frotta son front en regardant des deux côtés et balbutia fatiguée, mais se voulant moqueuse :

« Hé. Je dormais quand une bombe a explosé sur ma porte. Vous avez peut-être une explication. »

Sénégal tourna machinalement la tête toujours collée au mur. S'il pouvait exploser son stress sur elle, il l'aurait fait à cœur joie.

« Vous m'avez fait peur. J'ai cru que... Bref, je... Ça m'a beaucoup inquiété. Plus jamais ça, s'il vous plaît. »

Elle inclina sa tête sur le bois et entrouvrit la bouche, plutôt surprise de sa déclaration. Jamais, au plus grand jamais, elle n'espérerait entendre de tels mots sortir de la bouche du Sénégalais. Elle frémit :

« Touchée. Sans mauvaise blague. Ça me touche vraiment que vous me laissiez une petite place dans votre cœur... »

Son sang bouillonna dans son corps. Son cœur ne le pompait plus correctement, accélérant son rythme à chaque contraction. Bien sûr qu'elle avait eu une place dans son esprit, dans ses pensées, dans ses actes. Et cela, depuis que ses yeux pétillèrent d'admiration pour elle.

Il relâcha le poids de sa panique au sol et se souleva doucement avant d'ajuster le doux vêtement ample de la demoiselle.

C'était drôlement gênant pour lui, mais étrangement agréable en même temps.

Il garda ses grandes mains sur les épaules cachées par le large tissu et nagea dans son regard marron foncé peignant la tendre amertume du cacao. Puis sans même laisser le baobab annoncer la prochaine heure, Sénégal déposa son front hésitant sur celui de la république.

Les cœurs s'agrippaient douloureusement et agréablement à la fois. Malgré la distance, les souffles se mélangèrent harmonieusement, formant une bulle de chaleur entre eux. Les yeux langoureux se fermèrent, imaginant à quoi l'autre pouvait penser et impatients de se rencontrer à nouveau.

L'environnement autour d'eux avait disparu. Les discussions, le chant des oiseaux, la musique dans les chambres voisines, le subtil soupir du vent... Plus rien n'existait à part le son de leur respiration saccadée. Leur rare proximité si étrange, si délicate, si plaisante, créait une nouvelle forme de complicité.

Une complicité passionnée.

Mais dans cet élan d'émotions qui s'enchaînaient sans répit, il ne put que répéter d'une voix détendue et suave :

Perle d'indépendanceحيث تعيش القصص. اكتشف الآن