XXI - Mercy

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Mes paupières sont lourdes, mes membres sont mous et je n'ai pas envie de bouger. Je suis tellement bien, il fait si chaud. Je garde les yeux fermés, savourant l'enveloppe réconfortante qui m'entoure. Mon visage est plus frais, je sens des mèches de cheveux voltiger et le fouetter gentiment, des secousses me forcent à ouvrir un œil. Le deuxième suit rapidement le même chemin. Bones est debout, devant la barre. Son profil est enivrant. Ses bras contractés sur le guidon, son t-shirt dompté par le vent, son jean sur ses jambes fermes. Ses cheveux noirs sont ébouriffés à cause des rafales qu'il se prend et je me surprends à sourire.

   Il se tourne quand je me redresse légèrement et mon cœur rate un battement quand il m'accorde un sourire sincère, dévoilant toutes ses dents blanches. Je me gratte la nuque, encore désemparée par ce comportement et je lui souris timidement.

   — Comment tu te sens ?

   — On est inquiet, monsieur-je-brise-des-os ?

   Il lève son majeur dans ma direction sans cesser de sourire et vire sur la gauche.

   — ... Vivante, je finis par dire.

   — Puisque tu l'es, c'est normal je pense.

   — Wow ! Tu es un génie.

   — Finalement, j'aurais dû te laisser couler.

   — Aller, arrête. Je suis sûre que je t'aurais manqué, chéri.

   — Dans tes rêves, chérie.

   Je ris doucement et il sourit. Est-ce que je suis morte et revenue d'entre les morts ? Est-ce que Bones a promis de devenir adorable pour me sauver ? Où est passé mon Bones bien impassible bien froid ? Qui est cet homme avec ce beau sourire ?

   Je n'arrive pas à arrêter de sourire, notamment quand je constate que je porte mes vêtements secs et que je suis saucissonnée dans une des grosses couvertures chaudes du yacht.

   Se pourrait-il que notre très cher Bones ait un cœur sous cette tonne de glace ?

   J'en ai bien l'impression.

   — Où est-ce que tu as eu ce bateau ?

   — Je l'ai volé.

   — ... Quand as-tu fait ça ?

   — Quand tu dormais.

    Mais non, je ne te crois pas. Idiot.

   — Où allons-nous ?

   — On retourne au grand port, on récupère nos affaires au motel et on prend le premier vol pour les États-Unis.

   — Je suppose que depuis l'épisode du yacht, on n'a pas rejoint la terre ferme. (il confirme) Très bien. Alors je répète, où est-ce que tu as eu ce bateau ?

   — Je l'ai volé, je te l'ai dit.

   — Mais où sont les foutues personnes qui étaient dessus, Bones ?! Le bateau n'est pas miraculeusement venu jusqu'à nous !

   — Qui sait ?

   — Bones !

   — Sur le yacht. Vivants, rajoute-t-il devant mes sourcils froncés.

   — Et les corps ?

   — Brûlés.

   — Comment...

   — Je suis un pro, Mercy. Aucune trace, aucune preuve. On a passé un weekend à Marseille et puis c'est tout. Ni vu ni connu.

   Je roule des yeux et me rallonge. Je suis fatiguée alors je me permets d'essayer de me rendormir. Mes pensées divaguent et me rappellent que mon père n'est plus. Je revois ses yeux révulsés, sa bouche qui cherchait de l'air et la chute de son corps vers les fins fonds marins. Ça me donne la chair de poule. Maintenant que Warren O'Neill est mort, je peux vivre. La survie est fortuite. Elle n'est plus une option. Je dois reprendre ma vie là où je l'ai laissé, rassurer Marta qui doit mourir d'inquiétude et laisser mon passé s'envoler. Tout va être plus simple désormais.

Stone ColdWhere stories live. Discover now