57 - Jake - Comme ta teub

33 5 43
                                    

L'aura de Sammaël : La puissance à l'état pure. Elle est telle que j'ai envie de me foutre à genoux et d'implorer pardon.

Avec un calme méthodique, il reboutonne les manchettes de sa chemise amidonnée, puis réajuste les manches de son costard impeccable, le tout sans quitter le paillasson de l'entrée sur lequel il détonne. Je ne m'étonne même pas de le voir tout sec et bien propre sur lui malgré le déluge qu'il vient de traverser.

Mes cicatrices, non contente de s'illuminer comme un putain de sapin le jour de noël, se mettent à réagir à sa présence. Je suis aimanté à lui. J'ai la sensation que si je résiste, si j'empêche la réunion de se produire, la peau de mon dos s'arrachera et ira le rejoindre sans moi.

C'est mon sang, c'est mes gènes. Maintenant qu'il est face à moi, notre lien de parenté est indéniable. Nous nous jugeons du regard, à travers nos yeux qui sont des foutues copies, mais qui ont dû être témoin de choses bien différente. Puis il passe à l'inspection de l'intérieur de l'hôtel, et ce qu'il voit semble passablement le dégoûter. Le mépris est gravé dans son visage de pierre, clair et froid comme le marbre.

Dire que j'ai laissé les portes grandes ouvertes. Dire que je l'ai invité à entrer. Dire que je n'ai aucune arme pour l'accueillir. Dire que j'ai bien merdé.

Des voix se mettent à tourbillonner autour de moi. C'est à peine plus fort qu'un bruissement d'aile, un charabia chuchoté qui n'a ni queue ni tête. J'essaye de les chasser comme on balaie un enquiquineur de moustique. Et puis le bruit se transforme en mot, qui deviennent à leur tour des phrases.

"Comment procéder ?"

"Tellement de possibilités."

"C'est fragile."

"Ça va s'effondrer si vite."

Leur pépiement déplaisant s'arrête abruptement. Elles ont trouvé un plan on dirait, et elles s'empressent de passer à son exécution.

Ils cherchent à rentrer en moi, les insectes. Ils tapent sur la membrane de mon tympan, se faufilent dans mes narines. J'ai beau essayer de les déloger, ils n'ont de cesse de revenir. Je ne peux rien faire pour les en empêcher. J'ai l'impression d'être une vache qui mène un combat sans fin contre des mouches. J'en vient à me demander si je serais le plus têtu du lot.

-Soley ?

La voix d'Evie est rongé d'inquiétude. Elle pose sa main sur mon bras sans aucune aversion pour les bêtes qui y rampent. Ce seraient des hallucinations ? Seulement le fruit de mon imagination ...

"En voilà une mignonne idée ..."

"Et si on commençait avec elle ?"

A l'attitude de Sammaël, il est clair que les voix illusoires ne sont que le reflet de ses pensées. Il pense me briser ce soir, et il en a après Evie aussi. Est-ce qu'il pense qu'elle sera capable de rouvrir un portail pour lui ? Est-ce qu'il veut l'utiliser pour me faire flancher ? Ma réponse reste la même : "Faudra m'passer d'ssus avant !"

-Tu va m'gêner, je grogne en secouant mes épaules pour faire tomber les chenilles démoniaques qui y rampent. Va t'planquer.

Je ne prends pas la peine de me retourner pour lui distribuer mes ordres, et elle ne prend pas la peine de me répondre. J'insiste, sans quitter du regard Sammaël qui ne loupe pas une miette de mon manège.

-Dès qu'tu vois une ouverture tu fonces. Tu sors d'là et tu r'trouves les autres. T'as compris Evie ? T'hésites pas, tu t'barres sans moi.

Dans mon dos, elle laisse échapper un timide bruit que j'interprète comme un accord. Devant moi, Sammaël esquisse un sourire malsain qui le fait ressembler à Khaleb. J'aurais dû me douter qu'il tenait son côté pervers de lui. L'homme qui me fait office de père fait quelques pas vers moi. Je fais rouler mes épaules, prêt à le rejoindre à mi-chemin. Hors de question de passer pour un froussard à l'attendre sur place.

Les fils de Sammaël [terminé]Where stories live. Discover now