Chapitre 4. Boys*

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*CHARLI XCX, Boys, Cass Lowe/Jerker Hansson/Ari Leff/Emily Warren/Ingrid Andress/Michael Pollack, (2'42) single, téléchargement numérique, Atlantic UK/Asylum, 2017


– Betty –

La maison paraît bien calme, ambiance tout à fait inhabituelle chez les Weiss.

— Il n'y a personne chez toi ?

Hailey monte énergiquement l'immense escalier en demi-cercle, pas du tout essoufflée alors que je traîne la patte depuis la septième marche.

— Mon père est encore à New York. Ma mère flambe avec sa carte sur Rodeo Drive avant qu'il ne débarque. Ils se tirent dans trois jours au Mexique. Quant à Keith, ce morveux est quelque part, dans je ne sais quelle pièce, à jouer à la console.

Keith est le petit frère de mon amie. Le benjamin de la fratrie a quatorze ans. Un vrai ado qui ne souhaite en aucun cas être dérangé. Il passe d'ailleurs la plupart de son temps à hiberner dans sa grotte, à tripoter sa manette, ou autre chose...

Hailey occupe une chambre digne d'une princesse avec salle de bain attenante : robinetterie plaquée or, marbre rose italien au sol et grande baignoire à pattes de lion. Sans oublier les serviettes blanches épaisses ornées de ses initiales dorées « HW ». La pièce principale, elle, est meublée d'un lit super king size capitonné en soie violette. De part et d'autre sont disposées deux tables de nuit sculptées en forme de coquillage et contre un des murs trône une imposante coiffeuse, un modèle réservé d'ordinaire aux plateaux de cinéma. Une large fenêtre, encadrée de lourds rideaux aux motifs baroques, donne du côté de la piscine aux dimensions olympiques. À chaque fois que je passe le portail de cette maison, je ne peux m'empêcher d'imaginer la tête de mon père.

Hailey me sort de ma contemplation :

— Maquille-toi, moi je squatte la salle de bain. Ensuite, je m'occuperai de ta crinière.

Je pose ma trousse sur la console et en allume l'éclairage. Je me retrouve face à mon visage en forme de cœur (tiens, comme mes fesses), les joues encore rondes de l'adolescence. J'ai de grands yeux verts et une bouche plutôt charnue. Pratique, je ne suis pas fan du lipstick. Mon nez, lui, est petit et légèrement retroussé. Je ne me trouve pas trop mal aujourd'hui, mais une crème teintée et de l'anticerne ne feront pas de mal. Mon teint est comparable à celui d'une bibliothécaire, je ne bronze pas facilement. Je décide de me focaliser sur le regard, sans en faire trop. C'est le soir donc une poudre claire, brillante et pailletée du côté de la paupière fixe, complétée par un ton plus soutenu marron froid sur la paupière mobile. Je floute le tout pour un joli fondu, terminant par un peu d'illuminateur aux coins des yeux. Du mascara sur les cils du bas et je sors l'instrument de torture, le recourbe-cils ! Je peux maintenant en appliquer sur ceux du haut. J'ai de la chance, je ne dois pas insister, ils sont déjà longs au naturel. Il ne manque plus que le blush, rose, pour me donner bonne mine.

Je constate le résultat au moment où Hailey réapparaît dans une volute de vapeur, lâchant sa serviette à terre, nue. Effet dramatique assuré. Sa salle de bain est si embuée qu'il est impossible d'y distinguer quoi que ce soit, mis à part une variété d'effluves issus de ses lotions pour le corps et autres bains moussants. Je frise l'overdose olfactive.

— Pff c'est un vrai sauna là-dedans. Wow Betty, quel regard de biche ! Ça va choper du Curtis ce soir !

Mon Dieu, quelle conne ! Elle me file un coup de stress.

— Il ne m'intéresse pas ! Je t'accompagne uniquement pour te faire plaisir et rencontrer ton fameux Dannyyy, lui signalais-je en prenant délibérément un ton d'abrutie.

Dusk RoadWhere stories live. Discover now