Chapitre 5. So Electric*

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*LIFELIKE, So Electric, Laurent Ash, (6'45) CD single, Wall Of Sound, 2007


– Betty –

Hailey glisse son bras sous le mien et m'entraîne avec elle vers le bar. C'est un long bâtiment recouvert de bardages gris, surmonté d'un énorme néon rouge portant l'inscription « Shock Ball ». Proche de l'entrée, on peut apercevoir la silhouette d'un homme debout, tourné de trois quarts. Il est éclairé par un réverbère et fait des gestes comme s'il s'adressait à quelqu'un. Nous ne sommes plus qu'à quelques mètres de lui lorsque j'entends une voix masculine, celle de son interlocuteur, lui répondre « Mec, sérieux ? Pourquoi je sortirais avec une petite gosse de ri... » Mais Hailey le coupe dans son élan. Les deux garçons sont interrompus par cette furie qui hurle :

— Dannnn !

Le grand brun se retourne alors qu'elle se jette à son cou.

Son petit ami ressemble effectivement à Jon Snow, du moins avec un côté plus californien que Winterfell. Il est habillé tout de noir mise à part une veste sans manches en denim bleue, et de son sweat remonté jusqu'aux coudes dépassent de longs bras tatoués. Mais je n'ai pas le loisir de l'observer plus en détail. Mon regard est vite déporté vers son comparse mystère, celui qui confiait tant de réticence à me rencontrer.

Le garçon tient une cigarette entre ses lèvres, appuyé contre une grosse Harley Davidson sombre et rutilante. Il passe ses phalanges baguées dans des cheveux raides et mi-longs, allant du châtain clair au blond, comme éclaircis par de fréquentes expositions au soleil. De son autre main, il cherche un objet au fond de la poche de son jean. La flamme du briquet qu'il serre entre ses doigts dévoile un visage légèrement hâlé qui s'incline vers moi, ses petits yeux bleus ardents plongés dans les miens. Sa bouche s'étire alors d'un sourire que je peine à déchiffrer, révélant de jolies fossettes.

Est-ce qu'il me plaît ? Mes mains, moites, me signalent que oui. En réalité, pour être tout à fait honnête, cela ne fait aucun doute. Tout mon corps le revendique. J'ai les joues en feu, un rythme cardiaque trop rapide, des fourmis dans les jambes et la certitude de lâcher une connerie si j'ouvre la bouche. Pire, de bégayer un truc qui n'a aucun sens. J'avais déjà trouvé des garçons à mon goût, évidemment, mais jamais un seul n'avait eu cet effet-là sur moi. Jamais.

Une main prend la mienne et me ramène à l'instant présent. Hailey.

— Betty, voici mon Danny.

Je m'efforce de regarder le grand brun et parviens à lui adresser un timide « Salut ». Mon amie passe à l'autre motard :

— Et là, avec son gros cul posé sur sa moto, Curtis.

Ce dernier se lève, jette sa clope au sol et lui répond par un doigt d'honneur.

Maintenant qu'il est debout, je constate qu'il est aussi grand que Danny (et que ses fesses ne sont pas grosses du tout). À vue d'œil, il mesure pas loin des un mètre quatre-vingt-dix. Et pour ne rien gâcher, son t-shirt blanc révèle des bras musclés juste comme il faut... son t-shirt blanc ?! Trop obnubilée par son magnétisme certain, je n'ai pas prêté attention au reste. À tout le reste.

La traîtresse s'éloigne déjà avec son nouveau mec, bras dessus bras dessous, bien décidés à entrer dans le club. Juste avant d'atteindre la porte, elle se détourne, un large sourire de pétasse sur les lèvres.

— À tout de suite, les jumeaux ! balance-t-elle alors que je la fusille du regard.

Attends-toi à une vendetta bien dégueulasse ! Pourquoi suis-je si contrariée ? Ma tenue est absolument identique à celle du jeune homme. Deux points seulement sont différents. Premièrement, il porte son haut « à la française ». C'est-à-dire juste l'avant de ce dernier enfoncé dans le pantalon alors que le mien l'est entièrement, pour bien marquer ma taille. Ensuite, sa ceinture qui arbore une simple boucle rectangulaire quand la mienne est siglée des deux C entrecroisés.

Dusk RoadWhere stories live. Discover now