Ancrée à ton port

𝟸𝟺

Quand le carillon de l'entrée retentit le dimanche soir, Tatiana ne put s'empêcher de songer aux paroles de Lucy. « Que dois-je faire ? », pensa-t-elle en ouvrant la porte.
Harley se tenait sur le perron , vêtue d'un pantalon à pince beige, d'une chemise blanche et d'un sweater vest aussi beige. Une paire de sneakers impeccable complétait sa tenue. Ce n'était pas le genre de vêtements que Lexa aimait porter, sauf que comme elle, elle savait correctement s'habiller et sentait toujours très bon. Cependant, il y avait des détails auxquels elle ne portait pas forcément attention, comme les chaussures toujours impeccables, par exemple. Ça, c'était Tatiana qui s'en chargeait.

Harley lui adressa un sourire éclatant. Puis, Daren dévala l'escalier et une immense joie se lit sur le visage de la danoise. Elle se comportait avec Daren comme une mère tendre et attentionnée et comme une amie bienveillante avec elle. Lorsque Daren lui eut montré l'ensemble à l'effigie des Avengers que sa mère lui avait offert, Tatiana lui remit la gourmette qu'elle avait acheté pour elle. Harley ravie, s'empressa de remplacer son bracelet par le cadeau que son amie venait de lui offrir. Par la suite, elles échangèrent un peu. De nouveau, Harley l'écoutait avec intérêt.

- Au passage, tu as pris tes béta-bloquants ce soir ? demanda Tatiana, inquiète.

- Oui.

- Et tu as ton inhalateur sur toi au cas où ?

- Oui, docteur. Allez, ne t'inquiète pas comme ça.

- Je vais m'inquiéter, Harley. Regarde toi, tu es toute pâle. Peut-être qu'on devrait annuler cette sortie.

- Il en est hors de question. Je vais bien. Ce sont juste les médicaments qui m'assomment un peu.

Au même instant, Daren les rejoignit, excité comme une puce. Dès que Tatiana quitta le salon, pour servir un verre d'eau à Harley, Le garçon s'enquit à mi-voix du temps que les deux femmes prenaient pour concrétiser leur relation. Partager sa vie avec la danoise serait la plus belle chose qui pourrait arriver à sa mère. Il le savait. Et, il brûlait d'impatience de voir ce jour arrivé.

- Vous comptez tourner autour du pot pendant longtemps encore ?

Harley se contenta juste de rire en réponse à son jeune ami.

Peu avant 20 heures, ils se levèrent pour partir. Soudain Harley s'immobilisa dans l'entrée.

- Mais en fait toi, tu m'as tout montré sauf...

Le garçon hésita, surpris, avant de répondre d'un air empreint de gravité.

- Je crois t'avoir tout montrer.

Spécialement pour l'occasion, il avait revêtu un pantalon noir, une chemise blanche et des Chelsea Boot. Ce style lui donnait un air plus mûr, et sa mère avait prit le soin de lui attacher ses cheveux bouclés en une queue de cheval.

- Je ne vois donc pas de quoi tu parles, reprit-il avec une moue résignée.

- Autant pour moi. En fait, tu m'as dit avoir un nouveau maillot de foot avec un nouveau dossard et, tu m'as dit que tu me le montrerais mais tu ne l'as pas fait, continua la femme d'un ton faussement sévère.

Daren éclata de rire.

- Tu veux vraiment voir ça maintenant ?

Harley se souvenait de tout ce qu'il lui racontait et c'était aussi ça qu'il appréciait chez elle.

- Évidemment. Je ne bougerai pas d'ici tant que tu ne me l'auras pas montré, décréta-t-elle en croisant les bras.

Tatiana observait la scène en souriant. Harley se tourna vers elle.

- Dis lui que je suis sérieuse, s'il te plaît.

Aux anges, Daren courut à l'étage et reparut une minute plus tard avec son maillot portant le numéro 7 posé sur un cintre. Harley esquissa un sourire empreint d'appréciation.

- C'est super. Tu crois que je pourrais avoir le même à ma taille ?

- Non, pas du tout, répondit Daren sur un ton d'excuse.

- Ce n'est pas juste, plaisanta Harley pendant qu'il retournait ranger son maillot.

Ils quittèrent ensuite la maison en riant et prirent la voiture de Harley pour se rendre à Fogo de chão , un steakhouse brésilien. Ils passèrent une délicieuse soirée, parlant de tout et de rien avec animation. De temps en temps, Tatiana observa Harley à la dérobée, alors qu'elle mangeait ou qu'elle bavardait avec Daren. Ne pas avoir son propre enfant avait dû beaucoup l'affecter. Elle aimait sincèrement la compagnie des enfants et s'avait s'y prendre avec eux. Ouverte, tendre et attentive, elle s'intéressait à tout ce que lui racontait son jeune ami. Il émanait d'elle, un fin mélange de chaleur, de retenue et de respect. Tatiana n'avait jamais eu l'impression qu'elle s'immisçait outre mesure dans leur vie. Elle était sympathique, attentionnée, disponible, serviable et jamais envahissante. C'était la femme providentielle.

Ils restèrent jusque 21 h 50, heureux comme des oiseaux avant de finalement se décider à rentrer. Une fois la voiture stationnée, Daren embrassa Harley prit les clés de la maison et s'y précipita. Il avait cours le lendemain et ne voulait pas être trop fatigué.

- Tu es adorable, Harley, murmura Tatiana en la regardant droit dans les yeux, toujours assise dans la voiture.

- Tous les deux, vous méritez bien qu'on s'occupe de vous, fit observer Harley après avoir refusé de prendre un dernier « verre ».

Elle ne buvait pratiquement plus d'alcool depuis que son état s'était empiré. Un seul faux pas de sa part et ça serait la crise cardiaque assurée.

- Nous méritons tous de faire de bien belles rencontres, tu sais, reprit-elle les yeux dans le vide. Tous les deux, vous m'avez fait passer une bonne soirée, ajouta-t-elle reconnaissante.

Un sourire naquit sur leurs lèvres.

- Je suis heureuse que Daren soit venu vers moi ce jour là. Ma vie est plus belle depuis.

Que ferait-elle sans lui à présent ? Daren était une bénédiction du ciel et Tatiana, la perle rare livrée avec.

- Nous aussi avons beaucoup de chance de t'avoir, Harley. Merci beaucoup pour cette soirée.

Elle lui posa un bisou au coin des lèvres et Harley ne put s'empêcher de sourire.

- Bonne nuit, avait fini par dire Tatiana avant de descendre de la voiture et d'entrée dans sa maison.

Une fois Tatiana disparu de son champ de vision, Harley sortit précipitamment son inhalateur de sa poche, plaça l'embout entre ses lèvres puis inspira profondément par la bouche tout en appuyant sur la cartouche. Quand elle eut terminé, elle retint sa respiration pendant quelques secondes puis expira. Elle prit alors le chemin de sa maison. A l'intérieur, elle retira ses chaussures et, prise de vertiges s'écroula sur son lit.

Tatiana, quant à elle, alla se coucher dans son grand lit vide. Incapable de trouver le sommeil, elle repensa à la soirée qu'ils avaient passé et à cette femme qui avait sympathisé avec Daren avant de devenir son amie, à elle aussi, et de commencer par la suite à lui faire tourner la tête. Quel bonheur que leurs chemins se soient croisés ! Puis ses pensées se tournèrent vers Lexa. Les souvenirs qu'elle gardait d'elle étaient tantôt heureux, tantôt horribles. De vieilles souffrances, d'anciennes frustrations resurgissaient parfois dans son esprit. Malgré tout, sa défunte compagne continuait à lui manquer cruellement.
  Elle avait cru que sa vie de femme avait été éteinte en même temps que Lexa. Mais, Harley avait réussi à lui prouver le contraire. Elle appréciait de nouveau, son rôle de mère.

Elle était ravie de n'avoir jamais succombé à la tentation, d'avoir réussi à ne pas commettre un acte stupide et regrettable. Des semaines plus tôt, lorsque, au cœur de la nuit, l'angoisse lui nouait la gorge, cette tentation devenait plus forte ... plus pesante.
A présent, elle n'y songeait plus. Son fils avait besoin d'elle. Plus que jamais.