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Kany

Je sentais le regard insistant de Ouly durant tout mon repas. Je ne sais pas ce qu'elle me veut celle-là. Je n'ai aucune envie de l'avoir à dos, en plus de ce Hakil de malheur. Je décide de lui parler quand l'occasion se présentera.
Je termine mon repas en vitesse et m'apprête à rapporter mon plateau à la cuisine quand Hakil se lève de son coin et s'avance vers moi.

- Officier Diallo, dit-il les mains dans les poches, rends-toi à la passerelle à l'instant. Nous allons larguer les amarres et nous mettre en route pour Dakar.

- Entendu, Lieutenant Diop, répondis-je d'un ton aussi neutre que le tien.

Je prends mon plateau et sors du "carré". Je manque de bousculer le Bosco Djily qui entrait en même temps. Je m'excuse, gênée, mais il se décale pour me laisser passer en souriant.

- Je suis venu vous annoncer que chacun de vous doit rejoindre son poste à l'instant pour le départ, dit-il ensuite.

Léon et Edouard se lèvent pour débarrasser les tasses de thé vides et m'emboîtent le pas à la cuisine. Léon prend ensuite congé pour se rendre à la salle machine et Edouard lui à la plage de manœuvre arrière aider les matelots qui se trouvaient déjà là-bas, tandis que je monte à la passerelle où se trouvaient déjà le Capitaine, son Second Ouly et les deux lieutenants.

Ils m'intègrent dans les principales activités effectuées pour appareiller (faire quitter le port de Ziguinchor au navire).
                                          ...
Nous sommes maintenant assez loin de Ziguinchor, à quelques milles de la côte et le fleuve était calme et limpide comme d'habitude. Cependant, le ciel était chargé de nuages noirs poussés précipitamment par le vent qui soufflait de plus en plus fort. On entendait au loin le tonnerre gronder comme un animal en furie.

J'étais toujours à la passerelle, assise dans un des sièges et le calepin sur mes genoux. Le Commandant nous expliquait depuis une dizaine de minutes l'attitude à adopter lorsqu'un orage éclate.

Edouard qui était revenu depuis une dizaine de minutes faisait des relèvements sur la carte sous la supervision du Lieutenant Diop tandis que Mar était en discussion avec les mécaniciens via son talkie-walkie. Ouly est descendue.

Le navire est en pilote automatique, ou en d'autres termes en mode conduite automatique. On n'avait pas besoin de tenir la barre.
A un certain moment, le tonnerre parait plus proche; il gronde tellement fort que je m'écris de surprise et me cramponne aux accoudoirs du siège. Tous les regards se tournent vers moi d'un air inquiet.

- Je...suis désolée, dis-je en baissant la tête de honte.

- On dirait que l'orage ne va pas nous fausser compagnie finalement ! observe le Capitaine en souriant. Je te recommande d'aller dans ta cabine jusqu'à ce que ça passe. Je ne pense pas que le mal de mer te fera cadeau.

Je hoche la tête en me levant. Je ne tenais pas une nouvelle fois à expédier mon repas dans la passerelle. Je prends congé et descends dans ma cabine. L'instant d'après, je me rappelle en me tapant machinalement le front que j'ai oublié mon téléphone sur le siège de la passerelle.
Je rebrousse chemin après avoir fermé ma cabine et prends les escaliers. J'en étais à l'avant-dernière marche lorsque le navire semble se pencher dangereusement sur tribord, me faisant perdre l'équilibre. Je hurle de terreur en m'agrippant de toutes mes forces à la rampe.
Le roulis (mouvement du navire de tribord à bâbord) s'était accentué et je risquais de chuter des escaliers si je restais là.

Mon ventre se serre, me faisant mal. Je reconnais ce signe... Je l'ai subi durant toute la matinée mais je me disais qu'il s'agissait peut-être du mal de mer. Maintenant, je me rends à l'évidence que ce sont mes règles qui s'annoncent. Je dois au plus vite récupérer mon téléphone et retourner dans ma cabine.

Gaal gui (Le navire)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant