HELL

3. Audience

KIYO GREYSON

"Le temps efface tout, et à la fin, il ne reste que les ténèbres."

Je crois bien être perdu dans les ténèbres, à présent. Figé sur le fauteuil en cuir du salon, mon regard est perdu dans le vide. L'alcool coule dans mes veines, mes cernes creusent mon visage pâle. La vérité est telle quelle, je suis épuisé, angoissé, complètement à bout. Je dois bien avouer avoir abusé la veille avec l'alcool. Mais même avec tout ce que j'ai bien pu avaler, je n'ai rien pu oublier. Les souvenirs me sont revenus par vagues oppressantes, me forçant à tout assumer une énième fois.

Le soleil se lève à peine lorsque je commence à reprendre mes esprits petit à petit. Et la première chose que je vois, ce sont les grands yeux bruns de Liam, qui se tient à quelques centimètres de mon visage. Je ne peux m'empêcher de sourire face à la grimace qu'il tire en se redressant brusquement. Ses cheveux sont en bataille, comme tous les matins, et il ne porte qu'un short Winnie l'Ourson malgré ses airs virils, cachant ainsi sa musculature bien entretenue. Il passe nerveusement sa main dans sa tignasse décoiffée, avant de me regarder de nouveau avec cet air d'abruti fini.

- J'ai cru que tu étais mort, se justifie-t-il en entrant dans la cuisine tout en traînant des pieds.

- Toujours en vie, malheureusement, je soupire en me redressant avec un mal de crâne enivrant.

Il ne dit rien et se contente de se servir un bol de céréale en chantonnant "Libéré, Délivré", tout en se dandinant sur place. Et c'est ce que j'aime chez ce mec. Il est un peu cassé et tordu, mais au fond, il ne renferme que l'âme d'un enfant. Ses grands yeux se posent sur mon torse, et il hausse les sourcils en une danse suggestive, qui malgré moi, me provoque un léger rire. Le grand brun revient dans le salon en attrapant la télécommande pour allumer la télévision, avant de se laisser tomber sur le canapé le plus proche. Tout ce qu'il trouve à mettre est Les Zinzins de l'espace.

- Tu n'as pas dormi, j'imagine.

- Non.

- Je me disais aussi. Tu as une tête de déterré. Enfin je veux dire, tu as toujours une tête de déterré, mais c'est pire aujourd'hui.

- Petit con, je ricane en lui balançant un coussin dans la tête.

Il ricane à son tour après se l'être pris dans le visage, avant de mettre une poignée de céréales dans la bouche avec un grand sourire niais. Et c'est la même routine depuis quatre ans. Liam et moi dans le salon, à l'aube. Lui avec des céréales et un dessin animé, moi avec une humeur maussade et les yeux mi-clos. J'ai beau avoir la tête remplie de pensées négatives à l'idée d'assister à l'audience aujourd'hui, il me suffit de regarder ce gosse pour avoir un léger sourire.

- Mec, Candy te ressemble grave, en fait, s'exclame-t-il en me regardant soudain.

J'attrape un autre coussin pour le lui lancer, et il se le prend une nouvelle fois dans le visage. Il s'esclaffe la bouche pleine en mimant Candy, debout, autour de la table basse. Nos rires retentissent dans la villa encore endormie, et j'en oublie ma douleur l'espace de quelques instants joyeux. Liam chante le générique en se dandinant de nouveau devant l'écran de la télévision, et nous sommes vite rejoins par un Noah qui tire une gueule de six pieds de long, suivis de Isaac et Aaron. Ce dernier est d'ailleurs encore emmitouflé dans sa couette Cars, ce qui nous fait soudain tous ricaner. Ces hommes sont ma famille. Une putain de belle famille. Peut-être un peu brisée et bancale, mais une famille tout de même. Nous rions encore ensemble durant quelques minutes encore face aux conneries de Liam. Mais l'arrivée de Peter coupe court au bazar que nous étions en train de mettre dans le salon, installant un silence presque tendu dans la maison. Il s'avance vers nous, et à son tour, se laisse tomber dans son fauteuil en soupirant longuement. Nous nous regardons en l'imitant presque immédiatement.