Chapitre 41

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Après une dizaine de minutes de secousses qui me valent quelques bosses supplémentaires, la camionnette s'immobilise. L'un de mes ravisseurs se lève d'un bond pour ouvrir les portes arrière. 

Je jette un regard prudent à l'extérieur. Je suppose qu'Éric m'a amené chez sa famille et je dois dire que le QG de la meute Raspail est bien plus prétentieux que la jolie maison des Imbert. C'est une énorme bâtisse en béton qui me fait penser à un bunker. Deux grands gaillards costauds sont postés devant l'entrée comme des gardes, ce qu'ils doivent être. 

Éric me fait signe de descendre de la camionnette. Je secoue la tête en refusant de sortir. 

— Ramenez-moi au lycée, j'exige, glacial. J'ai des cours très importants que je ne peux pas me permettre de manquer. 

L'alpha grogne. 

— Descends de là où je me charge de te pousser dehors sans faire de manière. 

Comme je ne tiens pas spécialement à tomber à plat ventre une deuxième fois dans la journée, je décide de lui obéir. Pour le moment, du moins. Puis je trouverai ensuite un moyen de me venger de façon terrible. Je traîne donc des pieds jusqu'à la porte d'entrée et pénètre dans la maison sur l'injonction impérieuse d'Éric. 

L'intérieur du bunker est plus confortable qu'on ne pourrait le penser. Le sol est recouvert d'un parquet qui craque sous nos pas, surmonté par endroits de quelques tapis colorés. Des photographies sont accrochées sur les murs. J'aurais plus attendu à leur place des armes ou des têtes d'animaux empaillés. Non, à la place on peut admirer des clichés d'Éric à tout âge de la vie et de toutes sortes d'autres personnes qui doivent être des membres de la meute Raspail. Cela leur donne l'air d'être une famille normale, alors qu'ils s'apparentent plus à un gang de psychopathes, si vous voulez mon avis. 

Je détourne mon regard des cloisons pour regarder droit devant moi avec froideur. Je serre entre mes mains les lanières de mon sac à dos pour me donner du courage. Je fais de mon mieux pour avoir l'air d'avancer de mon plein gré tandis que les ravisseurs me font traverser un long couloir. 

Je me demande ce qu'Éric me veut. Il a parlé d'une "petite conversation", mais ne m'a quasiment pas adressé la parole depuis. J'ai bien l'impression qu'il n'a tout simplement aucune suite dans les idées. 

Nous parcourons rapidement une salle à manger puis un bêta ouvre une nouvelle porte débouchant sur un vaste espace lumineux. Cette pièce-là est remplie de loups et de louves installés sur une multitude de canapés et de fauteuils. Leurs odeurs respectives me donnent mal à la tête. Certains tournent la tête vers moi avec curiosité. D'autres ne me jugent pas digne de leur attention. Je crois que je préfère encore cette deuxième attitude. Je ne fais que passer. 

Éric finit par s'arrêter devant une sorte de colosse assis sur un fauteuil comme s'il était sur un trône. C'est un alpha, lui aussi, et très certainement son père, c'est-à-dire également le chef de cette meute de cinglés. 

Le colosse se lève et me regarde avec curiosité. 

— Pourquoi as-tu ramené cet enfant ? veut-il savoir en me toisant. 

Je fronce les sourcils. Enfant ? J'ai seize ans trois quarts ! Bon, légalement parlant, je suis un enfant, c'est vrai, mais plus pour très longtemps ! Je préférerais largement être qualifié de "jeune homme" plutôt que d' "enfant", mais le moment me paraît malvenu pour une précision de vocabulaire. 

M. Raspail fait bien plus peur que le père de Martin. C'est un alpha gigantesque, tout en muscle, au nez proéminent et au crâne pratiquement chauve. Si je voulais le regarder dans les yeux (ce dont je suis pour le moment parfaitement incapable tant j’ai peur), il faudrait que je penche la tête en arrière de plusieurs centimètres. Ou que je monte sur un tabouret, mais je n'en ai pas à portée de main. Faute de mieux, je vais me contenter de regarder en direction du sol. J'observe avec attention un trou dans le tapis le plus proche sans pour autant pouvoir m'empêcher de relever furtivement les yeux pour surveiller mon nouvel adversaire. Heureusement que je suis en courant qu’il n’est pas un trafiquant de drogue, sinon j’aurais plus que jamais craint de finir au fond de l’eau dans un bloc de béton. Cela dit, peut-être que les loups-garous coulent aussi leurs ennemis dans du béton ! Cet homme a l’air capable de tout. N'oublions pas qu'il est le père d'un psychopathe qui empêche les honnêtes jeunes hommes d'aller tranquillement étudier en cours. Et de voir l'alpha qui leur court après. 

Le loup et moi (bxb) [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant