Chapitre 43

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Je tremble de la tête au pied en traversant la clairière plongée dans le noir. Si seulement j'avais mon téléphone pour m'éclairer ! Ce n'est pas que j'ai peur de l'obscurité, mais... Bon, je n'aime pas ça, c'est tout. Je ne vois rien du tout. Je tâtonne, les bras tendus devant moi, pour ne pas heurter un arbre ou je ne sais trop quoi. Mon cœur cogne douloureusement contre ma poitrine. Je reste attentif au moindre bruit, craignant à chaque seconde de voir surgir un loup ennemi. 

Puis j'aperçois enfin de la lumière au détour d'un virage. Je comprends qu'une maison aux fenêtres éclairées s'élève devant moi. La maison de Martin. Mon alpha est là. À quelques mètres de moi.

Le cœur battant, je me précipite en avant, trébuchant sur les branchages au sol. Mon pull se prend dans un buisson et je tire dessus pour me dégager. Je viens peut-être de le déchirer, mais tant pis. Martin... Je dois voir Martin...

J'atteins le perron en un instant. J'appuie frénétiquement sur la sonnette. La porte s'ouvre presque aussitôt sur Stéphane et je fronce les sourcils. C'est Martin que je voulais voir, pas son grand frère !  Son expression inquiète se transforme instantanément en soulagement et, la seconde d'après, il me serre dans ses bras. Stupéfait, je ne cherche pas à me défendre contre cette attaque surprise.

— Théo est là, crie-t-il.

Martin débarque la seconde d'après, suivi par Mirabelle qui me fait la fête comme si je revenais d'un long voyage de dix ans. D'un simple geste, Martin repousse son frère sans douceur pour se saisir à son tour de ma personne. Il me serre à son tour contre lui d'une façon si intense, si intime, que je me sens rougir jusqu'aux oreilles. Je me rends compte à ce moment que son étreinte me fait du bien. J'enfonce mon nez contre son cou et respire son odeur comme un drogué en manque. Mes bras s'écroulent autour de son grand corps et je bats des cils pour m'empêcher de fondre en larmes. Je m'en veux d'être soudain si faible. Quoique, après tout, je vienne de subir un enlèvement. Il est sans doute légitime de réclamer un peu de réconfort auprès de son âme sœur. A quoi servirait une âme sœur, sinon ?

Mon agacement naturel finit cependant très vite par reprendre le dessus. Je me tortille.

— Oui, bon, j'ai le droit de respirer ou pas ?

Martin me relâche un tout petit peu. Je ne suis pas mécontent de rester tout collé contre lui parce qu'il fait frisquet et que l'alpha me tient chaud. Oui, c'est la seule et unique raison. Mirabelle profite d'une ouverture pour venir me lécher copieusement la main en agitant la queue.

Nous sommes apparemment restés dans les bras l'un de l'autre un très long moment. Je n'ai pas vu le temps passer, mais ce n'est pas le cas de Stéphane qui se gratte la gorge avec agacement.

— Désolé de vous déranger, s'impatiente-t-il, mais pourrais-je savoir pourquoi tu avais disparu, Théo ?

Je me tourne vers lui en clignant des paupières. La proximité de Martin m'avait déstabilisé, comme d'habitude, et j'en avais presque oublié mes mésaventures.

— Oh, je dis, j'ai juste été enlevé par Éric Raspail.

Je me cale un peu mieux contre la poitrine de Martin. Mais ce dernier me repousse doucement pour me placer en face de lui.

— Comment ça tu as été enlevé par Éric Raspail ? Pourquoi ? Que s'est-il passé ?

Je pousse un soupir. N'ai-je pas le droit à un peu de repos ? Apparemment non. Je commence donc, contraint et forcé, à raconter les derniers événements. Les deux frères m'observent avec attention. Je remarque alors qu'ils se ressemblent plus que je ne l'avais cru à la façon dont ils froncent de plus en plus les sourcils au fur et à mesure de mon récit. J'en arrive au moment où j'ai été jeté dans une geôle obscure et enfermé à double tour. Les yeux de Martin se réduisent à ce moment-là à deux fentes menaçantes.

— Je vais tuer Éric Raspail, grogne-t-il en esquissant un geste. Le réduire en charpie. Le...

Je l'attrape par le bras et pousse un gémissement.

— Ne me laisse pas !

Je me donne aussitôt une gifle mentale. Voilà que je donne encore dans le registre "princesse en détresse".

Martin m'étouffe aussitôt à nouveau.

— Je ne te quitterai pas, mon amour. Je trouverai un moyen d'exterminer Éric à distance. Lui et tous les Raspail. Je pourrais peut-être leur envoyer une bombe par la poste ?

— Non tu me pourras pas faire ça, je m'indigne. Je ne veux pas que tu deviennes un tueur en série et que tu finisses en prison !

Les lèvres de l'alpha s'étirent très légèrement.

— Je ne me ferai pas prendre, bien sûr. Pour qui me prends-tu ?

J'agite un index menaçant dans sa direction.

— Je t'interdis de tuer qui que ce soit. Même Éric Raspail.

Martin fait la moue.

— Est-ce que tu m'autorises au moins à lui casser un membre ou deux ?

Stéphane prend la parole avant que je puisse répondre par l'affirmative.

Je veux dire par là négative. N'oublions pas que je suis chargé de répandre la paix et la bonne humeur.

Franchement, c'est nul d'être un oméga si on a même pas le droit de se venger un peu.

— Pardon d'interrompre à nouveau cette conversation si romantique, mais j'aimerais bien savoir comment tu as réussi à échapper aux Raspail, Théo.

Martin ouvre de grands yeux.

— Bonne question ! s'exclame-t-il. T'auraient-ils laissé partir ?

J'essaie de ne pas me vexer de la réaction. Apparemment, mon évasion leur paraît incroyable. Comme s'ils doutaient de mes capacités à échapper aux Raspail.

— J'ai eu un peu d'aide pour sortir de la salle où ils m'avaient enfermé, j'admets, de mauvaise grâce.

— De qui ? veut aussitôt savoir Stéphane.

Je me mords la lèvre. Mme Jean m'a recommandé de ne pas parler d'elle et je me sens obligé de respecter sa volonté. Après tout, elle m'a sauvé.

— Quelqu'un est venu me libérer et m'a conduit ici, je marmonne. Une humaine avec un casque de moto.

— Et tu n'as pas la moindre idée de qui il s'agit, insiste l'alpha.

Je me dandine.

— Hum... non...

Bizarrement, aucun des deux frères ne paraît se rendre compte de mon mensonge. Peut-être que j'ai tout simplement fini par être doué pour la dissimulation, à force de devoir cacher tant de choses à mes parents. Youpi.

Martin remarque soudain mon doigt entaillé.

— Ils t'ont fait du mal ? grogne-t-il, les yeux flamboyants de rage.

— Hum hum, je réponds vaguement.

Je préfère laisser croire que j'ai récolté cette blessure en luttant férocement contre une bande de loups psychopathes plutôt que d'avouer m'être tout simplement coupé avec un cintre.

L'alpha a attrapé ma main et examine la coupure comme s'il voulait la soigner par l'intensité de son regard (ce qui ne fonctionne pas, suis-je bien obligé de préciser).

— Il y a une dernière chose que je voudrais tout de même savoir, demande à nouveau Stéphane qui est décidément bien insistant. Pourquoi les Raspail t'ont-ils enlevé et retenu prisonnier ? Les loups suivent tout de même des règles. Ils ne sont pas supposés s'en prendre à un oméga innocent, même s'il est issu d'une meute ennemie.

Je jette un regard appuyé à Martin.

— Ils ont découvert... quelque chose... à propos de moi, je marmonne.

Je vois au regard de mon alpha qu'il comprend aussitôt de quoi il s'agit. Je sais bien que nous n'étions pas censés en parler à sa famille mais, maintenant que les Raspail sont au courant, je ne vois pas comment nous pourrions maintenir le secret plus longtemps. Martin doit en arriver à la même conclusion car il se tourne vers son frère.

— Dis à Papa et Maman de nous rejoindre dans le salon. Nous avons à parler.

Le loup et moi (bxb) [terminée]Where stories live. Discover now