|Chapitre 14|

85 12 0
                                    

Comme l'avait dit Monsieur Dawson, plus aucun avion allemand ne refit d'apparition. Ils devaient être suffisamment occupé à Dunkerque et je priais intérieurement pour que l'évacuation des soldats se passe bien. 

Peter m'avait aussi apprit que, comme le Moonstone, des centaines d'autres bateaux de plaisance avaient quitté le pays pour aller chercher les soldats eux-mêmes et j'avais donc bon espoir que tout se passe bien. 

Le calme était revenu et les soldats somnolaient presque tous, épuisés. Ce serait mentir si je disais que je n'étais pas moi même fatiguée. Mais je savais que tant que je n'aurais pas les pieds à terre, il serait impossible pour moi de me reposer. 

J'avais donc continué à discuter avec l'aviateur, apprenant ainsi que son appareil avait été touché par un allemand après qu'il en ait descendu un autre. Il avait essayé d'atterrir en douceur sur l'eau mais il s'était retrouvé coincé dans l'avion alors que celui-ci commençait à couler. Avec son arme, il avait essayé de briser la vitre du cockpit en la frappant de toutes ses forces, en vain. Et alors qu'il pensait voir sa fin approcher, le bateau des Dawson avait fait son apparition et Peter avait brisé la vitre avec un crochet et l'avait littéralement repêché. 

Un récit qui m'avait fait froid dans le dos mais que Collins racontait en riant doucement, comme si cela n'était rien, faisant ressortit les petites fossettes de ses joues et celle de son menton. Il avait tout de même admit qu'il avait eut la plus grosse peur de sa vie lorsqu'il avait vu l'eau monter en vitesse dans le cockpit et la vitre refuser de s'ouvrir.

Je songea ensuite au fils décédé de Monsieur Dawson. Lorsqu'ils avaient secouru Collins, un pilote lui aussi, cela avait dû lui faire le plus grand bien. Mais mes pensées furent coupée lorsqu'une chose magnifique attira mon regard. Devant nous se dessinait petit à petit des falaises aussi blanche que l'écume qui couvrait la plage de Dunkerque, et surmontées de plaines verdoyantes.  

Mon regard s'illumina. 

-Nous arrivons bientôt. Soufflais-je. 

-Oui. Sourit Collins. Et heureusement. J'ai du mal à m'habituer à la vitesse des bateaux. Il chuchota: je préfère de loin celle de avions. 

Un sourire amusé se dessina sur mes lèvres et je ris, ne pouvant que le comprendre. Pour un homme qui a l'habitude de piloter des avions de combats, un bateau de plaisance devait lui sembler bien lent.

-Mais sur un bateau vous n'êtes pas seul!

-Ce n'est pas faux. Ria à son tour l'homme. Dans un avion on ne fait pas de rencontres...

Je ris de nouveau en continuant d'observer les falaises. Si Collins n'avait pas été là, j'aurai certainement passé le voyage à broyer du noir.  

-Non restez en bas s'il vous plait. Intervint la voix de Peter qui avait remplacé son père au gouvernail. 

Je tourna la tête vers lui, me demandant à qui il pouvait bien parler, et souris en reconnaissant Tommy et Alex. Ils étaient toujours couverts de gasoil mais semblaient plus apaisés qu'avant.

-C'était pour voir les falaises. Se défendit Tommy.  

Peter jeta un coup d'œil au paysage et, après réflexion, comprit et ne rajouta rien. Moi même, j'ignorais depuis combien de temps les soldats sur ce bateau n'avaient pas vu l'Angleterre, et je ne pouvais que imaginer le soulagement que cela leur procurait. 

-Excuses moi. Soufflais-je à l'intention de Collins.

Sans attendre, je me dirigea vers les deux garçons, attrapant deux serviettes au passage. 

-Salut... Murmurais-je doucement sans cesser de sourire. 

Alex et Tommy tournèrent la tête vers moi et sourirent à leur tour. 

-Salut, répondit Alex. 

-Tenez. Vous pouvez vous essuyer un peu le visage avec ça. 

Je leur distribua les serviettes et porta mon attention sur le soldat aux yeux verts. Il était plus détendu que lorsque je l'avais quitté, mais toujours un peu nerveux. Cependant, je commençais à comprendre que la nervosité faisait partie de sa personnalité. Il était toujours franc, méfiant, voir un peu sanguin. Mais lorsqu'il me souriait, il semblait montrer une autre partie de lui que j'appréciais tout autant. 

Alors qu'ils s'essuyaient le visage comme ils le pouvaient, je tourna la tête vers la fenêtre pour observer de nouveau les falaises. Elles étaient de plus en plus grande au fur et à mesure que nous avancions et je sentais le stress me quitter doucement. 

-C'est Douvres? Demanda Tommy en passant la serviette sur ses mains noircies. 

 -Non... Répondit Peter avec douceur. C'est le Dorset. Mais... C'est le pays.

Les deux soldats tournèrent la tête vers lui. Ils semblaient à la fois reconnaissant et inquiet. 

-On a fait faux bond à tout le pays hein? Demanda alors Alex. 

Peter resta silencieux. 

Je fronça un peu les sourcils et reposa le yeux sur les falaises. C'était donc ça. C'était donc à ça que pensaient les soldats? Qu'ils avaient échoué à leur mission? 

Mon estomac se noua. Ils avaient été envoyé pour aider la France à reprendre le dessus. Et en contre partie, ils avaient dû être eux-mêmes sauvé d'urgence. Mais est-ce que cela s'appelait réellement un faux bond? Je l'ignorais. 

Le silence de Peter me fit cependant mal au coeur. Désormais, je craignais moi aussi mon retour au pays. Je craignais la réaction des gens, la réaction des infirmières lorsque je leur compterai mon histoire. Après tout, je n'étais pas un soldat mais le Moonstone avait aussi dû me sauver, au détriment de la vie d'un autre homme. 

Je ne pouvais pas savoir comment régirai le pays à notre retour. La guerre changeait les gens. Même ceux qui ne combattent pas. 

Je tourna la tête vers Collins qui s'était assit sur le rebord du bateau et à qui Monsieur Dawson servait du café. Lorsque je lui avais demandé si il était dans l'aviation, il avait affiché de la culpabilité. Est-ce qu'il avait, lui aussi, peur de la réaction des autres?  

L'homme porta sa tasse de café à ses lèvres et son regard se reposa sur moi, croisant le miens. 

Une étrange colère monta alors en moi. Peu importe la réaction des gens, nous étions tous en vie. Et c'était de loin, la chose la plus importante. J'osais penser que le pire était derrière nous et si qui que ce soit se plaisait à critiquer notre sauvetage, il se prendrait certainement ma main dans la figure. 

Ces jours passés loin du pays m'avaient fait rencontrer des personnes qui donnaient corps et âmes pour survivre. Et à mes yeux, c'était la chose la plus courageuse qui soit. 

Si nous n'étions pas mort aujourd'hui, c'était pour une raison. Quelque chose d'autre nous attendait quelque part. Et malheureusement, avec l'avancée des Allemands en France, c'était certainement la guerre dans notre propre pays qui nous attendait maintenant...

-Du café? Nous proposa Monsieur Dawson en s'approchant. 

Tommy et Alex acquiescèrent vivement, attrapant deux tasses chaudes sans attendre. Je me servi ensuite, remerciant notre sauveur d'un sourire. 

Sortant de la cabine pour le laisser accéder à l'escalier, j'entendis mes deux camarades soupirer doucement de bien être en sentant l'air frais sur leurs visages. 

Devant nous, les falaises blanches furent bientôt illuminées de lumières orangées voir rougeâtre. Le soleil se couchait enfin et, dans le paysage, je vis des silhouettes se dessiner. Me rapprochant du bord suivie par Alex et Tommy, je reconnu alors d'autres bateaux de plaisance, eux aussi pleins de soldats. 

Un nouveau sourire se dessina sur mon visage. 

La patrie avait réussi son opération de sauvetage. 

A flotМесто, где живут истории. Откройте их для себя