Chapitre 1 : La tache

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— Tu sors, mon chat ?

Avec mes lunettes de soleil au creux de mon col de t-shirt, ma mère, attelée à déballer les derniers cartons encore dans le salon, a aussitôt compris que je m'apprête à m'enfuir. Son regard est interrogateur mais son visage est doux et lumineux. Depuis que nous avons emménagé ici, il y a une semaine, elle semble toute légère.

Je lui adresse un sourire malicieux avant de lui répondre :

— Ouais, je veux repérer les lieux à la fac. Savoir où je vais mettre les pieds.

— Ah oui ? Ça t'inquiète ?

— Pas plus que ça. Mais je sais que je serai plus à l'aise à la rentrée après une première visite, lui expliqué-je tout en enfilant mes vieilles tennis.

— Oh oui, tu as raison. Bonne idée ! m'encourage-t-elle d'un sourire plein d'amour de maman. A tout à l'heure, alors.

— Ouais, à tout' !

Avant de passer la porte, je jette un œil rapide à mon reflet dans le miroir de l'entrée. J'en profite pour recoiffer mes cheveux châtains sur le haut de mon crâne. Je viens de passer chez le coiffeur hier. C'est plus court que d'habitude, surtout sur les côtés, mais comme ça, je souffre moins de la chaleur. Je me suis même rasé de près. Il faut dire que ma barbe a encore du mal à pousser uniformément et ça fait très vite négligé alors tant pis si je ne peux toujours pas dissimuler mes joues encore trop arrondies par une pilosité soi-disant virile. Au moins, ça marque mon sourire, met en valeur mon teint légèrement halé par l'été et fait briller mes yeux d'un brun clair. En vérité, je suis loin de me trouver canon, plutôt passe-partout mais je m'en accommode bien.

Ainsi satisfait de ce que mon image me renvoie, j'abaisse la poignée de l'entrée et je sors de l'appartement. Le soleil d'août tape fort en ce début d'après-midi et m'éblouit, même au milieu de cette mini cour extérieure cloisonnée de quatre murs imposants. Je plisse les yeux et m'empresse de déplier les branches de mes lunettes fumées pour les installer sur mon nez. Je sais que je ne les garderai pas longtemps. Juste le temps de m'habituer à la luminosité parce qu'elle me refile trop la sensation de me couper de la réalité. Rien de mieux que les couleurs au naturel.

Je me faufile dans un fin couloir entre deux bâtiments pour atterrir dans la rue. Je m'immobilise un instant pour me repérer. La rue est relativement petite, aussi bien dans la longueur que dans la largeur. Avec ma mère, nous voulions habiter en plein centre-ville, là où les murs sont en pierres et les trottoirs encore pavés par endroits et proche de toutes les commodités. C'est le genre de charme urbain qui nous fait nous sentir bien. Les appartements y sont certes plus chers, mais ce n'est pas une très grande ville alors ça reste encore abordable pour le budget de ma mère. De plus, notre rue est relativement isolée des grands axes fréquentés. J'avoue que je me suis vite senti bien quand je suis sortie de la voiture pour visiter rue et appartement. Les plantes grimpantes sur les façades grisonnantes ne semblent déranger personne et ajoute une touche de couleur qui réchauffe les cœurs.

J'esquisse un léger sourire en repérant, sur son balcon, un type en caleçon qui fume en m'observant. Je crois que si j'avais un balcon qui donne sur la rue, j'aurais moi aussi envie de jouer les voyeurs, la clope en moins. Prendre le temps de regarder ce qui m'entoure, tomber sur des détails insolites ou amusants me font généralement passer le temps avec légèreté. Et puis, le caleçon, c'est la tenue idéale avec un temps pareil.

Je détourne finalement mon regard de cette tour de guet pour engager ma route. J'ai plus ou moins retenu le trajet sur Google Maps et le site des transports de la ville, alors je prends le chemin de l'arrêt de bus qui m'emmènera à la fac. Je n'ai ni voiture ni permis. Ce n'est jamais bien utile au centre-ville et mon ancien appartement était aussi situé dans un endroit similaire. 

"L'amour" selon AndyDonde viven las historias. Descúbrelo ahora