Breathe For Me [JakeHoon]

31 • I Cannot Breathe

J'étais fatigué.

Tellement fatigué que cette nuit j'en ai oublié de respirer.

Heureusement pour moi que Jungwon est rentré au bon moment. Je m'étais endormi, je ne voulais pas le rejoindre dehors puisque je me doutais qu'il avait besoin d'être seul, mais jamais je n'aurai pensé que mon cerveau allait volontairement m'empêcher de gonfler mes poumons.

J'étais là, allongé sur mon matelas aux côtés de Sunghoon. Je ne voyais pas. Je n'entendais pas. Je ne respirais toujours pas.

Mais j'imaginais que les garçons devaient crier, paniquer, peut-être même parfois me secouer mais je ne pouvais rien faire. J'aurais aimé les rassurer, leur dire que j'étais encore là mais c'était trop dur, j'étais trop faible.

Je suppose qu'ils ont dû appeler les pompiers ou quelqu'un qui pourrait m'aider à sortir de ce trou noir sans vie où j'avais l'impression de tomber, de sombrer, de mourir.

Les volets du salon étaient restés ouverts hier soir. J'espère qu'à présent ils laissent traverser les lumières orangées du camion de pompiers dans la pièce habitée par la peur et l'angoisse où mon corps à moitié mort reposait. Tout devait aller si vite autour de moi, comme un enchainement de mouvements appris par coeur, une sorte de danse tout aussi énergique que terne et maussade.

Mais tout ça n'était que le fruit de mon imagination, le peu d'images que mon cerveau presque absent parvenait à m'envoyer.

Peut-être que c'était le moment ? Le dernier grain de sable doré du sablier venait-il de tomber ? Le gong avait-il grondé ?

J'avais l'impression que c'était le cas, que j'allais définitivement laisser Jay, Jungwon et Hee Seung, que je n'allais plus taquiner Sunoo ni entendre les bêtises de Niki, que je n'essuierais plus les larmes de ma mère, que je ne la serrerai plus contre moi, comme ma soeur et mon père.

Et mon blond, j'allais partir, j'allais l'abandonner. Je ne laisserais plus mes doigts se balader dans sa chevelure blanche, mes phalanges ne parcourront plus jamais sa peau pâle et laiteuse. Son parfum si enivrant ne saluera plus jamais mes narines et je n'humerais plus jamais son souffle chaud et mentholé avant de l'embrasser. Je ne l'embrasserais plus jamais avant de lui dire que je l'aime, ses douces lippes sucrées, je n'y toucherais plus, je n'y gouterais plus. Son sourire, ses fossettes, sa voix grave qui a pris l'habitude de me faire frissonner, je ne l'entendrais plus. Plus jamais.

Mais surtout, je n'ai pas tenu ma promesse, ses souhaits, je ne les ai pas tous exaucés, je n'ai pas été jusqu'au dernier.

D'un coup il y a eu de l'air.

Beaucoup d'air, partout.

Et du bruit aussi.

Trop de bruit, j'entendais trop de bruit.

C'était comme un grésillement qui se logeait dans mes oreilles jusqu'à taper dans mon cerveau que j'avais l'impression de sentir cogner dans ma boite crânienne tant ma migraine était forte.

Mais le principal c'est que j'entendais. Je crois que je voyais aussi. A travers mes paupières closes je parvenais à distinguer deux ou trois étincelles, mais lorsqu'elles se sont ouvertes, j'étais comme ébloui, tout était si clair, presque blanc, la luminosité me brulait.

Mais ce qui me brulait tout autant, qui me réchauffait amplement malgré le vent frais de Jeju en ce mois d'avril, c'était sa voix frémissante de tristesse et de panique.

"Mon Dieu Jake..."

Je le voyais vaguement, d'une part par mes yeux encore fragiles qui me donnaient une vision bien trop floue du monde, et d'autre part parce qu'il était caché par ces hommes en combinaisons qui m'entouraient complètement.