Chapitre 3

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Luinil n'avait pas revu son Champion depuis des années. Une bien sombre raison expliquait d'ailleurs cette absence. Arquen lui raconterait bien tous les détails.

Ils passèrent la porte des appartements royaux pour trouver plus de tranquillité. La reine demanda à son garde du corps de rester hors du salon, comme si sa présence si familière l'importunait soudain.

Peu étonnant, cet ordre ne plût guère à Lagordus. Il avait l'impression d'être chassé pour un meilleur parti et renvoyé à la niche comme un vulgaire canidé errant. Pas question que ce demi-dieu extraverti occupe son fauteuil !

Heureusement, Arquen, choisit le sofa pour s'installer auprès de sa reine. Finalement la proximité entre les deux n'était sans doute pas meilleure aux yeux de Lagordus. Mais encore une fois, il devait obéir aux ordres.

— Arminassë est toujours aussi sublime, soupira d'aise le demi-dieu, sans doute parce que vous en êtes l'âme.

— Tu me flattes, mon cher.

Il vérifia que Lagordus soit parti puis ferma innocemment les paupières avant d'attraper une bouteille d'alcool.

— Je ne peux m'en empêcher après une telle séparation.

La mine de la reine se fit soudain plus sérieuse :

— Raconte-moi. La dernière fois que je t'ai vu, tu étais encore mon Champion. Toutes les armées ennemies tremblaient devant toi. Ton départ est probablement la cause de notre échec.

L'homme but une longue gorgée avant de répondre avec son flegme habituel :

— Arminassë a remporté la dernière bataille.

— Pas cette maudite guerre. Mais trêve de défaitisme, que deviens-tu ? As-tu réussi à t'enfuir pour de bon ? As-tu été torturé ?

Elle se pencha vers lui avec un air inquiet :

— Rassure-moi, Arquen, j'étais tant angoissée.

L'hybride sourit, amusé par cette attention légèrement surfaite. Comment en vouloir à Luinil de jouer en permanence avec les émotions ? Rien que sa position inclinée lui donnait un air langoureux, presque reptilien. Sa robe étroite pressait ses seins et les remontait dans une séduction toute calculée.

À cet instant, Arquen ne regretta pas son retour : voilà des années qu'il n'avait pas eu de si magnifique vue.

— Ma plus grande douleur fut d'être éloigné de vous, assura-t-il sans détourner le regard, votre absence était un véritable supplice.

Luinil écarta davantage ses lèvres écarlates. Son compagnon n'en menait pas large de son côté, mais les deux manipulateurs se comprenaient. Inutile de s'expliquer, ils traduisaient ces paroles ampoulées dans leur esprit et en tiraient la substantifique moelle. C'était leur façon d'échanger.

— Je n'en reviens pas que tu aies pu ainsi perdre, se lamenta la reine avec une pointe de reproche dans la voix.

— Vous êtes cruelle. J'ai échoué à cette mission et vous remuez le couteau dans la plaie.

— Tu as perdu contre le prince des Falaises Sanglantes. JE l'ai affrontée. Et JE l'ai battu.

Arquen baissa la tête :

— Malheureusement, je lui suis toujours soumis. Ce n'est qu'exceptionnellement qu'il m'a autorisé de rentrer à Arminassë, je n'y resterai pas longtemps...

Il tira sa manche, dévoilant un étrange tatouage sinueux.

— Tant que cette arabesque marquera mon poignet, je ne pourrais être à vous. Vous ne devez me dévoiler vos plans ou vos secrets. Le prince finira par le savoir...

Danse Macabre - Tome 1 - AmbassadeWhere stories live. Discover now