Chapitre 12

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Le palais regorgeait de passages secrets que seule la reine connaissait. Ces coursières dans les murs lui permettaient de se soustraire à la cour et de s'extraire du palais sans être vue.

Luinil possédait un pavillon dans la forêt vierge qui jouxtait la face nord de la capitale. La végétation s'écrasait contre les fondations du palais comme une marée verte de feuilles. Le sol se précipitait ensuite dans des ravins profonds, infestés de marécages.

Mais la Reine Vierge connaissait ces lieux ; elle avait apprivoisé la nature sauvage pour y bâtir une résidence secondaire, à l'abri des regards. Un charme puissant la dissimulait. Luinil avait usé de sa magie de Réceptacle pour façonner ce sortilège ; ainsi, aucun astre ne pouvait la suivre.

Sa monture passa la grille dérobée du palais et plongea dans la forêt, disparaissant sous les ramures imposantes des arbres. Les troncs s'élargissaient dans une sensation d'écrasement et les fougèrent envahissaient le sol, cachant vases et racines.

Malgré l'hostilité de cette nature indomptée, des fleurs de nuits s'épanouissaient sur l'écorce dans des violets et roses fluorescents. Des lucioles dorées volaient en groupes, pour glisser des troncs aux branchages.

De temps à autres, le chant d'un oiseau nocturne perçait le silence religieux qui imprégnait les lieux. Ce mélange d'inquiétude et de mystère plaisait à l'astre qui continuait sa chevauchée endiablée sur le dos de sa monture. Des planches constituaient un ponton dans toute la sylve, permettant un passage praticable. Les sabots frappaient bruyamment le bois clair et créait un écho sous les frondaisons.

Luinil aimait cette solitude ; personne n'avait dû venir ici depuis des mois. Seul Handelë et elle connaissaient cette cachette perdue. Bien sûr, Lagordus avait fini par le savoir à force de surveiller sa maîtresse mais jamais il n'avait eu l'autorisation de s'y rendre.

Aux côtés du cheval au galop, Fimou glissait dans les marécages, heureux de cette sortie inattendue. L'énorme aratayas doré profitait des sources chaudes pour échapper au froid de l'hiver ; dans ce coin, la neige ne se fixait jamais.

Enfin, le pavillon apparut. D'un simple geste, Luinil alluma les lanternes qui pendaient aux toits. Fourbue par la course, la monture s'arrêta devant le portail ; de la fumée s'échappait de ses naseaux brûlants. La cavalière sauta à terre, vêtue de son long manteau de fourrure. Une fois à l'intérieur, devant un bon feu, elle pourrait retirer cet encombrant et insoulevable vêtement. Mais avec la robe échancrée et légère qu'elle portait en-dessous, il n'était pas question d'attraper froid. Son médecin personnel lui reprochait souvent son manque de jugement lorsque cela concernait sa santé.

Fimou sortit d'un taillis et s'élança à l'intérieur du pavillon dès que sa maîtresse eut ouvert la porte d'un sort.

— Quelle paix, murmura-t-elle, si seulement la Dimension pouvait connaitre ce même calme.

Son regard glissa vers le petit jardin qui jouxtait la villa. Les rosiers fleurissaient entre les buis, à l'abri des érables. Avec la chaleur ambiante, les fleurs prospéraient dans de merveilleuses teintes pastelles, tel un affront à la saison actuelle.

Un sourire simple aux lèvres, la reine abandonna le pallier pour rejoindre le petit parc. Un gazon taillé par le sortilège constant laissait place à des parterres fleuris. Au fond d'une allée, une belle statue d'ange surplombait un bassin profond.

D'un pas lent, elle remonta le chemin, comme pour calmer son cœur tourmenté par cette ambassade. Tant de responsabilités reposaient désormais sur ses épaules. Luinil était seule pour sortir son peuple du danger qui le menaçait. Elle n'avait pas le droit à l'erreur...

Danse Macabre - Tome 1 - AmbassadeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant