🐦 1. Le Shah-Perroquet

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Conte persan recueilli dans Mes Contes Préférés, paru aux éditions Serge Media en 2001.

Il était une fois, dans le beau royaume d'Asadiyeh qui se situait sur l'estuaire du fleuve Mehran, un jeune Shah qui avait hérité du trône à la mort de sa mère. Ce prince était réputé dans tous les royaumes avoisinants pour sa beauté autant que sa bonté, mais ses sujets l'appréciaient davantage pour le courage qu'il mettait à les gouverner au mieux.

Chaque jour, il se rendait au temple de la déesse de l'estuaire pour la prier, lui confier le salut de son peuple, et lui demander conseil afin de gouverner au mieux. Grâce à l'intervention divine et au bon cœur du Shah, le royaume d'Asadiyeh vivait heureux et en paix. Mais gouverner est une tâche bien lourde et le prince Daryush avait choisi pour l'épauler un vizir en qui il avait toute confiance, car ils avaient grandi ensemble et étaient les meilleurs amis du monde. Avec Medjen pour le conseiller et le soutenir en plus de la déesse, il lui semblait que rien ne lui résisterait jamais.

Et puis un jour, alors que Daryush se trouvait au temple pour sa prière quotidienne, la déesse lui apparut à nouveau, resplendissante de lumière, sa voix aussi liquide que de l'eau.

- C'est la dernière fois que tu me vois, dit-elle doucement. Tu es suffisamment sage à présent pour gouverner sans moi, et ton vizir saura t'aider. Tu pourras toujours venir me prier, mais je ne t'apparaîtrai plus. Cependant, je tiens à t'offrir un dernier cadeau. Fais un vœu et je te l'accorderai.

Daryush réfléchit longuement, regrettant de ne pouvoir demander l'avis de Medjen sur la question, puis finit par arrêter son choix en espérant ne pas se tromper.

- Puissante Déesse, je t'en prie, accorde-moi le pouvoir de me transformer à volonté en animal de mon choix.

Un éclat de lumière l'enveloppa, comme une étreinte maternelle, puis il se retrouva seul dans le temple que la déesse avait quitté. Respectueusement, il fit ses dernières prières, déposa une offrande, puis s'en retourna au palais. Là, il rejoignit son grand vizir pour lui raconter toute l'histoire, heureux d'avoir son approbation.

Dans les jours qui suivirent, un homme extrêmement riche nommé Kashenour se présenta à la cour du Shah pour solliciter l'honneur de sa main en mariage pour son fils unique. Comme le voulait l'usage, il fit sa requête d'abord auprès du vizir à qui il présenta son enfant en vantant ses mérites. Il faut savoir que Medjen n'était pas seulement le meilleur ami du prince Daryush depuis leur plus tendre enfance, il était aussi éperdument amoureux de lui. Cependant, il ne s'estimait pas digne d'unir sa vie à la sienne, aussi faisait-il son possible pour trouver une personne de très noble rang que le Shah pourrait épouser sans honte.

Ce fut donc l'argument qu'il opposa à Kashenour, dont le fils n'avait pour lui que la richesse paternelle. À vrai dire, ce garçon était loin de posséder autant de qualités que son père le prétendait, et Medjen ne voulait pour rien au monde d'un futur souverain aussi paresseux, dépensier et orgueilleux. Non merci. S'il devait perdre le cœur de Daryush au profit d'un autre, il voulait que ce soit la meilleure personne au monde, car son prince ne méritait que ce qu'il y avait de mieux.

Malheureusement, Kashenour était aussi orgueilleux que son fils, et il fut terriblement vexé par le refus du grand vizir. Toutefois, il était rusé et il ne le montra pas, cachant sa colère et son ressentiment sous un masque de fausse compréhension polie. Toute sa richesse lui venait en réalité de la sorcellerie qu'il pratiquait avec talent, et il n'y avait rien dont il rêvait davantage que de placer son fils sur un trône, en couronnement de tous ses efforts. Puisqu'il ne pouvait le marier au Shah, alors il ne lui restait qu'à se débarrasser du Shah en personne, et le tour serait joué.

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