La chute des Héros p4

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Le campement militaire grouillait d'un indescriptible chaos.


Tôlem, qui ne se rendait à Seddis qu'en de très rares occasions, n'avait jamais, de toute sa courte vie, vu autant d'hommes et de femmes ainsi que de bêtes réunis au sein d'un même endroit exigu.

De partout, des soldats s'affairaient à diverses tâches confuses, au milieu d'un enchevêtrement de tentes et de bâches colorées. Le haut plateau qui jouxtait la plaine de l'Altarie, d'ordinaire morne et jaunâtre à l'arrivée de la saison sèche, se voyait coloré d'une multitude de couleurs pour chaque blason et étendard représentant une armée des Cités Libres.


Une fois arrivé à l'intérieur du campement en pleine effervescence, l'officier recruteur confia Tôlem aux bons soins d'un vieux vétéran borgne et bavard, Teguern.


Le vieux soldat consacra la fin de la matinée à la visite du campement encore en cours de construction. Tôlem appris de la bouche de Teguern que la date de la bataille décisive était prévue pour dans deux jours. Il restait encore fort à faire pour préparer l'affrontement.


L'après-midi, ils se consacrèrent à l'aménagement de diverses parties du camp, ainsi qu'au terrassement de la vaste plaine alluviale de l'Altarie où se déroulerait la bataille à venir.

De profondes fosses furent creusées et recouvertes de branchages.

Elles empêcheraient alors, expliqua Teguern à Tôlem, les mouvements des terribles chars à faux qui avaient causé tant de pertes à l'infanterie et causé de nombreuses défaites au cours des derniers affrontements.


L'effet de surprise ! S'était écrié Teguern, voilà quelle est la plus grande force des armées d'Ircania. Ce diable de Razhan sait multiplier les coups d'éclats...


Cette fois les Cités Libres disposaient de l'avantage stratégique du terrain.


Ce soir-là, Tôlem goûta à un repos bien mérité, mais il ne trouva le sommeil que très tard dans la nuit - au milieu de la tente-dortoir surpeuplée - se remémorant encore et toujours les événements des derniers jours et la perspective d'une probable mort future.


La deuxième journée, Teguern la dédia à l'apprentissage de la tâche qui attendait le jeune homme pendant la bataille.

Le vétéran et le garçon étaient chargés de l'approvisionnement et du rechargement de l'un des vingt-cinq Scorpions-Dardeurs, une impressionnante machine de guerre capable de projeter d'énormes carreaux d'arbalète pouvant perforer un homme en armure à plus de trois cents pas de distance, et faisant la fierté des ingénieurs Seddissiens.


La tâche bien que physique restait plutôt aisée.

Tôlem et le vétéran se retrouveraient à bonne distance du champ de bataille et des affrontements et ils disposeraient d'une vue imprenable sur les combats à venir.


Le risque de rejoindre Le Grand Néant Glacial devenait finalement limité.


La situation n'apparut plus à Tôlem si désespérée et cela lui remit un peu de baume au cœur. De plus, l'agitation continue chassa le temps d'une journée les idées noires qui lui rongeaient les viscères.


Le soir précédent le jour décisif, les soldats eurent le droit à un maximum de repos afin de préserver leurs forces pour la bataille.

On servit un ragoût de viande ainsi que de l'alcool de céréales au souper. Tôlem goûta pour la première fois ce liquide sucré et amer qu'affectionnait tant la matriarche Fraôla. Il trouva le breuvage passablement mauvais. Pourtant, l'excitation qui émanait de ce moment étrange précédant la mort et le drôle d'effet que produisait la boisson, le poussa à se resservir plusieurs fois.


La soirée fut également l'occasion pour Tôlem d'en apprendre plus sur la vie de Teguern.

Le vétéran combattait pour les Cités Libres depuis plus de vingt ans. Il avait traversé au cours des dernières années nombre affrontements terribles, victoires et défaites, et y avait laissé un œil emporté par un fragment de flèche.

Les armées d'Ircania avançaient encore et encore, annexant toujours plus de territoires et continuaient à surprendre leurs ennemis, sous l'impulsion du génie militaire Razhan. Ce fut lorsque la cinquième Cité Libre Irzinia la Dorée tomba devant les armées Ircaniennes, que les Cités restantes se décidèrent enfin à unir leurs forces pour stopper l'envahisseur.

Teguern espérait de tout son cœur que cette alliance historique marquerait la fin de cette guerre cruelle.

Il était las des combats et aspirait désormais à retrouver son foyer qu'il avait quitté depuis si longtemps, à revoir sa femme, ses enfants, et à rencontrer enfin ses petits-enfants. Tôlem lui rappelait son plus jeune fils, qu'il n'avait plus vu depuis huit longues années.


Cette nuit-là, une fois que furent vidés les derniers tonneaux et que les discussions prirent fin, Tôlem dormit curieusement à poings fermés.



Celui qui rêve sous la montagneTempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang