Chapitre 1: Bienvenue au Quartier des Plaisirs

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     A travers la fenêtre de sa chambre, Hanae observait le soleil d'automne descendre sur Yoshiwara. En cette saison, les rayons étaient rasants et le soleil très bas si bien que pour observer ce spectacle qu'elle adorait tant, elle était contrainte de mettre sa main sur son front pour protéger ses yeux. Mais cela ne l'empêchait pas de faire la même chose tous les soirs. Elle trouvait que le soleil était d'humeur différente tous les jours, tantôt ses rayons orangés semblaient exprimer la joie, tantôt c'était le rose infini de l'amour et parfois, c'était un mélange de gris-bleu, de jaune, d'orange, de rouge ou de rose. C'était dans ces cas-là qu'elle le trouvait le plus beau, comme si le soleil lui-même déployait des trésors de couleur pour elle, la petite Hanae qui n'avait pas d'amis, ne connaissait pas son père et vivait cloîtrée toute l'année dans une maison de courtisane.

En fait, Hanae était bébé quand sa mère fut achetée par la maison. Depuis qu'elle avait fêté ses cinq ans, Hanae commençait à se poser certaines questions quant aux raisons qui avaient poussées sa mère à accepter qu'elle et sa fille soit achetées toutes les deux par une maison de courtisane. Malheureusement, chaque fois qu'elle voulait savoir, celle-ci ne lui répondait jamais, soit parce qu'elle était fatiguée, ou soit parce qu'elle était trop occupée, et c'était pareil lorsqu'Hanae lui posait des questions sur son père. Non, rectification, c'était pire lorsqu'elle lui posait des questions sur son père. Les trois quarts du temps, sa mère s'énervait contre elle en lui disant que cela ne la regardait pas et que toute façon, elle ne pourrait pas comprendre car c'était des histoires de grandes personnes. S'il y avait bien une chose qu'Hanae détestait, c'était quand on lui disait qu'elle ne pourrait pas comprendre. Après tout, les gens n'étaient pas dans sa tête, alors comment ils pourraient deviner qu'elle peut ou qu'elle ne peut pas comprendre quelque chose. Les adultes étaient décidément bien étranges. Pourtant, même si sa mère évitait certains sujets, Hanae l'aimait beaucoup car en dehors de ça, c'était la personne la plus gentille du monde. Malgré le fait qu'être une grande oiran semblait lui peser, elle faisait toujours de son mieux pour ne jamais montrer la moindre fatigue et pour garder son éternel sourire devant sa fille. Hanae ne pouvait que rêver d'être comme elle.

Justement, elle entendit la porte coulisser derrière elle et se retourna pour faire face à sa mère.

-Hanae, je t'ai déjà dit de ne pas te mettre face au soleil, tu vas t'abîmer la vue si tu continues.

-Mais je sais ce que je fais Maman, ne t'inquiète pas, répondit la petite fille en courant vers elle pour l'enlacer.

Yuna sourit et rendit son étreinte à sa fille avant de demander :

-Dis-moi, c'est bientôt l'ouverture et je n'ai pas encore eut le temps de refaire ma coiffure, tu veux bien me mettre mes épingles ?

-Oui ! s'exclama Hanae avant de courir vers le tiroir en question pour sortir les épingles.

Pendant ce temps, sa mère se mis à genoux sur le sol et attendis que sa fille vienne s'occuper de ses cheveux. S'il y avait bien une chose pour laquelle Hanae était douée, c'était la coiffure et c'est pour ça que Yuna n'aurait demandé à personne d'autre de réaliser ses coiffures. De plus, son rôle d'oiran la tenait souvent éloignée de sa fille et les ateliers coiffures lui permettait de se retrouver en famille loin de l'agitation du Quartier des Plaisirs. Dehors, Yuna était une grande oiran, une femme tellement belle avec ses grands yeux bleus nuit et ses manières si séduisantes que lors des rares moments où elle quittait la maison pour voir un client, tous les hommes se retournaient sur son passage, subjugués par sa beauté tandis que les femmes et les jeunes filles la dévisageaient, tantôt jalouse ou tantôt impressionnées par ses accessoires, vêtements ou encore son maquillage. Ici, dans cette chambre qu'elle partageait avec sa fille, elle n'était qu'une mère ordinaire et ça lui faisait du bien, pour une fois, d'avoir un rôle simple, de ne pas se trouver au-dessus des autres simplement parce qu'elle était très belle.

Quand l'Amour devient DémoniaqueDonde viven las historias. Descúbrelo ahora