PAS D'JASMINE POUR JAFAR - ADEMO

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1 AVRIL 2015

Je pouffe de rire et tends un billet de 5€ à Lucas qui le prend en ronchonnant avant de le donner à la caissière. Elle le remercie et lui tend la monnaie ainsi que le sac contenant les deux grecs.

— Je te jure que c'était écrit 8€ le grec + boisson sur le panneau! J'avais que 18€ sur moi wesh.
— T'inquiète on s'en fout, c'est des rats putain c'est cher.

On se pose sur un banc pour dégommer les grecs qu'on vient de payer archi cher.

— Ça dit quoi sinon la tipeu? On te voit plus trop en ce moment, commence-t-il.
— Youssef il me prend la tête, il me laisse pas sortir. Vu qu'avec Manël ils vont habiter à l'autre bout des Tarterêts, riais-je, il a peur qu'un mec jette son dévolu sur moi.

Je ne sais pas s'il est au courant pour Tarik et moi mais il ne me semble pas donc je fais l'idiote.

— Ouais il a raison, un mec qui veut du sérieux avec toi il fera les choses dans les règles.

Je déglutis et je hoche la tête en souriant.

Lucas et moi sommes très proches et je passe tout mon temps libre avec lui — quand je ne suis pas avec Tarik. Il est accepté par ma famille alors ça facilite nos sorties, ma mère l'invite carrément à manger de temps en temps.

Zara aussi l'aime beaucoup, elle lui adresse plus la parole qu'à moi... Notre relation s'est complètement brisée depuis que j'ai pété un câble, le fameux soir où j'ai demandé à Tarik de venir me chercher en bas de chez moi. Ça me fait énormément de mal mais je me dis qu'elle souffrira moins le jour où je partirai si elle m'en veut...

— Ils préparent le mariage ta famille du coup? me questionne-t-il.
— Ouais laisse tomber, j'évite d'être chez moi au maximum parce que dès que t'es dans leur champ de vision ils te donnent une mission! me plaignais-je. Oh, Emna! Tu pourrais écrire le prénom de chacun des invités sur ces 50 objets différents s'te plaît? les imitais-je, le faisant rire.
— J'te raccompagne en bas de chez toi après alors, j'évite de monter.

On rigole et on parle de tout et n'importe quoi.

— Hier soir j'étais chez les deux frères, commence-t-il entre deux gorgées d'oasis. Y a une meuf qui a débarqué, elle a pété un câble contre Tarik! Il rigole en se rappelant des événements dans sa tête et je me raidis. Il était tout blanc le pauvre. Je crois que c'est son ex qui veut pas le lâcher.

Je fronce les sourcils et ne réagis pas plus que ça.

— Ce gars c'est une catastrophe avec les meufs. Il en baise tellement qu'il se rappelle même plus d'elles. Il a pas reconnu la meuf, c'est pour ça qu'elle a pété un plomb miskina...

J'ai envie de vomir mais je fais comme si de rien n'était.

— Mais ça date cette histoire ou c'est récent? Pourquoi elle est revenue?
— Je crois c'est un ancien bail mais elle a vu qu'il commençait à percer dans le rap... T'as vu y a beaucoup de meufs sur eux là. Puis Nabil et lui en profitent grave...

Il ricane et je fais un faux sourire.

*
* *

Je frappe à la porte et c'est un Tarik torse nu qui vient m'ouvrir. Je le pousse pour entrer à l'intérieur et je vais dans chaque pièce de l'appartement à la recherche d'une meuf. Il va me rendre folle celui-là.

— Wesh? Tu cherches quoi? me demande-t-il innocemment.
— Elle est où? crachais-je.
— Qui ça? demande-t-il en fronçant les sourcils.
— Ta pute. Lou! Elle est où?
— Mais t'es malade toi, tu parles de quoi? dit-il en haussant le ton.

Je rigole et je le bouscule pour passer mais il attrape mes bras et il me plaque contre le mur pour me forcer à l'écouter.

— Maintenant parle. Commence pas à m'énerver en disant n'importe quoi sans être claire. Qui t'a parlé de Lou? dit-il fermement.
— Lucas! Il m'a dit qu'elle avait débarqué chez toi hier.
— Ouais, c'est vrai, dit-il calmement. Mais ça date de 3 ans ce qui s'est passé avec cette meuf.
— Alors pourquoi elle revient maintenant? criais-je.
— Crie pas sur moi, dit-il fermement. Elle veut gratter le buzz cette pute, c'est tout. Tu vois, t'as juste à demander et je t'explique. C'est plus d'actualité, fin. C'est réglé. Son ton condescendant me rend folle.
— C'est pas la seule apparemment. Dis-moi alors! T'en baises combien d'autres? aboyais-je.

Il se met à rire et il s'éloigne de moi.

— Qu'est-ce que t'en as à foutre toi? Tu pars à Milan, je suis le dernier de tes soucis.
— Mais ferme ta gueule! Tu fais exprès ou quoi? répondis-je la gorge serrée.
— Arrête de parler mal putain Emna. T'as le seum parce que je dis la vérité?
— Ouais j'ai le seum parce que tu dis de la merde!

Au même moment, on entend la porte d'entrée claquer et Nabil nous rejoint dans le salon, furieux.

— Vous me cassez les couilles vous deux, arrêtez de vous embrouiller! On vous entend jusqu'au couloir!
— Arrête de te mêler de mes affaires Nabil, le gronde son frère.
— Rien à foutre, vous m'énervez. Tout ça parce que vous pouvez pas assumer vos sentiments et vous mettre ensemble! Arrêtez de vous mentir à vous-mêmes.
— Putain mais vous allez me faire peter un plomb, répond Tarik. J'me casse.

Il prend un t-shirt posé sur le canapé et il quitte l'appartement, me laissant seule avec son frère qui me dévisage. Un regard du maghrébin et je me laisse glisser contre le mur avant de m'effondrer. Je fonds en larmes après les avoir retenues en moi trop longtemps.

Contre toute attente, Nabil s'assoit par terre à côté de moi et il me prend dans ses bras.

— Il est con des fois, faut le laisser faire son caca nerveux et il va revenir... dit-il en embrassant ma tempe.
— C'est pas ça le problème Nabil, dis-je entre deux sanglots. T'as raison putain. T'as raison. Je l'aime mais je peux pas lui dire, c'est trop tard.
— Pourquoi tu pourrais pas lui dire, Emna? demande-t-il préoccupé.
— Je vais partir et il pourra pas me suivre. Je vais l'abandonner mais je peux pas accepter qu'il essaie de me remplacer.
— Il va pas te remplacer, arrête de dire ça. Tu vas partir où?
— Je pars à Milan, personne est au courant pour l'instant mais je vais partir.
— Tarik est au courant?
— Oui, depuis le début. C'est pour ça que j'ai commencé à vendre avec lui.

Il hausse un sourcil et il m'observe pendant quelques secondes sans rien dire.