Chapitre XI - 𝐵𝑜𝑢𝑚 𝑏𝑜𝑢𝑚 faisait son cœur, 2/2

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A la fin d'une éreintante journée, Eden quitta enfin l'université. Il s'assura du coin de l'œil qu'Elias ne risquait pas un accident, ou qu'il ne s'apprêtait pas à croiser un fou qui l'enfermerait dans une cave, et mit le nez dehors. Là, il inspira une bouffée d'air, pollué par les odeurs d'huile de moteur, de cigarette et de gazon tondu. Qu'il était loin, son paradis perdu. Et comme il lui manquait, avec ses odeurs soupoudrées et subtiles, parfum fruité, l'eau douce, l'odeur de la paix.

Une jeune femme l'interpella alors qu'il se plongeait dans une vague de souvenirs. Le regard noir pour lui signifier combien elle l'agaçait déjà, il se tourna vers Noa, dont l'immense sourire dévoilait des canines taillées en pointe.

« Ça te dirait qu'on aille boire un verre ensemble ? Aujourd'hui, si tu es libre ? Parce que je dois avouer que tu m'as tapé dans l'œil !

— Non.

— Pourquoi ? »

Une expression déroutée s'empara de son visage ; elle n'envisageait pas un refus.

« Tu ne m'intéresses pas, dit Eden en se remettant à marcher.

— Comment ça ? »

Elle le suivit en boitillant.

« Si tu t'inquiètes de mes béquilles, je les enlève bientôt ! »

Encore une humaine collante qui refusait de lui lâcher la grappe, incapable de comprendre des mots simples. Voilà pourquoi il aimait encore moins les femmes que les hommes. Cette fille confirmait qu'elles paraissaient naître avec de la vase dans les oreilles qui les rendaient sourdes à toute négation.

« Je n'aime pas les femmes, tu m'excuses ?

— Oh ?

— Oh.

— Désolée, j'aurais dû m'en douter, dit-elle avec un petit rire. Les mecs les plus beaux sont toujours les moins hétéros. Dommage ! »

Elle jouait avec une mèche de cheveux roux sans se défaire de son assurance. Elle devait avoir l'habitude d'essuyer des non secs, avec ses immondes taches de rousseurs et son sourire repoussant.

« On peut être amis ? C'est pas mal les sex friends, aussi. »

Il garda le silence en levant les yeux au ciel.

« Allez !

— Tu es agaçante, on a dû te le dire. Comment t'appelles-tu ?

— Noa, et toi ?

— Eden. »

Noa tendit la main, il secoua la tête. Son regard dériva jusqu'aux gants de cuir. Elle dû comprendre, car elle n'insista pas et passa à un autre sujet, aussi librement qu'un papillon volète d'une fleur à une autre. En tripotant la dentelle de sa jupe noire, elle annonça qu'ils allaient boire en verre. Eden la dévisagea comme si elle avait prononcé une énormité. Il la vit alors se détourner, apercevoir quelqu'un, prendre une inspiration et interpeller le pauvre individu qui serait sa victime.

Elias, ainsi apostrophé, les rejoignit avec un léger sourire.

« Comment ça va, mon chéri ?

— Bien depuis ce matin, je suppose. Salut, Eden. »

L'ange resté en retrait répondit par un sourire qu'il voulut sincère. Mais ses lèvres n'avaient jamais eu l'habitude de pareille expression, et seule une grimace apparut sur son visage. Le rictus informe arracha un petit rire moqueur à son protégé. Il se renfrogna. Les commissures de sa bouche s'abaissèrent aussi vite qu'elles s'étaient levées, pour reprendre la moue familière.

Eden - Le Temps ne s'arrêtera pasWhere stories live. Discover now