6 octobre

141 57 29
                                    

Je me suis endormie. Il y a bien longtemps qu'il ne m'était pas arrivé de m'assoupir ainsi, sombrant dans un néant où ni les rêves ni les cauchemars ne peuvent m'atteindre. D'abord, je m'en veux. Il n'est guère convenable de m'endormir aux côtés de Léandre qui lui se bat pour se réveiller. Je n'ose imaginer si Marianne était arrivée au même moment.

Il faut pourtant croire que j'en avais besoin. Le sommeil me fuit si bien que je ne distingue plus le jour des nuits. Bien souvent, je me perds dans mes pensées, et je me rends compte à travers les carreaux que les étoiles ont succédé aux nuages, ou que la rosée l'emporte sur les fragrances nocturnes. Seuls les horaires de visite de l'hôpital maintiennent en moi un certain rythme. Même l'humour idiot de mon père se tait. Même ma mère et ma grand-mère ne parviennent pas à me ramener dans le présent.

Ils se réunissent presque en silence, et seul le bruit des cuillères contre les tasses, seule l'odeur du café remplit la pièce. Ils ne disent rien, alors je ne dis rien. Il n'y a rien à dire après tout. L'automne essaye de me prendre Léandre, et nous sommes impuissants. Depuis plus de quatre ans maintenant que je leur ai présenté mon amour, il fait partie de notre famille. La maison muette me renvoie nos milliers de projets à la figure, et ce sont sûrement les mêmes qui bombardent les pensées de mes proches.

Je devine leurs songes : trop jeune pour mourir.

Il est vrai. Même s'il n'y a aucun âge pour ça, j'en ai douloureusement conscience. Aussi, le tribunal du destin ne me demande pas mon avis, et Léandre devra se plier aux règles de la science et de la chance s'il veut s'en sortir. Pour le moment, je ne songe qu'à cela. Pas à l'après.

Nous ne savons pas s'il se réveillera, et si c'est le cas, l'état dans lequel il se trouvera. Le médecin nous a déjà prévenus. On ne sort pas d'un coma comme on le voit dans un film. L'éveil est lent, ponctué de phases, et la reprise de la conscience ne suit pas forcément. Je suis préparée à cette éventualité, même si elle me terrifie.

Voir Léandre allongé, inconscient est une chose. Abandonné à son sort, il s'en remet à mes mains aimantes. Mais voir Léandre allongé, éveillé et inconscient en est une autre. J'ai peur de recroiser ses yeux bleus. Peur qu'il souffre. Peur qu'il hurle en silence, coincé dans un corps qui ne lui répond pas.

Aujourd'hui, Marianne n'a fait que pleurer. Elle s'est contentée de tenir la main de son fils, et de tamponner ses yeux de l'autre main. Je n'ai rien trouvé pour alléger sa peine. Les soignants non plus. Consoler est un art rarement maîtrisé par les gens, et je ne fais pas exception. J'ignore comment tarir les larmes de quelqu'un quand les miennes rincent ma peau à toute heure. De ce fait, je me suis contentée de rester là. Certains disent qu'une présence vaut mieux que rien du tout. Je m'en remets à cela.

— Ça va aller. On va s'en sortir, tous ensemble. Et ça va aller.

Je hoche la tête, consciente que Léandre ne me voit pas.

Me : je vais publier la novella en automne

Oops! This image does not follow our content guidelines. To continue publishing, please remove it or upload a different image.

Me : je vais publier la novella en automne. La pluie, les feuilles mortes...
La météo d'octobre chez moi : grand soleil de printemps.

Bon. Bah bonne journée !

L'anti-chambreWhere stories live. Discover now