De pire en pire

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Je cours sous la pluie battante. Bon sang, c'est une gazelle ou quoi ?

Mais j'accélère. Il ne faut pas, surtout pas qu'elle pénètre dans les Quartiers. Sinon, c'en est fini d'elle. Au sens propre du terme.

Je grimace. Je n'arriverai jamais à la rattraper comme ça. Elle est bien trop rapide, et je suis bien trop fatigué. Comment faire ? Je refuse d'avoir un viol ou un meurtre sur la conscience. Voire les deux.

Je serre les dents. Il n'y a plus qu'à espérer qu'elle traverse les Quartiers sans encombre en la suivant de loin. En espérant que je serai assez rapide si jamais quelqu'un s'en prend à elle.

Enfin, elle franchit la limite. Je fouille la rue du regard. Il fait trop sombre, il pleut trop. Je ne vois rien.

- Aaaaah !

Je m'arrête brusquement. Elle court toujours loin devant moi, ce n'est pas elle qui a crié... Alors qui ? C'était une voix de fille, j'en suis certain !

- A l'aide !

Cette fois, je parviens à déterminer l'origine de l'appel. Sans perdre une seconde, je me précipite dans une petite ruelle encore plus sombre. J'aperçois bien vite deux ombres : une collée contre un mur, l'autre lui pressant un couteau sur la gorge. Et se pressant contre elle tout court.

Je n'hésite pas et balance un coup de pied dans la main tenant le couteau. Je poursuis dans ma lancée et envoyant un coup de poing dans le plexus solaire de l'agresseur. Pour finir en beauté, je lui attrape la tête et l'explose sur mon genou. Le tout de mes actions n'a pas dû durer plus d'une minute.

Je laisse l'homme que je viens de battre glisser au sol et me tourne vers sa victime. J'en reste bouche bée.

- Emma ?!

Avec ses cheveux lâches et bouclés, son maquillage et sa petite robe moulante, j'ai failli ne pas la reconnaître mais c'est bien elle. Dégoulinante de pluie.

- Emma, tu vas bien ? je lui demande d'une voix douce en m'approchant lentement.

Elle ne me répond pas. Son corps tremble si violemment que c'est un miracle qu'elle tienne encore debout. Elle est sans doute en état de choc. Le problème, c'est que ses appels à l'aide n'étaient pas très discrets... La Meute ne va pas tarder à débarquer.

La Meute. Le groupe qui contrôle les Quartiers. Celui qui tue ceux qui désobéissent, qui enrôle toujours plus de nouvelles recrues, qui apparaît dès qu'il y a de la « chair fraîche ». Un groupe que je n'ai nullement envie de contrarier, et auquel j'ai pu miraculeusement échapper jusqu'à maintenant. Mais après ce que je viens de faire, je peux dire adieu à ma tranquillité.

- Emma ? Il faut partir.

Elle ne dit rien, les yeux perdus dans le vague. Je me retiens de la secouer dans tous les sens. Ce n'est pas le moment bon sang ! La Meute va débarquer d'une minute à l'autre !

- Emma, monte sur mon dos. S'il te plaît.

Enfin, elle bouge. Elle grimpe sur mon dos et noue ses bras autour de mon coup. J'attrape ses jambes et les serre contre mes hanches. Je ne dois surtout pas la laisser tomber, et vu son état, elle va avoir du mal à s'accrocher.

Je pars en courant. La seule solution pour échapper à la Meute, c'est d'aller à l'Élysée. Se réfugier dans l'une des maisons si possible. Mais qui accepterait d'héberger deux personnes poursuivies pas la Meute ? A par des fous, je ne vois pas.

Je remonte les Quartiers à toute vitesse. J'ai épuisé beaucoup d'énergies pour le ménage aujourd'hui, tellement que je n'ai pas eu la force de faire du sport après. Puis j'ai couru pour me réfugier sous le buisson de lilas. Et j'ai encore couru pour aider la fille en jupe. Et là, non seulement je cours pour échapper à la Meute, mais en plus je porte quelqu'un.

Hannah, Tome 2 ~ Nos blessures invisiblesWhere stories live. Discover now