Chapitre 14

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Cette nuit-là, Derek s'endormit avec une appréhension toute nouvelle. Il avait peur. Peur parce que... Ses rêves prenaient une signification nouvelle, ils devenaient... Plus concrets. Sous le conseil de Deaton, il n'avait parlé de leur discussion à personne, de peur d'attirer l'attention de Scott ou que celui-ci ait des oreilles là où elles n'étaient pas censées être. Il était affaibli, comme tous les autres, mais gardait de bons sens lupins.

La seule personne à qui Derek aurait pu confier ses doutes et ses inquiétudes se trouvait actuellement à l'hôpital, dans un état critique. Jordan la veillait jour et nuit, autant que faire se pouvait. Puis, quand il devait se reposer, Noah prenait le relais. D'après son adjoint, il avait sans cesse un visage fermé et ne parlait plus. Il protégeait Lydia lorsque le chien des enfers ne le pouvait pas, mais l'on savait qu'il ne pensait qu'à son fils disparu. Il avait bien fallu le mettre au courant... Et lorsque les deux policiers avaient le temps, c'était Melissa qui prenait leur place. Lydia avait été mise dans le coma et opérée, son pronostic vital était engagé. Et son état ne bougeait pas. Nul ne savait encore si elle allait s'en sortir. Elle avait été prise à temps, oui... Mais tout de même tardivement.

En attendant, Derek était donc seul. Seul avec les suppositions et révélations de Deaton. Seul avec ses appréhensions et ses peurs. En se couchant, il eut peur de ne pas rêver et dans sa situation... Oui, on pouvait dire que le rêve était son seul espoir de communiquer avec Stiles, si la théorie du vétérinaire fonctionnait vraiment. Honnêtement, il n'avait pas encore d'avis précis sur tout ça. En soi, il voyait l'hyperactif dans ses cauchemars, oui, mais... Il y avait toujours quelque chose qui l'empêchait d'aller le voir, lui parler. Et si cette fois, il ne le voyait pas ? S'il se réveillait le lendemain, sans se souvenir de ce dont il aurait pu rêver ? Pire, s'il ne rêvait pas ? L'esprit rempli d'incertitudes, Derek ferma les yeux. Et pourtant, lorsqu'il céda à l'appel du sommeil, c'était presque comme s'il atterrissait, sans transition, en plein milieu de la forêt.

La forêt ? Oui, il reconnut instantanément la forêt de Beacon Hills pour l'avoir parcourue de long en large toute sa vie. Qu'il soit sous forme de loup ou d'humain, il y avait passé beaucoup de temps et c'était là que sa famille, en particulier sa mère, lui avait appris à différencier certaines plantes et particularités de végétaux. Elle lui avait appris également à se repérer, à ne pas se perdre dans ce dédale vert. Alors oui, il connaissait la forêt par cœur. Il fronça les sourcils et avança vers il ne savait quoi. Parce qu'en fait, il ne savait pas réellement où il devait aller.

Un hurlement brisa le silence de l'endroit mystique. Les poils du loup se hérissèrent sur sa peau. D'un coup, il sut alors même qu'il n'avait pas laissé à son cerveau le temps de reconnaître la voix et s'élança, sans se rendre compte qu'il lévitait et qu'il ne ressentait aucun manque d'énergie. C'était l'avantage d'être dans un rêve : son corps ne le limitait pas dans ses actions.

En quelques secondes, il déboula dans une clairière avec, au centre, un arbre coupé, au tronc parfaitement lisse. Le Nemeton. Sur ledit trop, Stiles était recroquevillé sur lui-même, tremblant comme jamais, le visage défait et défiguré par les bleus, les plaies, les larmes.

- Stiles ! Hurla Derek en se rapprochant encore.

Tout son corps, même dans ce foutu rêve, était tendu.

Une barrière invisible le séparait de l'hyperactif, encore, mais il la traversa plutôt facilement tant son besoin de le sauver était grand. Des jours étaient passés depuis son enlèvement et ceux-ci le rapprochaient tout doucement d'une mort de plus en plus certaine. Alors oui, Derek savait qu'il devait lui soutirer le plus d'informations au plus vite pour le trouver rapidement. Le perdre était impensable. Par là, il ne pensait pas à ses pouvoirs, mais bien à son humanité, son sourire, sa personnalité. Stiles était quelqu'un qu'il ne pouvait pas voir disparaître de sa vie.

Lorsqu'il le prit dans ses bras, il eut l'impression d'attraper un corps à moitié solide. La sensation était étrange : Stiles était là... Et en même temps pas vraiment. Alors qu'il avait l'air de se laisser complètement faire, l'hyperactif finit par relever son regard larmoyant et rougi vers le loup.

- D-Derek, c'est... C'est toi ? C'est bien toi ?

- Oui Stiles, souffla le concerné.

Il le serrait contre lui, rassuré de l'avoir entre ses bras mais il le sentait à peine. Il le sentait à peine mais... C'était normal, non ? C'était un rêve...

- Je suis là, articula-t-il à nouveau.

L'hyperactif se pelotonna contre lui, s'accrocha à son haut. Ses doigts peinaient à serrer le tissu partiellement immatériel.

- Non, je suis tout seul et je... Je vais bientôt mourir, murmura l'hyperactif.

Bordel, ses mots étaient à peine articulés et pourtant, il les entendait si bien ! Comme si la bouche de l'adolescent était collée à son oreille... Il se crispa violemment et son cœur fit une embardée.

- Ça n'arrivera pas, fit Derek, catégorique. Stiles, est-ce que tu peux me donner des indices sur là où tu te trouves ?

Il jouait la carte de l'honnêteté et faisait de son mieux. Il devait obtenir ces informations pour le sauver, le sortir de cet enfer qui était peint sur sa représentation onirique. Stiles ne devait sans doute ni comprendre, ni même être conscient de la portée du rêve dans lequel il se trouvait, mais le loup espérait obtenir sa coopération.

- Je sais pas, je... Je sais juste que c'est demain, murmura l'hyperactif en fermant les yeux.

- Demain ? S'étonna le loup.

- Oui, le... La pleine lune, la cérémonie... Ils me veulent dans leur meute mais je sais pas pourquoi... Je... Ils me font mal. Pourquoi ils me font ça ?

Le désespoir et la confusion coloraient le timbre de cette voix frêle dont le volume avait commencé à diminuer. Derek, submergé par l'horreur qu'il ressentait, ne put que resserrer son étreinte sur le plus jeune et sentit sa propre gorge se serrer. Il ne répondit pas.

- Je... Retrouvez-moi...

L'appel à l'aide lui glaça le sang. La peau de Stiles lui parut étrangement blanche, si l'on oubliait les blessures qui la coloraient par endroits.

- On ne désire que ça, articula péniblement le loup.

- Qu'est-ce qui vous... Qu'est-ce qui vous en empêche ? Votre odorat, vos sens...

- Ils sont bridés. On a été grièvement empoisonnés par ceux qui t'ont enlevé. La majorité de la meute est... En convalescence.

Derek ne savait pas s'il avait bien fait d'être honnête, mais... C'était un réflexe. Non, plus que ça. C'était comme si quelque chose l'avait poussé à prononcer ces faits immuables. Malheureusement, aucun des loups ne la meute ne pouvait rester debout plus de quelques secondes sans ressentir d'horribles vertiges... Et tousser, s'étouffer, s'effondrer. Lui compris. Cet aconit était tenace et mettait bien trop de temps à s'évaporer de leurs corps à tous...

- Toi aussi ? Demanda faiblement l'hyperactif, une lueur nouvelle dans le regard.

Sans même avoir l'occasion d'utiliser ses dons lupins qui semblaient fonctionner aléatoirement dans ce monde, Derek vit qu'il s'agissait d'une terreur encore plus grande que la peur. C'était... Spécial et incompréhensible. Le loup hocha doucement la tête et vit l'hyperactif poser une main sur son torse d'un air douloureux.

- Non, pas toi... Souffla l'adolescent, de la souffrance dans la voix. Si seulement je pouvais... Si seulement je... Si seul...

Derek sentit une douleur intense lui vriller le crâne et le spectre de Stiles devint d'une blancheur d'abord pâle, puis lumineuse et aveuglante.

- Qu'est-ce que... St... Sti...

Et il hurla à la mort alors que la forêt s'effondrait sur elle-même. Le ciel tombait, le Nemeton s'aplatissait. Les couleurs se mélangèrent, formant un ensemble étrange et cauchemardesque avant que tout ne devienne noir.

Avant de disparaître de ce monde onirique auquel Derek ne comprenait rien, une phrase chuchotée s'ancra dans son esprit presque éteint.

Il y a un autre Nemeton.

..........

Ce chapitre est très court mais utile pour la suite, j'espère quand même qu'il vous aura plu !

L'Emissaire PrimordialOù les histoires vivent. Découvrez maintenant