27.2. Ce qui nous prend

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Août 3512


Taeko passe la porte d'un appartement vide. Et ce soir, il va le rester longtemps. Ça fait un moment, maintenant, que sa mère et elle, ne passent plus leurs soirées toutes les deux. Il faut dire que ce n'est pas quelque chose qu'elles aient continué à faire depuis que l'a jeune adolescente est entrée au collège.

- Ouais... bon, ça fait un an. Je me sens vieille.

La seule question qui ne se pose pas vraiment, c'est : à quel point est-on vieux, lorsqu'on a douze ans ?

Elle retire ses chaussures, les laisse dans l'entrée, un peu en vrac, et laisse son sac contre le canapé du petit salon, et se laisse tomber dessus. Ses cheveux encore roses de la journée, elle allume la télévision par réflexe. Ses devoirs ? Elle les fera plus tard. Ses affaires ? Elle les rangera ensuite. La journée a été longue, et elle ressent le besoin de se reposer.

Elle plisse la bouche, pour imiter la présentatrice, qu'elle trouve facilement trop refaite, métamorphosant ses lèvres pour la singer.

- Mais vous savez, la question n'est pas...

Elle s'arrête, se racle la gorge, et avec un nouvel artifice, reprend, avec la voix de la femme de l'écran :

- La question n'est pas de savoir si les héros ne sont plus aussi fiables qu'ils l'étaient avant, mais il faut avouer que les muscles d'All Might sauvent tout !

Elle grimace, se racle la gorge à nouveau, et reprend de son visage :

- C'est vraiment n'importe quoi. On ne sait même pas sur quelles infos ils se basent, pour dire des choses pareilles.

All Might. Le héros de tout le pays. L'homme en costume moulant et aux muscles saillants qui balaie tous les vilains d'un revers de poings. Celui qu'on ne connait pas, mais qui, elle en est persuadée, cache autant de choses que son alter mystérieux. Cet homme sortait de nulle-part, et ça n'inquiétait personne.

- C'est vrai que c'est un héros de malade, mais quand même. C'est pas humain, un sourire pareil.

Si elle devait se forcer à sourire sur toutes les photos qu'on prenait d'elle... en comptant toutes celles qu'on prend à son insu... Taeko rit soudain.

- Non mais n'importe quoi. Je me compare à un professionnel héroïque, maintenant ? On n'a pas du tout la même vie.

Elle pouffe encore, secoue la tête, et change de chaîne. Elle tombe sur une série qu'elle suit depuis un moment, et enchaine les épisodes, sans regarder l'heure. L'adolescente ne sort de son canapé que pour se faire réchauffer un bol de soupe, préparé par la marque écrite en rouge sur le paquet.

La télévision est toujours en route, et elle prend le jeu de réciter les répliques du film qui tourne à présent, et qu'elle a vu des centaines de fois.

- Un truc plus vieux que moi.

Elle chante même le générique, enjambant son sac tombé sur le côté, pour se remettre entre les vieux coussins, attrapant son plaid de l'autre main. Le liquide chaud tangue dans le bol peint, et elle parvient à ne pas en mettre partout en en avalant une gorgée brulante.

- Ah ! C'est chaud.

Son palais s'est transformé dans la seconde pour accepter la chaleur, avant de retourner à peu de choses près, à son état d'origine. C'est quelque chose qu'elle a récemment découvert. Si la métamorphose n'est pas « profonde », elle s'annule tout de suite. Elle ne sait pas par quel miracle, mais en gros, si le changement est léger, et ne modifie pas la structure première de son corps, tout redevient normal dans la seconde.

MétamorpheWhere stories live. Discover now