Chapitre 5 - Harry

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Je récupère mes lunettes de soleil glissées dans mes cheveux pour les mettre sur mon nez. La clarté du ciel malgré les nuages bas m'éblouit alors que je longe la côte entre Diélette et Siouville-Hague pour rejoindre le cottage que je loue.

Si mon GPS m'avait fait emprunter ce chemin le jour de mon arrivée, j'aurais été submergé d'une émotion intense. Le paysage est à couper le souffle entre la mer à perte de vue et les landes qui descendent vers elle, la plage de sable fin qui la borde, entourée des roches brunes.

Je m'enfonce un peu plus dans les terres et quitte cette incroyable vue avant de tourner sur la petite route qui mène au bourg. Les hortensias sont fleuris et les maisons en pierre de granit en sont toutes ornées. La vue sur la plage et la marée montante, les vagues tempétueuses qui s'écrasent sur le sable... J'inspire profondément en glissant ma main dans ma nuque.


Je m'étire et évacue un peu de stress de ces derniers mois.


Je retrouve le chemin de ma petite habitation, un chalet bleu et blanc, un peu excentré mais très agréable. Je décharge la voiture des quelques courses que j'ai fait puis rentre. La chaleur est étouffante dans le logement alors j'en laisse la porte ouverte.

Je sors mon téléphone de la poche de mon pantalon et le pose sur le comptoir sans même jeter un coup d'oeil aux éventuelles notifications que j'ai pu recevoir. J'ai coupé mes réseaux sociaux mais j'ai gardé les applications de messages en cas d'urgence. Tout le monde n'a pas connaissance de mon départ et ma mère a semble-t-il enfin compris mon besoin de solitude car elle se fait discrète.


J'enlève mon sweat que je jette négligemment sur le canapé, enclenche une playlist et me sers un verre de soda en rangeant les provisions.

Je grignote quelques morceaux de fromage en préparant un repas rapide.


J'ai loupé le rendez-vous de ce matin. Je ne veux pas louper celui de l'après-midi. D'ailleurs, je me demande s'il sera bien là... Je n'ai pas de moyen pour le joindre. Notre routine ne nécessitait pas que nous échangions nos numéros de téléphone. Pourtant, j'aurais aimé l'avertir quand j'ai su que je ne passerais pas à la plage ce matin.


Cette rencontre inopinée est comme un élan de fraîcheur sur mon quotidien. Louis est un véritable soleil et je crois qu'il ne s'en rend même pas compte. Les traits de son visage s'apaisent un peu plus chaque jour, sûrement dû au fait qu'il va de mieux en mieux. J'aime le voir sourire et les ridules se former au coin de son regard pétillant.


Nous discutons cinq à dix minutes chaque jour, de banalités, de futilités. Je prends des nouvelles de son état sans être trop intrusif. Il reste vague la plupart du temps mais il ne tarie pas d'éloges sur le personnel de soin qui s'occupe de lui. Il est discret et je ne peux pas lui en vouloir puisque je ne me dévoile pas beaucoup non plus. Je sais qu'il brûle d'envie de savoir ce que contient le carnet que je trimballe avec moi ; son regard est souvent tourné vers le rectangle de cuir posé entre nous. Nous restons deux inconnus qui discutent sur un banc.


Après avoir rapidement rangé la petite cuisine, j'enfile ma paire de baskets et sors de la maisonnette. Je marche, le sourire aux lèvres, regardant l'heure sur mon téléphone. J'ai quelques minutes de retard sur mon programme quotidien. J'accélère le pas, l'impatience grandissant en moi.


Mais je perds mon sourire lorsque je m'approche du banc. Louis n'est pas là. C'est un autre pensionnaire qui est assis à sa place. Je poursuis mon chemin, ma destination reste inchangée mais l'envie s'amenuise au fur et à mesure de ma progression.

LA REEDUCATION DES COEURSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant