16- Sens Unique

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— Qu'est ce que vous faites ?

Terence s'était reculé, les joues rouge braise. Les yeux bruns de Calissa s'étaient arrondis.

Venait-il de... la repousser ?
La princesse avait certes une expérience limitée
en romance, et des critères bien exigeants quant à son promis... mais elle pensait savoir distinguer les signes d'un coup de foudre.

Au moins un minimum.

— Je... Je ne comprends pas. Vous n'êtes pas amoureux de moi ?

Gené, il se gratta l'arrière de la tête.

— Vous... êtes ravissante, je ne dis pas le contraire. Mais—pardonnez mon honnêteté — c'est difficile de tomber amoureux de quelqu'un qui... traite les gens comme vous le faites. Et puis... j'ai déjà une petite amie.

Une petite amie ? Blessée dans son orgueil, Cali refusa de soutenir une seconde de plus le regard de son acolyte de route. Il s'était bien joué d'elle. Ce rustre. Il l'avait manipulée.

Ressentait-elle seulement quelque chose pour lui ? Non, assurément non. Il n' arrivait même pas à la cheville de la plupart des princes ombrumiens, avec ses sourcils trop épais, et ses muscles invisibles.

Diable, pourquoi l'avait-elle  embrassé ?

Par désespoir, par pitié peut-être. Ou parce qu'il s'était montré touchant avec elle. Peu de monde songeaient à prendre soin d'elle, à la couver comme il l'avait fait. Pas même Adrian.

Que lui avait-il pris ?
Son cœur battait la chamade, ni brisé, ni consumé

Or un sentiment de honte la gagnait.

Maudit paysan !
Elle le haïssait. Non, elle se haïssait. D'avoir été si stupide. D'avoir mal interprété ses signes. D'avoir pensé une seconde que quelqu'un... pourrait sincèrement l'apprécier.

— C'est ce que vous pensez de moi ? se désola-t-elle d'un ton pincé. Que je... traite mal mon peuple ?

— C'est ce que... vous laissez voir . Regardez, Marisa par exemple. Elle adore son métier, mais il y a des jours où vos commentaires la blessent. Elle a bien des fois voulu tout abandonner.

Jusqu'alors, Calissa avait toujours pensé qu'en rappelant son rang, son pouvoir et son autorité, elle parviendrait à tenir les rênes de ce peuple cruel.

À présent, elle constatait que la plus cruelle d'entre tous... c'était elle. Elle décida de contempler les herbes hautes, elles qui ne lui renvoyaient pas ses défauts au visage.

— Mais si vous me détestez, pourquoi m'avoir sauvé la vie. Pourquoi n'avoir jamais été méprisant envers moi ? Pourquoi... avoir été... vous ?

Ce n'était pas seulement pour son père, l'héritière le savait bien. Terence aurait pu plaider sa cause auprès de Tilly qui, douce comme un agneau, aurait répondu à sa requête.

Il sourit. Sous la lumière du jour ses yeux reflétaient la couleur d'un lagon, plus fascinants encore que les abysses qu'elle avait parcouru.

— Je ne vous déteste pas. J'ai toujours eu du mal à croire qu'il n'y avait que du mauvais en vous.

Vexée, la princesse ne put s'empêcher de plisser le nez.

—... Et à votre manière, vous avez su me prouver que j'avais raison. Une odieuse princesse m'aurait laissé patauger dans la boue.

Zut. Elle avait souri.
Elle faillit demander s'il avait voulu la tester en s'affalant de façon si piètre dans la mélasse, lorsqu'une branche craqua au dessus de leur tête. Perchée dessus, l'enchanteresse les fixait, Scorpion aux phalanges bandées sur son épaule.

Terence s'arma d'un baton, Cali de ses poings.

— Doucement, doucement. Je suis de votre côté, assura t-elle en retombant gracieuse comme une plume, sur le sol.

Loin de se montrer aussi pacifique, Calissa fronça les sourcils. Leur seule chance de partir était de confronter la maîtresse de ces lieux... dont l'innocence feinte agaçait plus qu'autre chose.

Qu'allait-elle leur montrer cette fois dans les feuillages épais des chênes : un pan d'enfance malheureuse de Terence ?

Or le bout de bois du garçon s'envola, et la magicienne la saisit par le bras.

— Calissa, on a trop traîné, fit-elle changeant tout à coup d'expression.  C'est ma faute, je pensais avoir le temps de tout t'expliquer avant... la tempête de neige, mais j'ai été prise par le temps.

Ses yeux s'apparentaient à des pleines lunes, et sur son front un croissant brillait. Scorpion hochait le bout de ses doigts, comme s'il voulait rassurer la princesse et le paysan. Or rien n'était rassurant ici .

— Le royaume court un grave danger, récita-t-elle. Des dizaines de dragons sont blessés. Le gel risque de s'étendre sur le château, et toutes les maisons aux alentours. Il ne s'arrêtera pas avant d'avoir tout détruit.

Tout mais pas ça...

— Il y a bien un moyen de l'arrêter, n'est ce pas ?

Que ce soit un mensonge ou un avertissement, Cali s'efforça de le croire. Pourtant, au lieu d'apporter une réponse, l'enfant dirigea son regard vers la rivière où une image flotta et foudroya la dragonne.

— Ta mère est gravement malade, et sans sa flamme entière, elle peinera à guérir. C'est d'elle que vient la tempête.

La princesse déglutit. La flamme était l'âme même d'un dragon. Elle lui donnait sa magie, la protégeait des blessures, lui transférait une force inestimable contre la fatigue mentale et physique. Celle d'une reine flamboyait d'autant plus.

— Il faut que tu montes sur le trône ce soir, précisa-t-elle d'un ton autoritaire. L'enfant Lune te donnera toutes les instructions nécessaires. Bonne chance !

Avant que Calissa ne puisse protester, Alienor la poussa en arrière. Une cavitée argenté s'ouvrit, et la princesse fondit à l'intérieur.

La chute parut durer des minutes. Un instant durant lequel, en déployant ses bras, Calissa eut pour la première fois, la sensation de vraiment voler par ses propres moyens.

Mais un courant d'air attrapa son corps léger, et la déposa en douceur sur un lit de nuages.

Quand elle reposa pied à terre, elle voguait dans une rivière d'étoiles.

Elle se trompait : la vallée blanche sous laquelle glissaient ses pieds était composée de glace.

Des flocons de neige pailletaient sa robe, et malgré le vent glacial qui frottait contre sa peau, Calissa remarqua une chose épatante : des milliers de flammes chatouillaient sa peau, l'embrasant comme un soleil.

Elle savait exactement où on l'avait emmènée. Et cela l'effrayait plus que l'ignorance.

***

Bonjour à tous, j'espère que vous allez bien ? Noel approche à grands pas. On finira demain sur un chapitre qui sera une réécriture complète d'un conte (et un peu une parenthèse dans l'histoire ).

Mais aujourd'hui, on se retrouve avec impro personnage (spécial science 😁) .
Lulu : l'inspiration de phanie pour les jeux a aussi gelé...

1) Deux de vos personnages ont l'occasion d'échanger leurs personnalités : qui se prêtent à l'expérience ? Que se passe-t-il ?

2) Vos personnages reçoivent en cadeau des capes d'invisibilité, s'en servent-ils ?

3) Un laboratoire explose à deux pas où séjournaient vos personnages ? Ils entendent des bruits suspects ? Que font ils ?

Des bisous ❤️😘

Brun Cannelle (terminée) Where stories live. Discover now