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Il est six heures du matin quand je pose un pied mal assuré chez moi. Je suis fatigué, bougon, et j'ai un mal de crâne horrible. J'ai marché pendant plus d'une heure après avoir raccompagné ma blonde chez elle, et j'ai l'impression que je pourrais me laisser tomber dans l'entrée et dormir ici. Je me force à me hisser en haut des escaliers tout de même. Je ne sais pas si c'est le reste d'alcool dans mon sang qui me fait dangereusement tanguer, ou si c'est la fatigue. Cependant, je n'ai pas le choix, je dois me traîner jusqu'à mon lit, je passe devant deux chambres dont les portes sont entrouvertes et j'atteins la mienne, non sans vérifier qu'aucune lumière n'émane de la chambre du fond, et c'est le noir complet. Gabrielle dort, parfait.

A peine ais-je mis un pied dans ma chambre que je me laisse tomber sur mon lit sans même me déshabiller. Je commence à m'endormir et me réveille en sursaut pour enlever mes chaussures et chaussettes, parce que je déteste particulièrement que l'on pose ses chaussures sur un lit ou tout autre objet, c'est particulièrement crade. Je me laisse entraîner ensuite dans les bras de morphée alors que déjà des rayons de soleil traversent mes rideaux à peine fermés.

"Wolf !! Wolf, réveille-toi tout de suite !" m'interpelle une voix lointaine. Même dans mon sommeil, j'arrive à me demander qu'est-ce que c'est que ce prénom de merde. Mais oui, c'est le mien, ou plutôt mon diminutif. Il y a bien des tonnes de choses que je regrette à propos des choix de mes parents, et ce prénom, Wolfgang, doit bien rentrer dans mon top dix.

Je grommele quelque chose, dont moi-même je n'ai pas la traduction, avant de me retourner et de tirer ma couette sur ma tête. Cette dernière m'est alors brutalement arrachée, mais je ne craque pas et garde mes yeux fermés tout en continuant à jouer les belles au bois dormant. Soudainement, quelque chose pince mon oreille droite, celle qui est sourde, et je déteste tout particulièrement qu'on la touche, elle tout comme mes cicatrices. Je me lève d'un bond en hurlant mon plus horrible juron utilisé dans cette maison, c'est à dire "sale teigne", et je fusille la personne qui a osé faire ça. Gabrielle, bien entendu. Elle a les bras croisés sur sa poitrine et m'observe froidement, moi qui ait encore mes vêtements de la veille sur le dos, et sûrement les cheveux en batailles et de grosses cernes sous les yeux. Prenant une grande respiration, je peux même affirmer que je pus encore l'alcool, et la sueur par la même occasion.

Elle, elle n'est pas particulièrement dans un état plus propre que le mien, d'ailleurs, je pense que c'est pour cette raison qu'elle ne me fait pas de reproche. Elle a ses cheveux bouclés attachés dans un chignon maladroit et désordonné, elle porte un sweat de Paul, le plus gentil des jumeaux, et un vieux jogging plein de trous. Le chômage ne lui réussit décidément pas.

"Tu n'as pas cours aujourd'hui ?" me questionne-t-elle froidement après plusieurs regards désapprobateurs. Je baisse les yeux. Gabrielle est la maître de maison, du haut de ses vingt huit ans, je ne sais pas comment elle a réussi à acceuillir autant d'orphelins chez elle. Elle est une sorte de famille d'accueille, et elle a actuellement quatre enfants à sa charge, moi compris, et l'un d'entre eux étant le sien. Paul et John, les jumeaux, que je ne peux différencier que depuis que John a décidé de se teindre les cheveux en blonds. Ils sont asiatiques, plus particulièrement Coréens, leurs parents ayant gagnés la nationalité française après plus de vingt années passées en France. Ils sont morts à quelques mois d'intervalles, le père d'un cancer, et la mère a mis fin à ses jours quelques mois plus tard, alors que les jumeaux n'avaient que quatre ans. Ils sont arrivés chez Gabrielle à l'âge de huit ans, et ils n'ont jamais été faciles, bien qu'ils commencent enfin à se calmer, maintenant âgés de seize ans. Je crois qu'ils la considèrent réellement comme leur mère, ce pourquoi ils lui en font voir de toutes les couleurs. Bien que Gabrielle ne le montre pas, après, elle a peur qu'on lui soit retiré à tout moment, elle tient à nous comme si nous étions ses propres enfants.

playtime (sous contrat d'édition chez Nisha et caetera, sortie prochainement)Where stories live. Discover now