8. Lisa

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Lisa

Contrairement à moi, Logan a gagné en confiance. Mais pour que ce soit plus amusant, je vais le laisser croire que son petit manège à deux balles marchera sur moi. Je n'aurai pas beaucoup d'efforts à faire, cela dit. Il n'en faut pas beaucoup pour comprendre que Logan s'imagine déjà que m'avoir dans ses filets sera du gâteau. Je lui réserve une jolie surprise et je compte bien m'installer au premier rang quand il découvrira qu'il n'est pas et qu'il ne sera jamais plus rusé que moi.

Petite précision, je n'ai jamais flirté avec un homme. Habituellement, ce sont les hommes qui flirtent avec moi, d'ailleurs, et je trouve cela amusant de voir leur tête lorsqu'ils acceptent enfin leur défaite.

Je vous l'accorde, Logan est sympa et très attentionné, mais je peux l'être également. Sauf que ce ne serait pas aussi drôle.

On pourrait croire qu'avec Darrell, j'avais déposé mes vieux habits de chasse. Je l'admets, j'ai fait des efforts pour lui parce qu'il en a fait le double pour moi. Enfin, c'est ce que je pensais, car je voulais vraiment lui donner une chance. Mais nous le savons bien, le naturel revient toujours au galop.

Je peux comprendre que Logan veut juste être poli, mais ce rapprochement indique clairement ses intentions. Je lui plais, et il va tout essayer pour m'avoir. Devrais-je l'arrêter ici ou bien, devrais-je le laisser se noyer tout seul ?

Je n'ai qu'à le laisser croire que je suis intéressé et que je ne pourrai pas contrôler ce qui suivra. Rien de bien méchant, non ? Naturellement, personne n'aime perdre le contrôle. Je ne fais pas exception à cette règle. J'ai la certitude que Logan n'est pas comme les autres garçons que j'ai côtoyés. Lui, c'est un homme et les hommes sont très coriaces d'après ce qu'on dit.

Ce que je ressens en sa présence s'éloigne de ce qui s'apparente à de l'intimidation. Cependant, dès qu'il s'approche trop près de moi, je me sens confuse. J'ai envie qu'il reste, mon cœur me crie de le laisser rester à mes côtés, mais ma bouche, à chaque fois qu'elle s'ouvre, c'est pour dire le contraire. Je l'ai repoussé tellement de fois, j'ai pensé qu'il se serait déjà lassé de moi, mais non, il continue à m'inviter à déjeuner et il passe même me voir dans mon bureau juste pour voir si tout va bien.

Will me le dit souvent : à cause de ce sentiment d'insécurité, je revêt ma deuxième peau automatiquement lorsque je sens le danger rôder autour de moi. En ce moment, ce danger porte un nom, et c'est Logan O'Neil. Non, il ne me fait pas peur...

Je déteste prendre le bus et je me déplace rarement en taxi. Devrais-je changer mes habitudes juste parce que je travaille pour le beau Logan O'Neil ? D'ailleurs, les autres ont déjà commencé à jacasser sur mon dos. À ce qu'il parait, cette Mlle Rousseau a été cherchée des informations sur moi en tant que styliste, et ce qu'elle a trouvé m'a fallu son mépris total. Je me fiche de ce que pensent les autres, à l'exception de Logan. C'est lui qui m'a engagé et quelque part, je ne veux pas le décevoir.

Deux semaines plus tôt

Mon ordinateur fait des caprices depuis ce matin. Ne pouvant pas avancer dans mon travail sans lui, je descends donc à l'étage en dessous à la recherche d'un technicien pour l'installation d'un nouveau logiciel. J'en ai besoin pour mes dessins.

À l'instant où j'arrive, ils arrêtent tous de parler pour se mettre à me dévisager. Ce n'est pas la première fois en plus. J'avance alors vers Sofia.

– Salut,

— Salut Lisa, ça va ?

– Non, je crois qu'il y a un problème avec mon ordinateur.

— Ah d'accord, tu n'avais pas besoin de te déplacer, il fallait juste en informer les techniciens. Attends, je vais les appeler.

Elle compose un numéro pour appeler. Sofia est la seule personne que je trouve un minimum sympathique dans ce bureau.

— C'est bon, Niall sera là dans un instant.

- Merci...

– Pourquoi as-tu besoin de Niall ? QUOI ? Monsieur O'Neil ne s'intéresse déjà plus à toi ? demande Jane.

Je ne suis pas obligée de lui répondre, mais Jane fait partie de ces filles qui se croient supérieures à tout le monde. Elle s'imagine qu'elle peut m'intimider.

— Ça te pose un problème, peut-être...

— Pourquoi ça me poserait un problème ? Ta vie ne m'intéresse pas, Élisabeth...

— Alors pourquoi t'es toujours là à vouloir attirer mon attention, dis-moi ? Je peux tout à fait comprendre que tu as eu une enfance plutôt merdique, mais ce n'est pas une raison pour chercher à intimider les autres Jane.

— Tu es une vulgaire fille qui conduit une moto et en plus de cela, tu n'as aucune maniabilité.

— J'aimerais te dire que ton opinion, me concernant, ne m'intéresse pas du tout, mais ça, tu le sais déjà, non ?

— Je ne sais pas comment tu t'y es pris pour taper dans l'œil du patron, je te promets que ça ne durera pas. Tu représentes tout ce qu'il déteste. Il te renverra d'où tu viens à la seconde après t'avoir utilisée...

— C'est un avertissement ça ? Écoute-moi bien, la grosse Conne. Je lui chuchote à l'oreille... Contrairement à toi, les mecs, c'est moi qui les jette, non l'inverse...

- Espèce de...

– Chut ! Peut-être que quand j'aurai terminé avec lui, il consentira à te regarder. Dis-je en me retournant vers Sofia.

— Mais pour qui tu te prends ? [...]

– J'insiste bien sur le peut-être. Je précise pour l'énerver.

Sofia me lance un regard compatissant. Je la comprends, c'est sa patronne après tout. Mais Jane ne sait pas à qui elle a affaire. Les filles comme elle, je les ai côtoyées à l'école. Une par une, je les ai toutes écrasées. Je ne m'inquiète pas pour Jane, car elle n'est pas à la hauteur. Même ses insultes sont pourries.

— Et toi, tu n'as pas des choses à faire, Sofia ? Crie-t-elle à son assistante.

— Elle est peut-être plus haut gradée que toi, mais ça ne lui donne pas le droit de te parler comme ça. Ne te laisse pas faire. Dis-je à Sofia assez fort pour que Jane puisse l'entendre.

Là, elle me fait les gros yeux. Sofia a peur de Jane, mais il n'y a pas de quoi, à mon avis.

– Tu sais que je peux ajouter ton insolence à ton dossier.

— Oh, Mon Dieu, j'ai peur.

Cet idiot n'a aucune idée de ce dont elle parle. Quel dossier ? J'ai signé un contrat pour rembourser une dette parce que ma Lolita me l'a ordonnée. Sans quoi, je n'aurais jamais postulé pour un poste dans cette entreprise, voire y travaillé.

— On verra si tu fais encore la maligne quand tu verras qu'on n'aurait pas renouvelé ton contrat.

— On m'a dit qu'on a besoin de moi par ici.

— Salut Niall. Je te présente Elisabeth McAllen, notre nouvelle styliste.

– Enchanté, Mlle McAllen.

- Pareillement...

– Qu'est-ce que je peux faire pour vous ?

— Allons dans mon bureau, je vous prie.

Avant de partir avec Niall, je me retourne vers Jane pour lui souffler un petit bye, ce qui l'agace encore plus. Niall a fait comme si Jane n'était pas là, il ne l'a même pas regardée. J'ai remarqué le petit sourire en coin de Sofia. Avant de m'en aller, je lui chuchote un peu plus tard.

– En passant, elle est vraiment très belle, votre bécane.

– Merci. Mais on peut se tutoyer.

- D'accord... Tu l'as retapé, n'est-ce pas ?

– M'ouais. J'ai un ami garagiste, il adore Zeus.

– Tu lui as vraiment donné un nom. Sofia a raison, tu es une vraie badass, Elisabeth McAllen. Ne t'occupe pas de Jane, elle est juste jalouse que tout le monde te trouve cool.

— Ah bon !

— M'ouais.

Comme ça, on parle de moi. Ça ne me dérange pas. Niall n'a fait que confirmer ce que je pensais depuis le début. Jane est une peste qui s'amuse à emmerder les autres. Elle n'a pas l'habitude qu'on lui tienne tête, mais dommage, ma belle, Élisabeth n'a peur de personne.

Retour au présent

J'ai déjà pas mal d'idées, mais je n'ai pas encore trouvé la bonne façon de les agencer. Mes croquis sont à peine présentables, je ne sais pas ce qui m'arrive. En général, je ne réfléchis pas autant, je dessine et à la fin, le résultat me satisfait, mais je ne peux pas me permettre d'agir ainsi. C'est une entreprise de grande marque et moi, je ne suis même pas connue. Mais en présence de Jane, je fais preuve de professionnalisme, dans le sens que l'entreprise a de la chance de m'avoir. Je sais au moins que je ne suis pas la seule personne que Jane méprise ici, cependant, je suis la seule qu'elle ne parviendra pas à démolir.

Quelques minutes après le départ de Logan, je reçois un appel de Sofia qui m'invite à déjeuner. Je n'arrive pas toujours à lui dire non. Je sais ce que vous vous dites, mais je ne pouvais pas dire à mon boss que je ne voulais pas déjeuner parce que j'ai besoin de temps pour concrétiser mes idées de création.

Nous avons beaucoup flirté ces derniers jours. Je ne sais pas pourquoi, mais à chaque fois que je pense qu'il est sur le point d'abandonner, il revient avec de nouvelles idées.

— Tu es sûr que ça ne te dérange pas qu'on mange dans ton bureau, Lisa ?

— Bien sûr que non.

– Je suis arrivée ici il y a plus de six mois et c'est la deuxième fois que je monte dans cet étage. Grâce à toi

— Ah ouais !

– Ouais. La hiérarchie, ma belle

– D'habitude, tu déjeunes à la cafétéria ?

— Non, il y a un café tout près, c'est là que Niall déjeune également.

– Hum !

– C'est tout ? Tu ne me demandes pas...

– Sofia, je n'aime pas me mêler de la vie privée des gens, mais je vois bien qu'il t'intéresse. J'ai vu comme tu l'as regardé tout à l'heure.

– J'ai flashé sur lui dès la première fois que je l'ai vu, mais c'est à peine s'il remarque ma présence.

– Tu devrais l'inviter à sortir dans ce cas.

– Tu crois ?

- Bien sûr

– Je n'ai pas envie de me faire rejeter.

– Tu n'es pas sûr qu'il te rejettera.

Je n'ai jamais eu de meilleure amie pour la vie. Je n'avais tout simplement pas besoin d'autres amis tout court. Avec William et Lolita qui sont constamment à l'écoute et qui me supportent, je n'ai besoin de personne d'autre. Parmi toutes les filles qui travaillent ici, Sofia semble être celle avec qui je peux m'entendre.

— Lisa, ne fais pas attention à ce que dit Jane. Elle est tout simplement jalouse. Depuis que je suis arrivée, j'entends les autres filles parler d'elle. À ce qu'il paraît, elle cherche à plaire au patron alors qu'il ne la remarque même pas...

Comme ça, Jane est intéressée par le Boss. Ce n'est pas nouveau, je l'ai su dès notre première réunion. C'est donc une femme aigrie qui cherchera à me nuire. Je n'ai pas besoin de ça dans ma vie et en même temps, je ne peux pas l'ignorer, car nous travaillons ensemble certaines fois.

Une fois l'heure du déjeuner passée, Sofia retourne à son poste. Encore heureux que Jane la laisse déjeuner. Être l'assistante d'une femme aussi pénible ne doit pas être une mince affaire.

À la fin de ma journée de travail, je quitte l'entreprise. Vous vous doutez bien que cette histoire de faire des courses en rentrant, ce n'était qu'une excuse, non ? J'arrive à la maison aux environs de 18 heures. Mamie me demande de lui raconter ma journée. Évidemment, je ne lui dis pas pour cette peste de Jane.

– En gros, tu as passé une bonne journée, ma chérie ?

– Je crois bien que oui.

– Il faudra me présenter ta nouvelle amie.

— Je ne dirai pas qu'on est amies, mais Sofia est très sympa.

Je sais qu'elle veut que je me fasse des amies. Quelle autre jeune fille de mon âge a une vie aussi restreinte que la mienne ? Mais ça ne m'a jamais dérangé avant, et ce n'est toujours pas le cas. J'aime m'occuper de ma Lolita, elle me donne toujours de bons conseils et mamie est très attentive. Et puis j'ai mon Will que je peux embêter H 24. Même si cette peste qui lui sert de partenaire fait tout pour réduire les heures que nous passons ensemble. Elle a avoué à Will qu'elle a peur que je prenne sa place. Cette idiote ne comprend toujours pas qu'elle n'a pas à s'en faire. Tout ça parce qu'elle n'a pas encore saisi notre lien entre Will et moi.

Conversation téléphonique

— Vous ne vous êtes pas jeté dessus cette fois au moins ?

— Will, nous ne sommes pas des animaux en manque, je te rappelle...

– Vous êtes deux adultes responsables.

— C'est mon Boss, Will.

— Qui t'as clairement avoué que tu lui plais.

— Mais ce n'est pas réciproque, Logan ne me plaît pas du tout.

- Bien sûr...

– Tu ne me crois pas ?

— Évidemment que je te crois.

— Sa fille m'invite à passer chez elle.

— Tu vas y aller ou pas ?

– À dire vrai, je n'ai pas envie de me retrouver face à Logan, chez lui, et...

– De quoi tu as peur ? Tu viens de me dire qu'il ne t'intéresse pas... Et puis tu seras l'invité de la petite. Peut-être que tu ne le verras même pas.

– J'en doute fort.

– Laisse ta moto et accepte son offre...

- Hey...

– Quoi ? Ça ne te tuera pas pour une fois.

J'entends son coach l'appeler, c'est sûrement l'heure de son entraînement. Will me dit de lui envoyer un message si je change d'avis.

Wil a vu juste. Je n'ai pas de raison d'éviter le Boss, car il ne me plaît pas. Les moments de flirt ne veulent rien dire après tout.

Il est près de vingt heures et je décide de me préparer. La fille de Logan est belle et elle est très intéressante. Je n'ai pas osé demander pour sa mère, ne voulant pas faire de bourde. Quand je m'y mets, je peux être une vraie gaffeuse.

Une fois prête, je quitte ma chambre. En rangeant mon portable dans la poche de ma veste après avoir grimpé sur ma moto, je me souviens alors que je ne lui ai pas demandé son adresse. Qu'est-ce que je fais maintenant ? Alors que je sors mon portable pour l'appeler, une voiture s'arrête à côté de moi.

– Mlle McAllen, monsieur O'Neil m'a demandé de vous déposer.

— Excuse-moi, Arthur, mais tu t'es déplacé pour rien.

– Je suppose que vous n'allez pas laisser votre moto.

– C'est exact.

– Suivez-moi dans ce cas.

C'est cool, non ? Arthur remonte dans sa voiture et nous faisons comme il dit. QUOI ? Vous pensiez sérieusement que j'allais lui obéir et laisser mon Zeus pour monter dans sa caisse avec son chauffeur qui au passage est également son garde du corps ? C'est très mal me connaître.

En tout cas, ce n'est pas la porte d'à côté. Même sans le trafic, nous mettons plus d'une demi-heure avant d'arriver devant une gigantesque barrière. Je me doutais bien qu'un homme aussi riche habiterait n'importe quel quartier. Arthur sort une carte dans la poche de sa veste pour la mettre devant une petite boîte en métal et aussitôt la barrière s'ouvre, le laissant passer. Il me fait signe de le suivre. Je conduis encore deux à trois bonnes minutes avant que je ne vois la maison. Bonté divine, on est vraiment chez les riches ici. Je suis sûr qu'il y a de la place pour plus d'une dizaine de personnes.

Je descends de ma moto en jetant un œil aux alentours, surpris par la beauté de cette maison. Aussitôt, je sens deux petits bars m'entourer la taille.

- Lisa, tu es là...

— Coucou Emy.

Elle me prend la main pour m'emmener avec elle à l'étage, alors que je lui dis de faire attention et de ne pas courir.

– Ouah ! C'est très joli ici.

Une salle de musique. Elle s'assoit sur la petite banquette derrière son piano rose, puis elle commence à jouer une douce mélodie. Je ne savais même qu'elle jouait du piano. Cette petite est pleine de surprises. J'applaudis en souriant à la fin du morceau.

— Tu joues très bien, dis-donc.

– C'est le morceau que je joue à mon papa quand il est très fatigué après une journée de travail. J'espère qu'il t'a plu.

— Oh ma princesse, bien sûr que je l'ai adorée. Je te remercie Émy.

— Tu es gentille, Lisa. Viens avec moi.

Elle m'entraîne dans une autre pièce. Emy déborde d'énergie. Cette autre pièce est celle où se trouve sa tante. Gabriela est assise devant une toile qu'elle est en train de peindre. Elle est très douée, je le vois. Une famille surdouée. Franchement, ils sont tous impressionnants.

– Tata Gaby, regarde qui est là.

– Bonsoir Gaby,

Elle s'arrête, mais ne lève pas la tête pour autant.

- Lisa... Elisabeth McAllen... C'est Lisa.

- Oui Gaby, c'est moi... Ton tableau est magnifique.

— Notre amie est là, c'est génial, non ?

— Elle est trop vieille pour être copine avec toi, Emy. Trop vieille

— Bien sûr que non, Tata.

— Tu as dit que c'était moi ta copine, que c'était moi, tu as menti, Emy. Ce n'est pas bien. Ce n'est pas bien de mentir. Pas bien

- Tata, ne dis pas ça...

- Pas bien... Tu as menti.

Elle tient sa tête entre ses mains en répétant la même chose. Je ne sais pas comment faire pour la calmer. Je fais un pas vers elle, mais la petite main d'Emy me retient le bras.

— Non, il ne faut pas la toucher.

— Qu'est-ce qu'on fait alors ?

– On attend dehors. Laissons-la se calmer toute seule.

C'est impressionnant de voir le calme avec lequel elle gère la crise de sa tante, alors que moi, je suis totalement choquée. Les autistes détestent le contact physique, je l'ai pourtant lu. Je ne sais pas pourquoi, mais instinctivement, j'ai voulu la prendre dans mes bras pour essayer de la calmer...

Un Accord Une histoire... Où les histoires vivent. Découvrez maintenant