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je n’aime pas parler de moi.
je ne sais pas le faire,
n’ai jamais vraiment réussi à trouver les mots justes malgré mes tentatives désespérées d’y arriver, en vain.
je ne sais pas ce que je suis, là, au fond du ventre.
je me suis construit trop vite, dans l’urgence de m’armer face à mes propres douleurs alors me voilà aujourd’hui, terriblement bancale et vacillante.

je mue comme les serpents au milieu du monde et des salles de concert quand tout devient trop lourd à porter sur mon dos. je fais peau neuve et je laisse mes vieux vêtements ensanglantés à la vue de la pluie et de la boue et je pleure pendant des heures parce que c’est effrayant de ne pas savoir se définir, de prendre conscience du gouffre immense qui trône dans notre corps.

alors j’écris, j’écris sans cesse pour espérer un jour me souvenir de mon nom, qu’il m’apparaisse une nuit trop noire et trop longue quand je ne sais plus rien faire de moi. poser ce prénom sur mon visage, m’y draper, m’en saisir et le coudre sur mon cœur, à même ma peau blanchie par l’obscurité des grands soirs d’été. 

j’ai découvert les autoportraits de man ray il y a quatre ans.
ces photos étaient pour lui, un moyen d’expérimentation, un jeu, presque, pour se renouveler dans sa photographie.
longtemps je les ai regardés avec envie,
ces autoportraits,
car je suis incapable d’affronter mon propre regard.
un coup de poing dans le miroir - les phalanges bleues - j’écris sans cesse, je tisse les mots entre eux pour échapper à mon nom, me soustraire de mon enveloppe, ma peau, ma chair, mes os, tout ce qui de mon corps me fait trébucher, le visage contre l’asphalte.

maïaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant