Désirs et décision

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Céleste s'est longtemps demandé si ses parents l'avait désirée.

Son père avait refait sa vie outre Atlantique et ses gestes de parentalité se limitait à de gros chèques. Pour être tout à fait honnête, il laissait aussi sa signature au bas de lettres qu'elle avait cessé de lire. Le papier et l'argent ne compenserait jamais les années d'absence.

Quant à sa mère, Céleste ne se souvenait qu'avec peine des moments où elle avait été son enfant chérie. Elle avait le sentiment que cette dernière avait compté chaque jour jusqu'à son départ de la maison. Oui, elle savait qu'elle l'aimait mais d'une manière douloureuse et pénible. Peut-être que sa chevelure lui rappelait trop l'homme qui l'avait abandonnée. Ou bien était-ce ses yeux, son attitude, sa façon de parler ? Céleste n'en savait fichtrement rien !

Son père était devenu un inconnu, sa mère, une personne qui fallait éviter pour soulager.

Voilà, en somme, ce qu'elle avait confié tout à trac, à sa grande surprise, à la psychiatre qui l'avait reçue en urgence la première fois, il y a quelques semaines.

Cette fois, elle avait tenté de la faire parler de ses projets d'avenir. Elle avait évoqué la librairie. Un énorme « MAIS » s'était d'abord formé dans son esprit avant de tenter de forcer le barrage de ses dents.

Le Dr Kaplan avait un don pour repérer ces petits mots que l'on voulait retenir. Elle les sentait arriver et les accueillait à bras ouverts.

Céleste avait perdu le fil et regardé la petite pile de cartes de visite, sur le bureau, posée près d'un stylo plume débouché.

« L'encre va sécher... c'est drôle, Kaplan, comme nom... on enlève le n et ça fait Kapla... j'aimais y jouer, petite... je faisais des circuits de billes avec... c'est toujours papa qui jouait avec moi... papa... »

-    Mademoiselle Rousseau ?
-    Oui ?
-    Vous me disiez que vous épargniez depuis longtemps car vous ambitionniez d'ouvrir votre propre librairie, mais...
-    Mais ?
-    Il y a un « mais », n'est-ce pas ?

Céleste baissa les yeux un instant, comme pour se retrouver. Pas pour chercher ses mots, non. Juste revenir à elle. Intuitivement ses mains se posèrent avec délicatesse sur son ventre.

-    Rien ne se déroule comme je l'ai planifié.
-    C'est très souvent le cas.
-    On le dirait... murmura-t-elle, les yeux à présent rivés sur son ventre qui s'arrondissait doucement depuis peu.
-    Non prévu ne signifie pas toujours non désiré... peut-on en parler ouvertement aujourd'hui ?

Céleste fuyant toujours le regard du médecin, qui était pourtant une femme avec laquelle elle se sentait à l'aise, se contenta de hocher la tête en signe d'approbation.

-    Votre première échographie était ce matin, n'est-ce pas ?
-    Oui...
-    Tout se déroule bien ?
-    Oui ; je dois prendre des vitamines. Mais oui, tout va bien. Je peux même prendre l'avion.
-    Avez-vous été accompagnée ?

Elle leva enfin la tête. Un sourire timide apparut ainsi que quelques larmes sur ce visage qui gardait encore quelques vestiges de l'enfance.

-    Halmeoni et Naki sont restés près de moi.
-     Nous avons déjà parlé. Vous craigniez leur réaction. Mais, vous le saviez, au fond, qu'ils seraient à vos côtés quelle que soit votre décision.
-    Je ne devrais plus douter d'eux. Ils sont ma famille... Mais, c'est plus fort que moi... J'ai toujours peur qu'un matin, en me levant, je découvre que, finalement, je ne suis plus qu'un poids pour eux...
-    C'est aussi le cas pour ce jeune homme dont nous avons parlé la dernière fois ? L'avez-vous contacté comme nous l'avions évoqué ?

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