Chapitre 3

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Mon sac à dos sur les épaules, je mets mon casque et les regarde, se tenant l'un contre l'autre, me saluant avant d'enclencher une vitesse, roulant dans les petites rues jusqu'à rejoindre l'autoroute 89, en direction du sud. En moins de deux heures, j'arrive à ma jonction vers l'autoroute 91, et dans trois heures, j'atteindrai ma destination temporaire, histoire de faire un peu de repérage.

Je ne suis pas une grande admiratrice de ce modèle de moto, je la trouve trop... dans le style anglais des années soixante, tant dans sa forme générale que dans celle de son réservoir. Cependant, je ne peux nier qu'elle a une bonne tenue de route et une réponse satisfaisante lorsque j'accélère. Elle est légère et agile, mais je n'éprouve aucun plaisir à la conduire, du moins pas autant que lorsque je suis sur la mienne. Ma propre moto et moi, sur la route, c'est comme une relation sexuelle, une fusion d'émotions. Sur cette moto-ci, j'ai l'impression d'être assise sur une chaise de cuisine.

Je circule en ville jusqu'à ce que je trouve le garage d'Eleanor. Il est excentré, le bâtiment est décrépit et semble avoir connu de meilleurs jours il y a cinquante ans. Aujourd'hui, il est pitoyable. J'ai déjà traversé des quartiers semblables, de ces endroits où il faisait bon élever ses enfants dans les années soixante-dix et quatre-vingt, mais qui n'ont jamais été revitalisés et ont tout simplement été abandonnés, oubliés. À l'exception des tagueurs.

Je préfère éviter de passer devant l'atelier au cas où l'un des employés reconnaîtrait l'une de leurs motos et voudrait me parler. Dina n'est pas prête, donc je vais plutôt chercher un hôtel pour me reposer avant de prendre la route jusqu'à Philadelphie. Je suis réaliste, une partie des confidences que j'ai faites à mes grands-parents a probablement déjà été entendue par les autres. J'ai été moins proche de mes grands-parents paternels, car ce n'est pas chez eux que j'ai grandi, mais leur amour pour moi est inconditionnel.

Dès que je ralentis et coupe le moteur, ouvrant la grille pour garer ma moto et la mettre sur sa béquille à côté de la voiture de grand-père, je remarque un mouvement de rideaux, puis la porte s'ouvre sur deux visages rayonnants.

« Grace !

— Bonjour à vous deux. Comment ça va ? »

— Ça va bien, oui. Tu as fait bon voyage ? Mais ne reste pas dehors, entre. »

Je souris en franchissant la porte. Ma dernière visite remonte à l'enterrement de mon frère. J'ai l'impression que c'était il y a une éternité étant donné tout ce qui s'est passé depuis, mais cela ne fait que six mois. En même temps, pour eux, deux visites en six mois, c'est comme gagner au loto. Ils sont restés si longtemps sans avoir de nouvelles de moi.

Assise devant un café, je les observe. Il est clair qu'ils viennent juste de parler avec mes autres grands-parents. Peut-être étaient-ils en ligne lorsque je suis arrivée.

« Allez, dites-moi tout, qu'est-ce qu'ils vous ont dit ?

— Tout », répond ma grand-mère.

« Probablement », précise mon grand-père, « rien n'est moins sûr ».

— C'est même certain », m'amuse-je.

Je regarde ma grand-mère se lever et sortir de la cuisine. Elle revient avec un magazine que je connais par cœur.

« Vous aussi ? » demandai-je en soupirant.

« Elle », dit ma grand-mère en pointant fièrement la couverture, « c'est ma petite-fille. Elle pilote des avions en Antarctique. Et ça », continue-t-elle en tournant les pages une par une, « ce sont des photographies prises par sa petite amie. C'est elles. » Je nous regarde dans notre selfie, avec le cadre en forme de cœur. « J'ai pleuré en lisant les mots du rédacteur en chef. J'ai pleuré en écoutant les reportages sur la mort de Julia, ton amoureuse. Nous avons pleuré de ne pas avoir eu la chance de la connaître. Nous avons pleuré ta perte.

The First Lady's mission - Reaper # 3Where stories live. Discover now