What if... (writing prompts)

~9~ (fra)

Amour fraisé

J'étais assis sur la banquette qui soulignait la fenêtre de ma chambre tandis que mes yeux observaient distraitement le rideau de pluie qui s'abattait rageusement contre le verre. Par un des panneaux que j'avais entrouvert pour laisser le son crépitant des gouttes d'eau calmer mon torrent de pensées, une réconfortante odeur d'humidité faisait son chemin jusqu'à mes poumons. Comme les nuages qui déversaient leur colère devant moi, j'allais bientôt être à court de cette lamentable mélancolie et devoir passer à autre chose. J'allais devoir quitter la sécurité des terres connues et m'aventurer au loin vers une contrée nouvelle dans laquelle je regretterais mon amour passé.

C'était d'ailleurs pour cette raison que je me rabattais sur mon sort. Ravagé par le chagrin qui s'était immiscé en moi, cette douloureuse perte me faisait me demander si je n'allais pas finir au bout d'une corde à la fin de la journée. Le visage angélique de l'homme que j'avais aimé restait imprimé dans ma mémoire comme une gravure ancestrale sur de la pierre. Elle se traduisait par tant de regards furtifs échangés ça et là, tant de mots murmurés tels une promesse d'un amour éternel, tant de douleur maintenant dépeinte par le temps que j'avais passé à me lamenter.

Ç'avait été semblable à mordre dans une fraise. Tout d'abord, on en admire le rouge flamboyant qui nous guide vers la tentation d'y goûter. Ce faible aperçu s'accompagne peut-être d'une odeur révélatrice de ce qu'on s'apprête à découvrir. Vient ensuite le moment où l'on prend le fruit entre nos doigts pour l'engouffrer. La langue, avide de sensations, se fraye un chemin jusqu'à la fraise et voilà que commence une expérience des plus inoubliables.

La première chose que les papilles gustatives s'émeuvent de ressentir est un goût sucré qui ne peut que susciter un sourire sur nos lèvres. On ne se lasse jamais de cette saveur, source d'un bonheur inconditionnel, qui nous fait en demander toujours plus. On s'accroche au moment comme si notre vie en dépendait, mais toute bonne chose ayant une fin, cette attirance tenace s'estompe pour laisser place à autre chose.

La deuxième chose qui empreint nos sens s'agit d'un acide poignant, un goût aigre qui nous fait regretter le passé doux de la fraise. Une escalade de sensations tord les visages les plus sereins en grimaces immondes. On se force alors à avaler le fruit maudit, d'abord si agréable et chaleureux, maintenant devenu tranchant hypocrite.

Et puis finalement, la troisième et dernière chose que la langue pourra se délecter de percevoir, consiste en un arrière-goût amer persistant. On se rend compte que manger la fraise était délicieux du début à la fin, mais désormais qu'elle a dépassé l'œsophage, plus moyen d'en profiter.

Comme cette fraise, notre amour eut un début magique, un prolongement rocailleux et une fin regrettable. Je détenais ironiquement un de ces fruits entre mes doigts tremblants. Il me narguait, me rappelait ce que j'avais eu et ce que je n'aurais plus jamais.