What if... (writing prompts)

~2~ (fra)

On dit que l'amour peut être douloureux, mais le manque est encore pire. On peut parfois chercher pendant des années entières la personne qui mettra de la couleur dans notre vie. J'ai beaucoup d'expérience en matière d'attente et de déception, plus que vous ne le pensez. Je n'ai pas vécu comme tout le monde.

Dans mon univers, on ne peut pas se contenter de nourriture et de sommeil pour vivre. Nous recevons tous un pendentif à la naissance, aucun n'est pareil. Personne ne sait d'où ils viennent ni de quoi ils sont fait. Nous savons seulement que notre douce moitié, notre âme sœur, en détient l'autre moitié. Nous sommes condamnés à errer sur Terre pour l'éternité jusqu'à ce que nous la trouvions, mais personne ne reste seul bien longtemps. La grande majorité d'entre nous rencontre l'amour de sa vie avant d'atteindre 20 ans. Certains tardent un peu, mais ils ne dépassent jamais 30 ans... enfin, c'est ce que je croyais.

Je suis beaucoup trop âgée pour être encore en vie. J'ai vu passer les générations et les guerres, j'ai arrêté depuis longtemps de compter les années qui passaient. J'ai arrêté de vieillir à l'âge de 22 ans et du même fait, vu tous mes proches mourir les uns après les autres. Mon médaillon est sensé se réchauffer à l'approche de mon âme sœur, mais il n'a jamais été aussi froid. J'ai tout essayé, j'ai parcouru la Terre entière à la recherche de l'autre moitié, mais je n'ai jamais trouvé. Dans un moment de faiblesse, j'ai même essayé de m'enlever la vie pour ne plus avoir à chercher. C'est dur de vivre avec un but qu'on ne peut jamais atteindre. Je ne voyais pas la ligne d'arrivée alors j'ai essayé de prendre le raccourcis. Puisque je vous parle aujourd'hui, vous vous doutez bien que ma tentative a échoué. Le pendentif est trop puissant, il a sa propre conscience, il est au courant de ce que son hôte fait. Personne ne meurt par accident ici, c'est le bijou qui décide.

Je suis assise dans un petit café, le visage sans émotion, devant un muffin à peine entamé. Je regarde les gens passer dehors, les jeunes couples se tenant par la mains, et j'attends. Je ne sais pas vraiment ce que j'attends, peut-être mon autre moitié ou tout simplement un moyen d'en finir avec tout cela. Je prends une autre bouchée de ma collation, mais un morceau reste coincé dans ma gorge. Je tousse discrètement, essayant de le dégager, même je sais très bien qu'il n'y a aucun danger que je meurs asphyxiée. Et pourtant, alors que je tousse et tousse encore, je commence à douter. Peut-être que le médaillon a enfin décidé que mon heure était venue? Peut-être qu'il en a assez d'attendre?

Je vois des gens venir vers moi pour m'aider, une serveuse me donne un verre d'eau, mais je continue de suffoquer. L'air me manque et ma vision se brouille de points noirs. Ma gorge est en feu et je panique. La dernière chose que j'aperçois avant de m'évanouir est le regard effrayé des autres clients autour de moi.

Je me réveille un peu plus tard ou peut-être beaucoup plus, je ne le sais pas, sur un plancher en marbre. Je suis dans une pièce immense dont l'entrée est bordée de colonnes blanche. Devant moi, il y a un large escalier menant à un trône et sur celui-ci, est assit un homme habillé tout de noir. Il a des lèvres pleines, un nez fin, des yeux bruns perçants et ses cheveux argentés disparaissent sous une couronne de ronces. Pour la première fois de ma vie, je suis sans voix devant un homme et je réalise que mon médaillon brûle pour lui aussi. Je baisse les yeux de l'étranger et sort le bijou de mon chandail pour l'observer.

- Bienvenue en enfer, chère âme sœur. Je m'appelle Lucifer.