BUILD A VILLAIN
Il est dans la lumière, acclamé de tous, ayant sauvé son peuple d'une invasion. Qui pourrait le détester ? Héritier de la couronne, il connaît mieux que quiconque son devoir. Et Ether le savait, alors elle ne peut pas lui en vouloi...
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Il fait tourner entre ses doigts habiles le masque que j'avais revêtu pendant tant d'années, ce masque qui avait fini par s'imprégner sur mon visage me conférant un droit d'exister, et ça ne serait pas étonnant que je retrouve des plumes sur mon épiderme.
Ses yeux rieurs laissaient deviner ce qu'il pensait du rôle de pantin que j'avais joué, me laissant hors de critiques verbales pendant que je me faisais soigner, encore une fois. Comme si je ne savais finalement pas avancer. Me retrouvant au même endroit qu'un peu plus tôt lors de mon premier sauvetage.
- Et si vous me racontiez votre point de vue sur votre légende ?
- Que croyez-vous savoir de moi ?
Il tourna les fentes noires qui lui servaient de pupilles vers moi, retenant à peine le rictus qui venait creuser une fossette sur sa joue :
- Vous êtes la mercenaire personnelle du Prince héritier de l'Empire Nychta, même si nous savons tous qu'il en est déjà l'Empereur puisque son père est tristement malade.
Le ton de sa voix monotone comptant des faits, se fit moqueuse sur l'état de santé du régent. Je haussa un sourcil alors que la source de chaleur du pentagramme magique disparaissait, le guérisseur prit congé immédiatement en silence.
- Êtes-vous lié à la situation actuelle ?
Il pencha la tête légèrement sur le côté comme si ma question était absurde, futile, vide de sens, plissant les yeux, il marmonna :
- Je ne vois pas ce que mon implication ou ma non implication vous apporterait.
Je ne vois pas quoi répondre à ses propos, mais je ne peux pas m'empêcher de douter de ses intentions. Cet homme est un mystère, agissant selon ses envies sans prendre en compte, aucune conséquence. Et même s'il se présente comme quelqu'un ne me voulant pas de mal, cela ne signifie pas pour autant qu'il souhaite mon bien. Faudrait-il encore que je sache ce qui pourrait être une source de ce que les gens appellent bonheur.
Je pensais mériter un minimum de reconnaissance, non pas que je désire être connue ou reconnue, non pas que je désire quoi que ce soit, puisqu'il est celui qui déterminait ma destinée, il était le marionnettiste et ça m'allait. Car je n'avais que le néant de la douleur avant qu'il ne me tende la main. Enfin je crois. Je ne sais plus.
Je ne suis pas avide de sentiments, je ne suis pas égoïste au point d'oublier mon serment, je le savais que Erebe Nychta était le héros de ce monde. Il est la lumière guidant le peuple, le descendant béni d'Éole et la vie de ses sujets valent bien le sacrifice de ma disparition. Je le savais, je le sais. Alors je n'ai aucun droit de demander à être épargnée, je n'ai pas la prétention de penser qu'il aurait pu s'attacher à l'ombre que je suis. Et pourtant, mon coeur se serre et je ne peux pas empêcher mes pensées de se torturer, de se demander ce que j'ai pu faire de mal pour qu'il choisisse de ne pas me prévenir. Je ne voulais que cela, je voulais être vue dans ses yeux comme un être humain. Je voulais qu'il considère mon existence comme utile, parce que c'est tout ce que j'avais dans le fond. Parce que c'était tout ce que j'étais.
Pensait-il que je n'obéirais pas ? Pourtant je n'ai jamais manqué à mes devoirs ! Je n'ai jamais manqué à mes devoirs ! Pas une seule fois. J'ai toujours appliqué ses ordres avec diligence.
- Lady ? Avez-vous mal ? Que se passe-t-il ?
Ma main tremblante se porte sur ma joue mouillée et ma vue trouble me fait comprendre que des larmes se sont échappées de mes yeux sans que je ne puisse l'expliquer.
Je n'ai pas mal mais je souffre.
Pourquoi ? Il aurait dû me donner l'ordre ! Il aurait dû me le dire ! Je ne demandais que ça ! D'avoir sa voix comme guide, parce que je n'ai connu que ça ! Ce n'est pas juste !
Alastor pose une main sur ma tête et me sourit avec tendresse alors que j'essaie d'effacer ces choses inutiles qui coulent sur ma peau à découvert.
- Pleurez donc, votre réputation, votre honneur, votre masque et ses obligations n'ont pas besoin de travailler ici. Alors laissez votre peine et votre haine demeurer à l'abri de ses murs et non de votre armure.
Que de paroles inutiles, je ne suis pas une enfant ayant besoin de réconfort, je ne suis pas quelque chose de fragile, je ne veux pas d'une fausse compassion qui amènera à la trahison, je ne veux pas de cette vie où l'on m'abandonne.
Pourtant un faible bruit s'échappe de mes lèvres, comme un hoquet étranglé par mes propres cordes vocales, comme un aveu qui se meurt, comme un étouffement bruyant par son silence.
- Vous êtes un magnifique oiseau Lady, je ne vous offre pas une cage mais un nid si vous le souhaitez. Alors dites moi ce que vous voulez, que désirez-vous ?
- Vous me manipulez.
Ma gorge sèche réussit à transmettre les propos souhaités. Je ne suis pas dupe, rien n'est offert sans compensation. Je n'aime pas les faux semblants et le jeu politique mais je sais le reconnaître. Parce que ce monde n'est fait que d'artifices brillants, lumineux.
- Oh, mais je suis honnête. Contrairement à ceux que vous servez, je ne m'embarrasse pas de fausse morale, d'une bienséance hypocrite ou d'un carcan social pour plaire. Je fais ce qu'il me chante parce que c'est ainsi que ce monde est fait : soyez bons , et vous serez un bien aimé triste. Je préfère mon bonheur à celui d'un autre.
- N'avez-vous pas dit oeuvré pour une femme.
Il ria, se balançant sur la chaise en bois sur laquelle il se tenait, fragilisant son équilibre, je me demande bien quelle réaction il aurait si je le poussais afin qu'il se retrouve par terre. Avec un peu de chance, je pourrais aussi lui donner un coup de pied.
- Il est vrai. Mais vous cherchez à comprendre un fou. Alors dîtes moi, cela fait-il de vous, quelqu'un de plus insensé que moi ?
- Je ne veux pas m'associer à vous.
- Vous avez jeté une première fois votre vie, que j'ai sauvé, récupéré, soigné et je vous ai offert la liberté. Vous avez choisi de repartir à la source de ce qui vous a fait souffrir. Encore une fois, je suis venue, je vous ai demandé si vous souhaitiez mon aide. Vous avez accepté. Alors je vous ai sauvé, encore. Je vous ai ramené, je vous ai soigné, encore. Et puisque je suis d'une bonté incroyable, je vous offrirai la liberté mais cette fois-ci à une condition. Car je ne vous regarderai pas être un gâchis, je ne peux décemment pas laisser mon idole ruiner mes efforts !
- Nous y voilà.
- Vous m'avez longtemps inspiré.
- Je ne prends pas cela pour un compliment. Après tout, vous êtes un connard.
Il fit mine de s'offusquer, portant une main à son plexus, ouvrant grandement la bouche :
- Je suis outré de vous entendre jurer !
- Que voulez-vous ?
- J'aimerais vous retourner la question. Et une fois que vous aurez la réponse, veuillez me la communiquer pour que je vous donne votre récompense, bel oiseau.