BUILD A VILLAIN - ENCOURS

SWORD 10

Est-ce que le printemps a-t-il été toujours aussi froid ? Ou est-ce que la neige sur le sol n'a pas sa place ici ? Les arbres morts projettent leurs ombres tristes sur le blanc fade. Des vestiges d'habitations et d'un manoir, peine à tenir debout.

- Nous sommes sur la région de Borée, il s'agit du territoire du Duché Hemera. Enfin ce qu'il en reste suite à la guerre et les monstres ont fini de tout ravager.

Je resserrais la cape doublée de fourrure contre moi, essayant de protéger mon corps contre le vent glacial, à croire que cet endroit ne connaissait pas les saisons.

- Et pourquoi sommes-nous là, Alastor ?

- Je vous offre la possibilité de vous trouver une identité.

- Vous voulez que je vole le nom d'une famille noble ayant péri ?

- Croyez-vous être la seule à revêtir un nom qui n'est pas le sien ? Il est courant que les gens profitent d'une chance qui apparaît devant leur nez. Et puis, dans le fonds qu'est ce qui différencie un noble ? Que la naissance ? Finalement tout ça, n'est qu'un bal fait de mascarade.

- Je refuse.

- Vous avez pitié des morts ? Lady, je ne vous savais pas si généreuse.

- Je ne vais pas me rajouter un problème d'identité, ça ira. Merci.

- Le duc et la duchesse avaient une fille de votre age. N'est ce pas parfait ? Il faut que vous réclamiez votre héritage avant que quelqu'un d'autre ne le fasse.

- Qui oserait se faire passer pour une héritière normalement décédée ?

Il forma une boule de neige entre ses mains et la laissa au sol, effectuant la même chose une nouvelle fois, accroupi, laissant ses habits s'imbiber de l'humidité.

- Il est vrai que ça serait difficile, d'autres nobles l'ayant connu  pourraient voir la supercherie. Mais connaissez-vous l'avantage de la situation ?

- Ne savez-vous pas exprimer vos idées directement ? Au lieu de poser des questions auxquelles vous n'attendez en réalité aucune réponse. Les déductions sont faîtes d'elles-mêmes.

- Vous n'aimez pas ma personnalité ?

- Vous n'aimez pas mes secrets ?

- Je vous accorde le point.

- Parce que vous en êtes réduits à compter les gains et les pertes de nos joutes verbales ? Votre vie doit être bien vide.

- Vous commencez à maîtriser le venin des paroles, je suis sûr que vous allez être meilleure avec vos doux et cruels mots qu'avec votre épée. 

A la mention de celle-ci, ma main se retrouve sur le pommeau de l'arme dissimulée sous le tissu. Mon  souffle chaud crée une légère buée dans les airs. Des corbeaux décorent le ciel azuré et je les regarde s'éloigner à grands coups d'ailes.

- Les enviez-vous ?

- Quel est l'avantage de la situation Alastor ? Je n'aime pas tourner en rond et jouer les devinettes. N'êtes vous pas un homme occupé ? Alors pourquoi gaspiller vos minutes à jouer ?

- Leur fille était comme le joyau caché d'un dragon. Elle n'a jamais fait ses débuts et personne n'a connaissance de son prénom ou de son visage.

- Et comment pouvez-vous être sûr qu'elle n'est pas toujours en vie ?

- J'ai moi même visité leur demeure, j'ai trouvé les cadavres de la famille et de tous les employés. Vous pouvez être rassurée, aucune demoiselle au sang bleu ne viendra vous pointer du doigt lors d'une soirée mondaine pour vous accusez de faux et d'usage de faux.

Je devrais peut être éprouver de la peine pour ce triste sort, ils ont subi une conséquence qui leur échappait. Le Duc Hemera était une figure incontournable dans l'Empire, connu pour maintenir les frontières du Nord et avoir sa propre armée. Et voilà que tout cela était parti en fumée. C'est ce qui avait tant affaibli les forces de notre nation.

Alastor venait de créer de petits bonhommes de neige, alignés au visage souriant. Et je me demandais si cet homme tant craint avait tout son esprit à la bonne place. Parfois je me demandais si ce n'était pas juste un enfant insouciant ayant trop de pouvoir en mains et ne faisant que des caprices.

- Et donc vous voudriez que je réponde de la succession Hemera.

- Vous ne pourrez pas choisir votre nom de famille mais le prénom n'a jamais été connu. Les seules fois où le duc parlait de sa tendre fille, il la désignait par "ma tendre fille". Il est indéniable qu'il l'aimait profondément. Après tout, elle était enfant unique.

Je me demande si je pouvais être quelqu'un, prétendre d'être dans mon droit mais ce que je vais acquérir n'est qu'un mensonge. J'avais un masque d'oiseau sur mes yeux, et maintenant on me demande de passer un collier de perle et une bague au blason d'une famille qui n'est pas la mienne. Finalement je ne change pas, je n'évolue pas. Je ne suis personne. Je ne dois mon existence à quoi ? Je n'ai rien demandé, je n'ai pas voulu être. Je n'ai jamais rien souhaité dans le fond. Qu'est-ce que je fais là ?

Le soleil se reflète dans la blancheur du paysage, et mes yeux se plissent légèrement face à l'éclairage trop fort, mes cheveux longs noirs me reviennent dans le visage face aux différents courants d'air.

Il me regarde et sourit grandement quand il prononce un seul mot :

- Ether.

- Pardon ? 

- Je trouve que ça te correspond si bien.

Je fronce les sourcils à sa déclaration,  me tenant debout face à lui encore penché sur ses créations, je suis obligée de baisser les yeux pour apercevoir ses expressions faciales. Ce n'est pas le regard suffisant habituel mais quelque chose de plus sincère, plus doux ... Assez étrange venant de sa part.

- Oui ça sonne bien, Ether. Ether Hemera.

- Je n'ai pas accepté et je ne pense pas que ce soit à vous de me nommer. Je ne suis pas un animal de compagnie.

- N'êtes vous pas ce que vous étiez quand je vous ai adopté ?

- Je le répète, je ne suis pas un animal de compagnie.

J'exagéra la prononciation de la fin de ma phrase, détachant chaque syllabe avec lenteur pour espérer qu'il inscrive cela dans sa tête.

- Pourtant vous étiez un oiseau en cage, dont on a brisé les ailes. Je vous offre la possibilité de voler comme vos compagnons.

- Cherchez-vous à me blesser ? A me faire peut être pleurer ? A me rappeler que même mon ancien "maître" n'a aucune considération pour moi ? Que je ne suis rien.

Son sourire se fige et disparaît, ses yeux semblent changer et pourtant je ne vois pas de différence quant à la dilution de ses pupilles,  c'est beaucoup plus subtile que cela :

- Ne parlez-vous pas de vous ainsi.

Il avait murmuré, et je peinais à croire l'avoir entendu.

- Ether Hemera. Oui, c'est d'une ironie qui symbolise bien ma vie.