•Chapitre 3

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Il se dépêchait dans les couloirs de son université, se frayant un chemin parmi les étudiants qui allaient chacun à leur salle, son bras tenant fermement sa peinture contre son corps pour éviter qu'elle ne s'abîme à cause de la foule. Enfin arrivé à sa salle, il s'installa à sa place habituelle, vers le centre de l'amphithéâtre. Il avait rarement des cours ici, ils allaient tous dans les ateliers pour faire de la pratique, la théorie se faisait rare par moment de l'année. Habituellement il aimait les cours de théories, contrairement aux autres, pourtant il n'en pouvait plus.
Son heure de cours passait tellement lentement qu'il commença à se demander si l'aiguille fine des secondes ne se moquait pas de lui, prenant tout son temps pour faire péniblement le tour d'une minute.
Avant même que la sonnerie ne retentisse, il était debout, allant vers son professeur à pas de loup, sa toile sous son bras.
C'était le moment de lui montrer ce qu'il avait dans le ventre, le moment de lui montrer qui était Jeon Jungkook. L'énergumène de la veille l'avait tellement énervé qu'il avait passé toute sa journée et sa nuit sur sa toile, essayant de la peaufiner et de la rendre parfaite, pour que ni son professeur, ni un étrange à présent rouquin ne puisse lui dire quoi que ce soit. Ils allaient tous les deux être éblouis par son talent.
Il posa sa toile sur une chaise près du bureau de monsieur Kim, un air fier sur le visage qu'il ne pouvait cacher.
La toile représentait une nuit étoilée, vue de la fenêtre de Jungkook. La beauté et la précision des traits du jeune étudiant étaient visibles à chaque coup de pinceau.

    - Alors ? Impressionnant ? J'ai travaillé ce que vous m'aviez demandé. Le bleu terne du ciel pour la tristesse, la nuit pour la mélancolie, les étoiles pour les rêves, les-

    - Tu n'as rien compris, mon petit. Dis-moi, d'où sors-tu tout ça ? Qui t'a dit que le bleu terne était la tristesse ? Qui a dit que la nuit était mélancolique ?

Jungkook le regardait, un air perdu sur le visage, ne comprenant pas où il voulait en venir.

    - Tout le monde le sait, c'est partout, dans les livres, les poèmes, les films-

   - Non ! Je ne veux pas savoir ce que disent les livres, je veux savoir ce que toi tu dis. Ton tableau est vide, Jungkook. Que ressentais-tu en regardant ce ciel nocturne ?

Ce qu'il ressentait ? Eh bien, il n'avait rien ressenti de bien impressionnant. Il avait d'ailleurs du mal à comprendre lui-même comment une nuit pouvait être mélancolique, comment les étoiles rappellent les rêves et tout ce qui suit. C'était juste la nuit et des étoiles, on les voyait littéralement tous les jours, qu'est-ce qu'il y avait de si poétique dans de la pure logique ? Il ne savait pas ce qu'il était censé faire. Il avait lu tous les livres possibles sur le sujet et avait respecté les règles, il avait retranscrit l'émotion. Son expression qui se transformait petit à petit en une moue colérique fit rire son professeur qui lui tapota gentiment l'épaule. Le vieil homme avait rarement vu d'aussi grands talents que Jungkook, mais aussi d'aussi grands ignorants.
L'étudiant peignait divinement bien, là n'était pas le problème. Mais pour quiconque aime vraiment l'art, c'était facile de voir la différence entre quelqu'un qui ressent et quelqu'un qui ne ressent rien. Son but en tant que professeur était de pousser son élève à être meilleur que lui-même. Il était sûr que Jungkook le dépasserait, qu'il l'avait peut-être même dépassé, mais il lui manquait cruellement cette petite étincelle dans les yeux.

    - Tu vois ? Tu ne sais pas. Et c'est bien là le problème.

   - Je sais ! Très bien même !

Le vieil homme soupira, reconnaissant son élève têtu.

   - Je ne ressens rien, monsieur. Je ne comprends pas ce que je suis censé peindre si rien ne me vient à l'esprit. Le ciel est un ciel peu importe s'il est bleu ou noir voire même étoilé ! C'est juste l'atmosphère, il n'y a rien à dire dessus !

IMBER |  jikookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant