Romi et Raphaël

Point de non-retour

- Une fois ces portes passées, il n'y aura pas de retour en arrière possible. Vous êtes prêt ?

Raphaël regarda Erick debout sur sa gauche. L'homme répondit oui sans hésitation. Raphaël, lui, hésitait toujours. Il était là, devant la porte des esprits que les jumeaux avaient bien voulu leur ouvrir après avoir longuement protesté, avait-il d'autres choix que d'y être ? Il avait passé toute son enfance avec Romi. Il aimait ses enfants mais être séparé de sa femme lui était insupportable. Il agissait égoïstement, il le savait, les enfants avaient besoin de leurs parents mais Raphaël avait beaucoup plus besoin de Romi que d'eux.

Il hocha la tête et fit le premier pas vers ce qui le mènerait à sa mort.

- Trois... deux... un...

Romi prit une inspiration et planta sa dague dans le pentacle à ses pieds. Son énergie passa de ses mains, à l'arme puis à l'immense pentacle qui, avec l'aide des chasseurs, s'activa. La vingtaine d'esprits qui se trouvaient au milieu disparut. Elle se releva et souffla avant de cacher ses mains qui étaient devenues translucides dans ses poches. Elle avait des manches longues mais elle était sûre que ce mal montait jusqu'à ses épaules.

Il faisait nuit et cela faisait plusieurs heures qu'elle travaillait avec les chasseurs. Valens l'avait plus ou moins appelé au secours après avoir couru toute une après-midi derrière des esprits qui envahissaient littéralement tout un village. Comme la plupart des chasseurs étaient pris ailleurs, Romi avait accepté. Raphaël passait ses journées dans le monde des esprits et Nadjya s'occupait parfaitement bien de l'agence.

Valens s'approcha d'elle, visiblement fatigué.

- On aurait dû te mettre à la récupération des esprits, ils n'ont pas fini, non plus, là-bas, avec tout ce qu'on leur envoie.

Romi souffla une nouvelle fois, elle n'avait pas pensé qu'une telle mission pouvait être aussi physique. Les rues étaient vides, il n'y avait presque plus d'esprits et les humains qui l'avaient pu s'étaient enfermés chez eux. En arrivant, cela avait été la cacophonie, puis Romi avait aidé les chasseurs dans leur travail et le village était devenu silencieux. Tellement que s'en était presque terrifiant.

- On va finir ici, tu peux rentrer chez toi.

Romi lui en fut reconnaissante. Avant de rejoindre sa voiture, elle lui demanda tout de même :

- Vous avez envoyé quelqu'un pour Chaos ?

- Pas encore, non, il n'y a pas de volontaire. Mais on va devoir se bouger, ici c'était rude mais sans réelles conséquences. Ailleurs, il y a déjà eu des victimes.

Romi le remercia et rentra chez elle. Une fois à la maison, elle retrouva Raphaël avachi sur le canapé, très fatigué, lui aussi. Il avait récupéré les enfants qui s'occupaient dans le salon. Romi s'assit à côté de lui.

- Alors ? C'était comment ? s'enquit-elle.

- Tu sais très bien qu'on ne va pas plus loin que la porte. C'est toi qui devrais me raconter ta journée.

Alors Romi raconta. S'ensuivit un silence que Raphaël brisa en disant :

- Aki m'a dit qu'il n'y en avait plus pour longtemps.

Romi pinça les lèvres et hocha la tête. Son mari enleva sa bague et l'a mis dans les mains de sa femme.

- Je n'en ai plus besoin pour voir les esprits.

Romi sentit les larmes lui monter aux yeux. Elle monta à l'étage, ouvrit le coffre de sa grand-mère et plaça la bague dans le faux livre où elle avait trouvé, vingt-deux ans plus tôt, des lettres de sa grand-mère avec ses contrats. Elle redescendit pour faire réchauffer le dîner.