Five

CHAPITRE 3 - ESHAN

Maya qui se tient face à moi.

Maya dans une salle de classe.

Maya qui me regarde de ses grands yeux bruns.

Maya

Maya

Maya

Je n'arrive plus à penser correctement, j'ai seulement son prénom qui résonne dans ma tête. A la seconde ou mon regard s'est posé sur elle, je l'ai instinctivement reconnu. Vu son regard je pense qu'elle également ; du moins je l'espère.

J'avance dans la classe avec le regard de Maya posé sans cesse sur moi, ce qui a le don de me rendre également mal à l'aise.

Je fais des centaines d'interventions par semaine, c'est quelque chose ou je suis généralement assez à l'aise, j'ai eu un peu de mal pour m'exprimer en public au début, mais désormais tout va bien. Du moins c'est ce que je pensais avant de débarquer dans la classe de Madame Maya Weder.

Mes mains commencent peu à peu à devenir moites et mon rythme cardiaque s'accélère dangereusement, cependant tous ses yeux braqués sur moi, m'aident à reprendre mon sang froid.

- Alors qui dans cette classe à déjà consommer de l'alcool ? Articulais-je tant bien que mal. Il n'y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses, personne ne vous jugera dans cette classe.

Peu à peu, toutes les mains commencent à se lever, jusqu'à avoir la quasi-totalité des élèves. Seul un élève n'a pas participé au débat et je ne sais pas si c'est parce qu'il ne sent pas concerné ou juste parce qu'il n'écoute pas.

- Je ne vais pas vous dire de ne pas boire en soirée, j'ai été jeune moi aussi et je sais que cela est pratiquement impossible, mais ce qu'il faut savoir c'est que la consommation d'alcool de façon excessive perturbe le développement du cerveau, cela réduit aussi la concentration ; c'est à ce moment là que les notes sont en chute libres, que le travail devient insupportable et que les dégâts physiques et mentales sont pour la plupart irréparables et définitifs. Qu'on s'éloigne peu à peu de ses amis.

En disant cette dernière phrase je me retourne vers Maya. Celle-ci ronge ses ongles, et bouge frénétiquement ses jambes, je la connais assez pour savoir qu'elle est mal à l'aise, et cela est dû uniquement à ma présence ici.

La suite du débat continue plutôt bien, les élèves sont pour la majorité réceptifs, un vrai échange entre eux et moi se met doucement en place, j'ai quelques fois essayer de faire participer Maya, mais elle n'a daigné y participer m'indiquant qu'elle préférait prendre des notes et se concentrer uniquement là-dessus.

La fin du cours approche, et pour la première fois j'ai envie de sortir d'ici à grande enjamber, ma cage thoracique est comprimée et j'ai le besoin viscéral d'inhaler de l'air frais. J'autorise les élèves à sortir de la classe, et en moins de trente secondes je me retrouve seule à seule avec elle, je n'ose me retourner et faire face à son regard qui je le devine doit être empli de dégoût à mon égard.

Je respire un grand coup, et décide de rompre le silence pour la deuxième fois.

- S'il te plait, est-ce qu'on peut au moins parler, juste trente secondes, Maya je t'en supplie.

Ma voix n'est qu'un souffle et je me demande si elle a entendu ma phrase, mais quand celle-ci relève sa tête vers moi je n'ai plus aucun doute.

- Non, me dit-elle d'un ton froid que je ne connaissais pas. Non, Eshan on ne va pas parler, tu es ici dans ma salle de classe et je te demanderai de bien vouloir me laisser seule et de partir.  

J'hésite, j'ai envie de la prendre dans mes bras parce que tout à coup je me rends compte qu'elle m'a beaucoup plus manqué que je ne l'aurais jamais imaginé, mais d'un autre je sais qu'elle me déteste et que riens ne pourra jamais changer ça. Je décide alors de partir et de la laisser tranquille, mais quand je m'approche de la porte prête à ouvrir la poignée sa voix m'interpelle.

- Eshan ?
Sa voix est emplie de larmes et ses joues sont rougies, quant à moi mon cœur que je pensais inexistant depuis de nombreuses années se brise un peu plus.

Je hoche simplement la tête pour lui faire comprendre que je l'écoute mais je n'arrive à prononcer aucun mot.

- Ton intervention était bonne et les élèves réceptifs c'est tout ce que je souhaitais, mais est-ce que Mr Jeggins est au courant que son précieux intervenant est un putain de meurtrier. Je trouve cela marrant, pas toi ? m'assassine-t-elle de sa voix froide et dénuée de sentiments.

Meurtrier, ce mot résonne dans mes oreilles et tourne en boucle sans que je puisse le stopper. Je pensais avoir atteint le pire, mais c'était avant que cela sorte de sa bouche. Honnêtement je ne pensais pas que cela me ferait si mal. Après tout ce n'est pas la seule personne de Queen Anne a pensait ça, j'en suis quasiment certain, mais venant d'elle, cela m'affecte bien plus que je ne le voudrais.

- Bonne journée Madame Weder, sur ces mots je décide de sortir de la pièce sans me retourner.

C'est quoi ce bordel ? Pourquoi Maya était là ? Et depuis quand enseigne t-elle ici ? Depuis aussi loin que je me souvienne Maya voulais être journaliste, elle à toujours aimer écouter et raconter des histoires, c'était sa façon à elle de s'exprimer, à travers les autres. Cela était sans doute plus facile pour elle. Mais prof, Maya, je n'y aurais jamais pensé, on parle de Maya Weder, la fille la plus timide qui existe. Il y'avait seulement cinq personnes avec qui Maya s'exprimait, et repenser au faite que j'ai eu l'occasion d'en faire parti me pince ce qui reste de mon cœur, quand je vois le regard assassin qu'elle m'a lancé. 

Meurtrier ? Ce sont ses mots et même si au fond de moi je sais qu'elle a raison,  et que ce n'est pas la première fois que de telles paroles sont dites à mon égard, c'est la première fois que mon corps réagit autant. J'ai froid et chaud en même temps, je marche à grand pas pour fuir le plus rapidement possible, mais cela voudrait également dire que je n'aurais plus l'occasion de la voir, elle. 

Je ne peux pas retourner dans cette salle de classe, je sais qu'elle est encore à l'intérieur, et qu'elle vérifiera au moins une bonne dizaine de fois mon abscense avant de sortir,