Prologue

237 6 0
                                    



Ayreen, à l'âge de 17 ans,

Los Angeles

Le dos raide, le regard plongé sur le large miroir trônant dans le vestibule, je m'entraîne à sourire. Nos prestigieux invités ne vont pas tarder à arriver et je vais jouer le plus grand rôle de ma vie. Enfin, selon mes parents, car la situation est loin de m'emballer. Au contraire, mon moi intérieur hurle de détresse.

Ma mère parvient dans le hall et m'analyse de la tête aux pieds.

- Tiens-toi droite, me somme-t-elle sèchement.

Je m'exécute, tendue par le stress.

Elle poursuit son examen minutieux en me tournant autour. J'ai l'impression de passer au crible d'un scanner prêt à déceler le moindre gramme de graisse en trop. La tenue, créée par sa marque, a été choisie par ses soins. Elle ne peut qu'approuver l'ensemble, pourtant quelque chose ne semble pas lui plaire vu le dédain qu'elle met dans son observation.

- Tu as grossi, commente-t-elle, chiffonnée.

PDG et actionnaire principale d'un groupe numéro un dans l'industrie du luxe, elle accorde énormément d'importance à notre allure. Et au poids... sur lequel elle fait une fixette. Beaucoup me disent que mon corps est parfait ainsi. Mais pas la femme face à moi qui aimerait que je sois aussi mince qu'un top model.

- Je te rappelle que tu m'obliges à monter sur la balance tous les jours. Tu l'aurais constaté.

- Tes fesses me paraissent bien trop grosses dans cette robe.

Je manque de souffler. Ce qu'elle m'agace à critiquer mon physique en permanence ! Pour elle, je suis bien trop grasse. Et cela, quoi que je fasse, en dépit des nombreuses heures de sport passées avec mon coach personnel.

- Je ne suis pas l'un de tes mannequins de podium, rétorqué-je, piquée. Je n'ai pas pour but de défiler ou de faire la une des magazines de mode.

Elle lâche un rire sarcastique.

- Et heureusement ! Si tu n'étais pas ma fille, personne ne t'aurait embauchée avec un tel arrière-train. Les femmes qui possèdent ta silhouette, je leur préconiserais plutôt de se reconvertir dans la pornographie.

- Sympathique...

Elle dépose une main sur mon épaule et se veut gentille alors qu'elle s'apprête à m'assassiner un peu plus avec ses mots incisifs.

- Rends-toi à l'évidence, Ayreen. La robe fait vulgaire sur toi, tu n'as rien de classe. Ton corps est une honte à notre famille. Je représente l'élégance à travers le monde entier, tandis que toi, tu ressembles à une potiche de télé-réalité.

J'avale de travers, encaissant sa méchanceté comme bien souvent. Rien ne me vient pour répliquer et me défendre face à ses railleries. Mes lèvres charnues, enduites d'un rouge pétant pour l'occasion de ce soir, se zippent. Ça fait pourtant des années qu'elle est ainsi, jamais satisfaite, malgré tout ce que j'effectue pour notre famille. Je devrais avoir l'habitude de prendre autant de coups de sa part. Cependant, ça me fait toujours aussi mal. Mes efforts sont sans cesse vains.

- J'ignore comment tu feras pour séduire Andrew, soupire-t-elle. Il faut qu'il ait envie de plus d'une nuit avec toi. Et avec tes courbes opulentes, j'ai bien peur qu'il ne te perçoive pas comme une femme à marier.

Andrew est le fils du vice-président. Sa mère est également très reconnue dans la mode. Organisatrice et créatrice de la fashion week, maman a bien l'intention de l'avoir dans ses petits papiers pour très longtemps grâce à l'alliance de nos foyers. Et je suis le dispositif ultime qui lui permettra d'y arriver. Elle me prépare à ce dîner depuis déjà un an. Mais il n'y a pas qu'elle que j'aiderai. Mon père, PDG de la plus grande entreprise d'armement du monde, mise aussi sur moi. Il souhaite équiper l'armée de ses nouvelles technologies. Pour cela, il a besoin de se rapprocher du gouvernement.

Au lieu de se débrouiller eux-mêmes pour parvenir à leurs fins, ils comptent sur moi afin d'unir nos familles. De ce fait, j'ai pour mission de séduire Andrew.

- Il s'intéressera à moi, lui assuré-je.

Elle tourne autour de moi pour m'inspecter une dernière fois, puis lâche avec froideur :

- J'espère bien, même si ce n'est vraiment pas gagné...

Enfin, elle s'en va vers le salon tandis que je ravale ma tristesse. Un sourire de façade s'impose sur ma mâchoire. Personne ne doit déceler que ma vie de milliardaire n'est pas uniquement faite de paillettes. Alors je m'entraîne à encaisser les uppercuts comme ceux-ci en me creusant les joues.

L'interphone du portail retentit. L'une de nos domestiques, Sally, s'empresse d'aller ouvrir alors que Damian, notre majordome, se prépare à accueillir nos convives. Mes parents ainsi que Rylan, mon grand frère, rappliquent dans le hall.

Ce soir, chacun a un rôle à jouer et y trouvera des intérêts.

Sauf moi.

Carnage [Publié]Where stories live. Discover now