Chapitre 3

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LE PURGEUR


Imperturbable face à ce que je m'apprête à effectuer, je fais rouler sinistrement ma nuque et enfile mon masque de Purgeur avant de rabattre la capuche de ma veste sur ma tête. Les néons de l'objet se mettent à briller dans la pénombre du hangar. Les LED devant mes yeux et ma bouche les illuminent, me donnant une allure horrifique.

Je me tourne, mes hommes sont là. Eux arborent un masque qui représente un crâne noir dissimulant leur identité. Tous entourent mes trois victimes du jour, à genoux sur le sol froid et bétonné. L'un d'eux s'est déjà pissé dessus. Pris de tremblements, il renifle fort, alors que le grand nettoyage n'a même pas encore commencé.

Ma voix s'élève d'outre-tombe.

— Quel instrument ? demandé-je aux trois gars à terre.

Aucun ne me répond. J'avance jusqu'à eux, alors que de nombreux AK-47 sont braqués dans leur direction.

— Je... je vais te rembourser, m'assure Kyle en essayant de maîtriser sa peur.

— Ah ouais ? Quand ? Parce que ça fait presque un an que tu me répètes la même chose. Ma patience arrive à saturation.

— Je vais trouver, je te le jure !

Je m'accroupis près de lui. Mon aura brutale s'étend sur eux, les frigorifie. Tous frissonnent quand je sors mon Glock et le plaque sur la tempe de Kyle.

— Tu sais que je n'aime pas les mensonges ? annoncé-je glacialement.

— Ça n'en est pas un ! J'ai rassemblé quelques milliers de dollars, je vais te les donner !

— Combien ?

— Dix mille, mais...

J'enfonce davantage le canon. Il se raidit.

— Il manque un zéro, constaté-je, amer.

— Je suis au courant, j'ai...

Mon arme dévie vers sa main droite, aplatie sur le sol afin de s'y appuyer. Je presse la détente, la balle s'élance à toute vitesse pour lui trouer la peau. Je n'éprouve aucune satisfaction à mon acte. Il ne me procure rien. Même voir ce chien hurler alors que son sang s'est répandu sur le ciment ne me provoque pas de remords. J'écoute simplement son cri, et perçois les tressaillements de ceux qui ne tarderont pas à subir des blessures mortelles lors de cette entrevue.

Je l'interroge, hivernal.

— Toujours dix mille, t'es sûr ?

Kyle ne répond pas, il s'agite en chialant.

— Putain, ces connards me font perdre mon temps, craché-je.

Je me redresse et me dirige vers une armoire pour prendre l'un de mes instruments de torture préférés. Une machette. Mais... ma marque de fabrique est tout autre. Mes doigts se referment finalement sur le manche d'un couteau aiguisé que je jette devant mes trois victimes. Le métal retentit comme une menace. Après avoir lancé un coup d'œil à l'objet tranchant, tous se regardent, méfiants.

C'est l'heure de la purge.

— Je ne tuerai pas celui qui survivra, décrété-je, la voix caverneuse. En contrepartie, il devra rembourser la dette des deux autres en plus de la sienne. Soit un total de trois cent mille dollars.

L'un d'eux, Zachary, n'hésite pas un instant, et se rue sur le poignard pour transpercer ses adversaires. Le spectacle ne m'intéressant pas, je me tourne vers mon meilleur pote et bras droit, Emiliano, caché derrière son masque noir.

— Il ne pourra pas payer, il va falloir renflouer les caisses, remarqué-je avec âpreté. On a perdu trop de blé avec le réseau de faux billets.

Pendant des mois, des types nous ont rémunérés avec de la contrefaçon de monnaie. On s'est fait escroquer une somme conséquente.

Les grognements de mes victimes résonnent, je ne jette même pas un œil à ces bâtards.

— Qu'est-ce que tu proposes ? me questionne Emiliano. Intensifier les ventes ?

Je penche la tête sur le côté, observe l'immensité du hangar où nous avons entreposé une bonne partie de notre stock. Un cri couvre la voix de mon complice. J'imagine que les trois mecs ont réussi à s'entretuer.

— Je peux refourguer la came à un petit qui se chargera du commerce à la sortie du lycée de Beverly Hills, ajoute Emiliano. Les gosses de riches nous permettraient d'augmenter nos prix.

— Ouais, fais donc ça.

— Mais il reste un problème.

Il s'écarte du groupe pour parler à l'abri des oreilles indiscrètes. Je le talonne pour entendre ce qu'il a à me dire.

— Les gars sont sur les dents. Ça fait des mois qu'ils n'ont pas reçu une rémunération correcte.

Mes muscles se bandent.

— Je ne gère pas les contributions, cinglé-je.

— Je sais, le Baron s'en occupe. Mais il a le cul posé à Albuquerque en ce moment même et dirige l'ensemble du gang de loin. Toi, t'es sur le terrain, tu comprends les enjeux.

Je hoche la tête froidement. À cause de l'arnaque aux faux billets, ainsi que les mauvais payeurs, la rétribution de mes hommes devient difficile.

— Offre-leur des nanas en attendant qu'on puisse renflouer les caisses, me conseille Emiliano. Du sang frais, pas des vieilles putes qu'ils ont déjà sautées. Ça va les aider à patienter.

— Trouves-en, vu que tu passes ta vie à séduire des meufs, lui intimé-je.

Il s'offusque.

— Non, je ne partage pas avec tout le monde, t'es malade ? Toi, t'as bien des nouvelles gonzesses dans tes contacts, non ?

Je réfléchis un instant.

— Sûrement.

— Faut les faire tenir.

— Charge-toi de ça, lui ordonné-je.

Il rigole derrière son masque.

— Donc, tu t'occupes de placer nos vendeurs près des riches ? se renseigne-t-il, amusé, sachant que toutes ces merdes ne m'intéressent pas.

— Je vais faire mieux que ça.

— Ah ouais, quoi ?

— Tu verras.

Je tourne les talons et me confronte au lauréat de ma mini purge. Le pisseur.

— J'ai gagné, halète-t-il, les mains ensanglantées.

Mon canon se lève. Les yeux du vainqueur s'arrondissent de stupeur. Il n'a pas le temps de réagir, la balle se loge dans son front.

— Nettoyez le bordel, commandé-je à mes hommes en retirant mon masque à néon. Et accrochez leur dépouille sur les réverbères encore debout, à l'entrée de nos quartiers.

— C'est compris.

— Compte sur nous.

Je hoche le menton, satisfait, puis ajoute :

— Kyle a parlé de dix mille dollars. Fouillez son appartement et distribuez-vous la somme.

Bien qu'il me soit impossible de distinguer leurs expressions faciales à cause des crânes recouvrant leur figure, je discerne malgré tout leur joie dans leur posture.

— On t'en garde une part ? me propose l'un d'eux.

Je décline et me casse en vérifiant mon portable. Si un contrat pouvait me parvenir, ça réglerait mes putains de soucis. Mais il n'y a pas de notification.

Pas de tête à exécuter.


Carnage [Publié]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant