Chapitre 38 - Louve

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« Punaise. »

Je laisse échapper un soupir interminable. Ça fait maintenant vingt bonnes minutes que j'attends Jarvis, le nouveau chauffeur – mes parents ont licencié Lucas lorsque nous avons déménagé. Eh bien, son remplaçant n'est pas des plus ponctuels et ce n'est pas pour m'arranger. Les bus sont tous partis depuis longtemps, et je n'aurai d'autres choix que de faire tout le chemin à pied si jamais il ne pointe pas le bout de son nez.

Je hausse les épaules, cale davantage mon sac contre moi et commence à avancer. D'après mes estimations, je devrais en avoir pour à peu près une heure de marche. J'espère toutefois, évidemment, croiser ce chauffeur incompétent en cours de route. 

En admettant que je ne me trompe pas de chemin. 

Il sera tellement confus d'être arrivé en retard qu'il se confondra en excuse, et je suis si une si méchante fille que je ne vais pas me gêner pour lui faire du chantage. Je souris avec machiavélisme, songeant que cette petite erreur de la part du dénommé Jarvis va peut-être marquer le début de mon plan d'évasion. 

Hélas, je ne tarde pas à déchanter. Au bout de quelques minutes à peine, la réalité me rattrape et je me souviens que nous traversons habituellement des quartiers bien peu agréables. Je décrète cependant que je n'ai pas peur, et reste calme quand j'atteins des quartiers moins fréquentés. Bon, j'admets que je dois faire un sacré effort pour ne pas m'inquiéter quand les quelques personnes que je croise lorgnent un peu trop mes baskets de marque et mon sac Hermès – mais je tiens bon. 

Que pourrait-il bien m'arriver, de toute façon ?

Ce n'est pas comme si je craignais quoi que ce soit, dans les faits. Même si je me faisais kidnapper par des trafiquants d'organes, je ne risquerais pas grand-chose – mes parents étant devenus experts dans l'art de me récupérer à droite à gauche, je n'aurais certainement que peu de temps à attendre.

L'angoisse finit néanmoins par avoir raison de moi. Sinon, comment expliquer que je sois absolument certaine d'entendre des pas me suivre, mais qu'il n'y ait personne derrière moi quand je me retourne ?

Je roule des yeux, m'agaçant de ce stress inutile. Evidemment, qu'il n'y a personne. Ce n'est pas parce que j'ai clairement un style de fille riche que je vais me faire agresser par le premier venu.

« Je deviens paranoïaque, moi... » je marmonne, exactement au moment où quelqu'un me saisit brusquement par le bras. « Oh mon Dieu ! »

Je crie par réflexe et effectue un solide mouvement de recul afin de me libérer, mais la poigne qui me tient est bien trop forte pour que je puisse m'en débarrasser. Tout ce que je parviens à faire, c'est lâcher mon sac sous le coup de la panique et me tordre à moitié le poignet. 

Bon sang, mais qu'est-ce que... ?

Lorsque je lève les yeux, mon pire cauchemar prend vie. Ma respiration se bloque dans ma poitrine, m'abandonnant à mon triste sort, et j'ai l'impression que le temps s'arrête un instant. 

Pour cause, celui qui a hanté mes nuits pendant bien trop longtemps est apparu dans mon champ de vision. Je me demande une seconde si je ne suis pas en train d'halluciner et en perd l'équilibre, mais sa poigne est telle qu'il me force à rester debout sans même sembler s'en rendre compte.

Actuellement concentré sur la vieille dame qui traverse la rue au loin – sans doute le seul témoin potentiel de l'agression qu'il s'apprête à effectuer – mon demi-frère ne fait pas encore attention à moi. Je reste alors figée devant ces cheveux identiques à ceux de mon père, devant ce regard calculateur et ces muscles bien trop développés pour que je puisse m'en défendre. 

La louve et le rebelleWhere stories live. Discover now