Chapitre 15

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Ses cheveux avaient poussé depuis la dernière fois qu'il l'avait vue, noirs comme l'encre, lisses comme l'eau et dont les pointes reposaient à présent sur ses épaules. Son visage couleur d'ivoire qui ne lui donnait aucun âge et ses petits yeux bruns en amande la rendaient reine. Il s'attendait à de la colère, à de la frustration, à des remontrances comme si elle allait soudain lui crier dessus, mécontente qu'il l'ait évitée tout ce temps. Au contraire, ce fut le soulagement qui marqua ses traits.

Il y avait tant d'émotions sur un visage qui n'avait rien ressenti par le passé. C'était elle qui était vivante. Il percevait sa respiration, son sourire, le mouvement de sa tête, le battement de ses cils. Elle était plus belle qu'ils ne l'étaient tous.

— Enfin !

Elle lui sourit en s'approchant et il fit un pas de recul. Elle s'arrêta alors, coupée dans son élan.

Jilian tenait sa main devant lui, une autre sur son nez pour tenter de faire barrière aux effluves. Elle l'observa sans comprendre mais après un temps, une hésitation, elle vint jusqu'à lui, dépassant la distance qu'il lui imposait. Son regard était ouvert, le fixant avec intensité avant qu'elle ne murmure :

— Tes yeux ont changé...

Un petit sourire se forma sur son visage opalin :

— La couleur est si belle.

Il voulait reculer, encore et encore, fuir mais l'autre qui luttait sous sa peau maintenait ses pieds au sol. Ali pivota quelque peu en direction du coin d'ombre à quelques pas :

— Bonsoir Noham.

Il inclina la tête et elle marmonna :

— Est-ce que tu pourrais nous laisser un instant ?

— Malheureusement non.

Cette fois, son soulagement changea en un froncement de sourcils et elle secoua la tête :

— Pourquoi est-ce si compliqué ?

— Ce n'est pas à moi de te l'expliquer.

— Justement les explications ne viennent pas.

Elle regarda de nouveau Jilian tandis qu'il s'empêchait de respirer.

— As-tu si peur pour moi ?

Il ne pouvait pas répondre, pas prendre le risque d'ouvrir la bouche, pas bouger d'un iota de crainte de perdre le maigre contrôle qu'il avait à la fois sur son corps et sur l'autre.

— Je n'ai pas peur, moi.

C'était vrai. Elle respirait une confiance presque innée. Un calme olympien. Ses yeux détaillaient tout son visage comme s'ils voulaient exprimer des milliers de choses sans parvenir à les formuler. Comme si la présence du vampire aux yeux de bronze la censurait dans ce débordement d'émotions qu'elle vivait.

— Il y a tant de choses que je voulais te dire mais je ne sais par où commencer...

Elle eut un petit rire étouffé par son sourire comme si elle avait attendu cet instant et qu'à présent qu'il arrivait, elle ne savait plus ce qu'elle avait prévu.

— Je sais que tu n'es plus majordome, je crois que ça me plaît. Ta transformation ne change rien, je –

« Mordons-la »

« Maintenant. »

Un spasme le prit et il se plia violemment en deux dans un cri silencieux. Ali paniqua, posant une main sur son épaule :

— Jilian, qu'est-ce qui se passe ?

Il bondit en arrière, la faisant sursauter par l'ampleur de son mouvement. Son dos cogna contre une des fenêtres fermées avant que ses mains ne cherchent une prise. Une chose à laquelle s'accrocher. Ses mâchoires le lançaient de douleurs et il prit conscience que son visage craquelait, se déformait.

Le Manoir - Tome 2Where stories live. Discover now