Chapitre 25

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Jilian sortit brusquement des souvenirs. Il émergea comme s'il s'arrachait du corps de Noham, de sa tête, de toutes ses entrailles. Il tomba en avant et vomit du sang noir.

Il eut l'impression de se déchirer, d'avoir été étiré jusqu'à ce que ses membres se brisent, puis reconstitué en un instant.

— As-tu perdu la tête ?

La voix tonitruante s'éleva, l'attrapa par le col, les yeux de bronze furibonds :

— Qu'est-ce qui ne tourne pas rond dans ta petite caboche ?

Mais un nouveau spasme prit Jilian et Noham le lâcha avec dégoût, le faisant retomber contre le sol bétonné. Le vampire persifla, essuyant le sang qui coulait de la morsure, dégoûté. L'ancien majordome, lui, continua de vomir jusqu'à ne plus rien ressentir.

Jusqu'au soulagement de son corps torturé.

Où était-il ? Était-ce un autre souvenir ou avait-il enfin rejoint la réalité ?

Penché au-dessus de lui, l'air inquiet, Ézriel lui tendit une main pour l'aider à se relever tandis que Noham, énervé, sortait toutes les insultes qu'il connaissait dans des propos jamais entendus. Jilian en était plus que conscient à présent. Ces insultes avaient existé mais personne à part lui, ou presque, n'était en mesure de s'en souvenir.

— Ne refais jamais ça ! Tonna-t-il. Les vampires ne mordent pas les vampires, tu vas t'intoxiquer avec cette connerie.

Jilian toussa encore en marmonnant :

— C'était... un réflexe...

— Garde tes réflexes pour d'autres !

— Il n'a pas fait exprès, s'écria Ézriel prompt à le défendre.

— Co... combien de temps s'est passé depuis... depuis que j'ai avalé...

Il tenait à peine debout, il se sentait lourd, malade, las aussi, presque fiévreux. Il regarda Noham et le sentiment croissant de culpabilité enfla.

— Comment ça combien de temps ? demanda Ézriel. Il n'y a pas eu de temps.

— Moi aussi j'ai des réflexes, scanda Noham. Bordel, ça fait un mal de chien... tu sais combien de temps ça va cicatriser ça ?

— Ne lui hurle pas dessus. Il t'a dit que c'était un réflexe.

— Qui a ce genre de réflexe ?

Jilian se terra dans l'indicible, dans un silence qui fit empirer l'inquiétude d'Ézriel. Mais l'ancien majordome ne voulait pas parler. Pas avant d'avoir digéré entièrement ce qui s'était passé.

Pas avant d'avoir compris.

L'autre s'était tu, Jilian sentait sa présence mais ne l'entendait plus. Tout avait été absorbé, contaminé. Il voyait Noham, il voyait sa vie, ses souvenirs devenaient les siens. Il ne savait plus. A qui appartenait quoi, quelle vie était la sienne. Il avait tout absorbé et ça le hantait.

Yeux ouverts ou yeux fermés, c'était toujours là.

Il ne ressentait plus qu'une grande peine comme si ses propres sentiments avaient été annihilés.

Plus tard, Ézriel, tendu et maladroit, toqua à la porte de sa chambre :

— Qu'est-ce qui se passe ?

Allongé sur le lit, Jilian tourna la tête dans sa direction.

— Rien.

— Tu as l'air tout sauf bien.

— Ça va passer.

Jilian l'observa dans sa jeunesse, l'observa avec ses pommettes hautes, ses yeux bordeaux, ses expressions de mal-être à peine voilées :

Le Manoir - Tome 2Where stories live. Discover now